Les Entretiens d’Épictète/Arrien à Lucius

Traduction par Victor Courdaveaux.
Didier (p. 1-2).

ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE
RECUEILLIS PAR ARRIEN




Arrien à Lucius Gellius, salut.


Je n’ai pas composé moi-même ces leçons d’Épictète, comme on peut composer les choses de ce genre-là ; et ce n’est pas moi non plus qui les ai publiées, moi qui déclare que je ne les ai pas composées. J’ai simplement essayé d’écrire ce que je lui entendais dire, et dans les mêmes termes, autant que possible, afin de me conserver pour l’avenir des souvenirs de sa pensée et de sa libre parole. Il n’y a donc ici, naturellement, que le langage qu’on peut tenir d’abondance, en improvisant devant quelqu’un ; ce n’est pas le style d’un homme qui écrit avec la pensée qu’on le lira plus tard.

Tel qu’est ce livre cependant, il est arrivé, je ne sais comment, devant le public, sans mon consentement et à mon insu. Mais il ne m’importe guère d’y paraître ou non un habile écrivain ; et peu importe à Épictète aussi que l’on fasse fi de sa manière de dire, puisque, en parlant, il ne se préoccupait évidemment d’autre chose que de porter au bien l’esprit de ses auditeurs.

Si ces leçons produisent ce résultat, fût-il le seul, elles auront, je crois, tout le mérite que doit avoir la parole d’un philosophe. Si elles ne le produisent pas, il faut au moins que les lecteurs sachent que, lorsqu’il parlait lui-même, les auditeurs éprouvaient inévitablement tout ce qu’il voulait leur faire éprouver. Si par elles-mêmes elles n’ont plus cette puissance, peut-être est-ce moi qui en suis la cause, peut-être était-il inévitable qu’il en fût ainsi.


Adieu.