Les Enfantines du bon pays de France/Supplément

Les Enfantines du bon pays de FranceSandoz et Fischbacher (p. 327-361).


SUPPLÉMENT.


Dans nos Rimes et Dictons (le livre des hommes) figureront au volume Villes et Villages des chansons et des poésies dont quelques-unes peuvent être comprises par les enfants. Nous insérons dans ce Supplément quelques morceaux de ce livre, avec d’autres poésies, qui complètentles Enfantines, ainsi que des pièces et traductions qui, à titre de documents, devaient être rejetées à la fin.


1


Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure, et de pluye,
Et s’est vestu de broderye,
De soleil luisant clair et beau.
Il n’y a beste ne oyseau
Qu’en son jargon ne chante ou crye
Le temps a laissé son manteau.

Charles d’Orléans (1391-1465).


2

Pastourelles et pastoureaux
Soufflent dedans leurs chalumeaux
Et puis chantent à bouche ouverte
En grignotant motets nouveaux,
Faisant gambades, tours et sauts
Sur les carrés et l’herbe.

Le Mystère des frères Gréban ; cité par M. Albert.


3

Quel plaisir de voir les troupeaux
Quand à midi brûle l’herbette,
Rangés autour de la houlette,
Chercher le frais sous les ormeaux.
Puis le soir à nos musettes
Ouïr répondre nos coteaux
Et retentir tous nos hameaux
Du hautbois et de la musette.

Chaulieu (1639-1720).


4

Mais lorsque l’on fauchait les herbes
Au retour des blondes saisons,
Quel bonheur de nouer les gerbes
Et de mettre en tas les moissons !

Plus tôt que le coq et l’aurore,
Chacun s’éveillait et chantait ;
Honte à qui sommeillait encore,
Quand l’oiseau matinal partait !

Nicolas Martin.


5

Voici venu le mois des fleurs,
Des chansons, des senteurs,
Le mois que tout enchanté,
Le mois de douce attente ;
Le buisson reprend ses couleurs,
Au vert bois l’oiseau chante.

(Chansons populaires.)


6

La neige au loin
Couvre nos montagnes.
L’hiver jaloux
Vient fondre sur nous.
Plus de bouquets,
De vertes campagnes,
Portez amours
Le deuil des beaux jours.

(Chansons populaires.)


LES ROIS.
(Couplets des pauvres.)


Bonsoir à la compagnie
De cette maison,
J’vous souhaite année jolie
Et biens en saison.

Je suis de pays étrange
Venu dans ce lieu
Pour demander à qui mange
Une part à Dieu.

Apprêtez votre fourchette
Et votre couteau,
Pour nous donner une miette
De votre gâteau.

(Magasin pittoresque, année 1849.)


LES ROIS.


Les Rois ! les Rois ! Dieu vous conserve,
A l’entrée de votre souper
S’il y a quelque part de galette
Je vous prie de nous la donner.
Puis nous accorderons nos voix,
Bergers, bergères,
Puis nous accorderons nos voix
Sur nos hautbois.


Honneur à la compagnie
De cette maison,
A l’entrée de votre table
Nous vous saluons,
Nous sommes venus d’un pays étrange
Dedans ces lieux.
C’est pour vous faire la demande
De la part de Dieu.

(Beauce.)
(Magasin pittoresque, 1883.)


UN SEUL ROI, UN SEUL DIEU.
(Une seule Religion.)


Belle pomme d’or à la révérence,
Nous n’avons plus qu’un Dieu en France,
Une, deux, trois,
Belle pomme d’or, sortez de France.

(Bassin.)
La Mélusine ; communiqué par M. Ch. Joret.


Belle pomme à la révérence,
N’y a qu’un roi qui nous reste en France,
Adieu mes amis.
La guerre est finie,
Belle pomme d’or
Tirez-vous dehors.

(Quimper.)
La Mélusine ; comm. par Le Men.


Pim, pomme d’or,
A la révérence,
Qu’y a-t-il en France ?
La guerre est finie,
Pour tous mes amis.
Pim, pomme d’or,
Tirez-moi dehors.

(Liège.)
La Mélusine ; comm. par M. A. Leroy.


UN SEUL ROI, UN SEUL DIEU.
(Une seule Religion.)


Pimpon d’or à la révérence,
Il n’y a qu’un Dieu qui gouverne en France,
Allons mes amis,
La guerre est finie ;
Pimpon d’or, pimpon d’or,
La plus belle sortira dehors.

(Seine-et-Oise.)
La Mélusine ; comm. par M. E. Rolland.


Belle pomme d’or à la révérence,
Il n’y a qu’un Dieu qui gouverne la France,
Partons ; adieu, mes amis,
La guerre est finie ;
Belle pomme (d’or
Sortira dehors.

Blavignac, Empro génevois.


LA CHANSON DU PAYSAN
« Avaudant » (excitant) ses bœufs.


Hé !
Mon rougeaud,
Mon noiraud,
Allons ferme, à l’housteau (logis),
Vous aurez du r’nouveau (regain),
L’ bon Dieu aim’ les chrétiens !
Le blé a grainé ben !
Les gens auront du pain !
Mes mignons, c’est vot’ gain,
Nos femmes vont ben chanter,
Et les enfants s’ront gais !
Hé !
Mon rougeaud,
Mon noiraud,
Allons ferme, à l’housteau,
Vous aurez du r’nouveau.

Citée par E. Souvestre qui l’a entendue, le long de la Loire, d’un paysan « avaudant » (excitant) ses deux bœufs.


REFRAIN POUR TRAVAILLER EN MESURE.


Ce refrain, dont l’air est assez monotone, est destiné à faire aller en mesure. Il a été entendu à Neublaus (Jura). Des ouvriers du chemin de fer le chantaient avec entrain en enfonçant dans le Doubs des pilotis, a l’aide d’une lourde pièce de bois appelée Demoiselle, qu’ils laissaient retomber en cadence. Après le dernier couplet, ils se reposaient pendant quelques minutes, puis recommençaient avec ardeur.


En voilà une
La jolie une
Une s’en va
Ça ira
Deux s’en vient
Ça va bien.

En voilà deux
La jolie deux
Deux s’en va
Ça ira
Trois s’en vient
Ça va bien.

En voilà trois
La jolie trois
Trois s’en va
Ça ira
Quatre s’en vient
Ça va bien.

En voilà quatre
La jolie quatre
Quatre s’en va
Ça ira
Cinq s’en vient
Ça va bien.

En voilà cinq
La jolie cinq
Cinq s’en va
Ça ira
Six s’en vient
Ça va bien.

En voilà six
La jolie six
Six s’en va
Ça ira
Sept s’en vient
Ça va bien.

En voilà sept
La jolie sept
Sept s’en va
Ça ira
Sept parti
C’est fini.

(La Mélusine.)
(Neublans [Jura]).


LA SEMAINE DE L’ÉCOLIER PARESSEUX.


Lundi, mardi, fête ;
Mercredi, peut-être ;
Jeudi, la Saint-Nicolas ;
Vendredi, je n’y serai pas ;
Samedi, je reviendrai ;
Et voilà la semaine passée !

(Besançon.)
La Mélusine ; communiqué par M. P. Bonnet.


Lundi, mardi, fêtes ;
Mercredi, peut-être ;
Jeudi Saint-Thomas ;
Vendredi, je n’y serai pas ;
Samedi, la semaine sera passée ;
Dimanche, je n’y aurai pas encore été.

(Somme.)
La Mèlusine ; communiqué par M. Henry Carnoy.

J’avais un mouchoir.à ourler, broder et barlificoter ; je l’ai porté chez l’ourleur, le brodeur et le barlificoteur ; l’ourleur, le brodeur et le barlificoteur n’y étaient pas, je suis revenu ; en mon chemin faisant, je l’ai aussi bien ourlé, brodé, barlificoté, que si l’ourleur, le brodeur, le barlificoteur l’avaient ourlé, brodé, barlificoté.

Je te vends mon petit pot de beurre ; il est bien lié, bien bandé, bien calimalifalibaté ; si tu ne me le vends pas bien lié, bien bandé, bien calimalifalibaté, tu me payeras la liure, la bottelure, la calimalifalibature.

(La Mélusine.)


VOYAGE A LA LUNE.


Tu veux partir pour la lune,
Petit Jean, mon Benjamin ?
Partons ! l’heure est opportune,
Mettons-nous vite en chemin.

Et vite, et vite, en voyage !
Allons voir pays nouveau…
Mais, j’y pense, il serait sage
De partir dans ton berceau.

Dans ton berceau, sans secousse,
Le trajet s’achèvera…
Point de voiture plus douce !
Un ange la conduira !

Enveloppé dans ses langes,
Quand dormira petit Jean,
Cet ange, au pays des anges,
L’emportera d’un élan.


Oh ! les merveilleuses choses
Qu’il lui montrera dans l’air !
Des marguerites, des roses
Plus brillantes que l’éclair ;

Des cerceaux formés d’étoiles,
Et des baguettes de feu ;
Des milliers de blanches voiles
Sur un océan tout bleu.

Des bonbons, devant, derrière,
Sur la tête, sous les pieds !
Des chevaux faits de lumière
Pour les petits cavaliers !

Jean, clignant des yeux, écoute
Maman chanter sa chanson.
Les voilà clos. — Vite en route,
Ange ! emmène l’enfançon !

Vole ! atteins la lune blanche,
Plus rapide que l’oiseau,
Et... Maman sur Jean ce penche.
L’enfant dort dans son berceau.

Auguste Le Pas.
(Morceaux choisis de poêtes belges, recueillis par B. van Hollebeke. Namur, Wesmael-Charlier, édit.)


L’AURORE VERMEILLE.


L’aurore vermeille
Éveille
L’enfant aux beaux yeux
Joyeux.

Et son doux sourire
Expire
Dans ce mot charmant :
Maman !

Mme de Félix de La Motte. Violettes. Fictions et réalités.
(Anthologie belge, par Amélie Strumann Picard et Godefroid Kurth. Bruxelles, Bruylant-Christophe ; Paris, Reinwald. 1874.)


LES MATELOTS.

Cette poésie populaire a fourni la matière de la chanson abrégée sous forme de « scie d’atelier », de la page 231.


Ecoutez tous et vous entendrez
Un gwerz nouvellement composé,
Fait au sujet d’une bande de matelots
Qui s’étaient embarqués sur la mer profonde.

Vingt-sept ans ils ont été
Sur la mer profonde embarqués
Et sur la dernière année des vingt-sept (ans),
Le bétail (les vivres) leur a manqué.

Et quand le bétail leur a manqué.
Ils ont songé à manger un d’entre eux…

Le maître du navire demandait,
Un jour, à son petit page :
— Petit page, petit page, mon petit page,
As-tu mangé ton souper ?


— Ce n’est pas ainsi qu’il sera fait,
On tirera à la courte paille :
Celui qui aura la plus courte,
Celui-là sera mangé le premier.

Et quand ils ont tiré à la courte paille,
C’est au maître du navire qu’elle est échue.
— Seigneur Dieu, serait-il possible
Que mes matelots me mangeassent !

Petit page, petit page, mon petit page,
Toi qui es diligent et leste,
Va au-haut du grand mât,
Pour savoir où nous sommes ici.

Et lui de monter en chantant,
Et de descendre en pleurant :
— J’ai été au haut du mât,
Et je n’ai aperçu aucune terre ;

Je n’ai vu que deux petits navires
Qui étaient pleins de fumée et de sang,
Sous leurs voiles rouges comme le sang,
Signe de guerre et de combat.


— Va encore au haut du grand mât,
Pour savoir où nous sommes ici ;
Pour savoir où nous sommes ici,
Ce sera la dernière fois…

Et lui de monter en pleurant,
Mais il descendit en chantant ;
Il descendit en chantant,
Et dit aussitôt à son maître :

— Mon pauvre maître, consolez-vous,
Je crois que nous sommes rendus à terre ;
Je crois que nous sommes rendus à terre,
J’ai vu la tour de Babylone.

J’ai vu la tour de Babylone,
Et j’en entends les cloches sonner :
Et j’en entends les cloches sonner,
Je pense qu’on y fait la procession.

Je vois mon oncle et ma tante
Faisant tous les deux le tour du cimetière…
Dur eut été de cœur celui qui n’eût pleuré,
Sur la tour de Babylone, le dimanche matin,


En voyant trente-sept matelots
Débarquant ensemble sur le pont ;
Dix-huit d’entre eux demandaient de la nourriture,
Les autres demandaient un prêtre.

Le recteur de Babylone est un excellent homme,
Charitable envers les malades,
Et il a administré dix-huit d’entre eux,
Avant d’ôter l’étole de son cou !…

Gwerziou Breiz-Izel.
(Chants populaires de la basse Bretagne recueillis par F. M. Luzel, Lorient, Corfmat imprimeur ; Paris, Franck-Vieweg.)


LES NOCES DU ROITELET[1].
(Chanson bretonne.)


Refrain. — Aux noces du Roitelet,
L’époux est tout petit.

Le petit oiseau au ventre blanc part en tournée,
Pour faire partout les invitations.
Aux noces du Roitelet,
L’époux est tout petit.

— Venez avec quelque petite chose chacun,
Car hélas ! il n’est pas riche.
Aux noces du Roitelet,
L’époux est tout petit.

J’irai, dit le Coq,
Et je chanterai devant (le cortège).
Aux noces du Roitelet,
L’époux est tout petit.


J’irai aussi, dit la Corneille,
Et je porterai du pain.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Corbeau,
Et je porterai un tison ardent.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit la Pie,
Et je porterai une pièce de viande.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Geai,
Et je porterai un pot de vin.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit la Bécasse,
Et je ferai le prêtre.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit la Bécassine,
Pour aider à sonner la cloche.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Coucou,
Avec un tambour sur mon dos.
Aux noces, etc.


J’irai aussi, dit le Rossignol,
Et je chanterai mainte chansonnette.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Milan,
Et j’irai chercher de l’eau.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Merle,
Et j’aurai de l’argent dans ma bourse.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit la Grive,
Et pour donner, il me faudra chercher (mendier).
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit le Pivert,
Et je porterai un faix de bois.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit l’Épervier,
Ensemble avec la Tourterelle.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit l’Alouette,
Et je chanterai au-dessus de la rivière.
Aux noces, etc.


J’irai aussi, dit le Chardonneret,
Et je chanterai près de la porte.
Aux noces, etc.

J’irai aussi, dit l’Hirondelle,
Et je chanterai sur le faîte de la maison.
Aux noces, etc.

Moi aussi, dit la Mésange,
Et l’Etourneau nous irons ensemble.
Aux noces, etc.

Moi aussi, dit le Pinson,
J’irai avec la Huppe.
Aux noces, etc.

Tous les oiseaux s’y trouvèrent,
Il n’y en eut qu’un seul qui ne vint pas[2].
Aux noces du Roitelet,
L’époux est tout petit.

Chanté par Guillemette Plassart,
du Cloître (Finistère), janvier 1877.
F.-M. Luzel.


THE BURIAL CHANT OF COCK ROBIN.


Dans la poésie populaire anglaise l’un des poëmes les plus gracieux est : les Noces de Cock Robin et le Chant funèbre de Coq Robin.

La chanson bretonne qui précède, donne la version ou l’original des Noces. Voici le Chant funèbre :


Who killed Cock Robin ?
I, said the Sparrow,
With my bow and arrow,
I killed Cock Robin.

Who saw him die ?
I, said the Fly,
With my little eye,
And I saw him die.

Who caught his blood ?
I, said the Fish,
With my little dish,
And I caught his blood.

Voir nos Rhythmes et Rimes. Langue anglaise (Hachette, éditeur), page 187.


LE CHANT FUNÈBRE DE COCK ROBIN.


Qui a tué Cock Robin (rouge-gorge) ?
(C’est) moi, dit le moineau,
Avec mon arc et (ma) flèche,
C’est moi qui ai tué Cock Robin.

Qui l’a vu mourir ?
Moi, dit la mouche,
Avec mon petit œil,
Et c’est moi qui l’ai vu mourir.

Qui recueillit son sang ?
Moi, dit le poisson,
Avec mon petit plat,
Et c’est moi qui ai recueilli son sang.


Who made his shroud ?
I, said the Beadle,
With my little needle,
And I mad his shroud.

Who shall dig his grave ?
I, said the Owl,
With my spade and showl (shovel),
And I’ll dig his grave,

Who’ll be the parson ?
I, said the Rook,
With my little book,
And I’ll be the parson.

Who’ll be the clerk !
I, said the Lark,
If ’tis not in the dark.
And I’ll be the clerk.

Who’ll carry him to the grave ?
I, said the Kite.
If’t is not in the night,
And I’ll carry him to his grave.


Qui a fait son linceul ?
C’est moi, dit le bedeau,
Avec ma petite aiguille,
Et c’est moi qui ait fait son linceul.

Qui creusera sa tombe ?
Moi, dit le hibou,
Avec ma bêche et (ma) pelle,
C’est moi qui creuserai sa tombe.

Qui sera le curé ?
Moi, dit la corneille,
Avec mon petit livre,
Et c’est moi qui serai le curé.

Qui sera le vicaire ?
Moi, dit l’alouette,
S’il ne fait pas trop sombre,
Et c’est moi qui serai le vicaire.

Qui le portera à la fosse ?
Moi, dit le milan,
Si ce n’est pas dans la nuit,
Et c’est moi qui le porterai à la fosse.


Who’ll carry him the link ?
I, said the Linnet,
I’ll fetch it in a minute
And I’ll carry the link.

Who’ll be the chief mourner ?
I, said the Dove,
I mourn for my love,
And I’ll be the chief mourner.

Who’ll bear the pall ?
We, said the Wren,
Both the cock and the lien,
And we’ll bear the pall.

Who’ll sing a psalm ?
I, said the Thrush,
As she set in a bush,
And I’il sing a psalm.

And who’ll toll the bell ?
I, said the Bull,
Because I can pull ;
And so, Cock Robin, farewell.


Qui lui portera la torche ?
Moi, dit la linotte,
Je la cherche à l’instant,
Et je porterai la torche.

Qui fera le pleureur ?
Moi, dit la colombe,
Je porte le deuil de mon bien-aimé.
Oui, moi, je serai le pleureur.

Qui portera le poêle ?
Nous, dirent les roitelets,
Et (le coq et la poule) mâle et femelle,
Nous porterons le poêle.

Qui chantera un psaume ?
Moi, dit la grive,
(Comme elle était) assise dans un buisson,
Et je chanterai un psaume.

Et qui sonnera le glas ?
Moi, dit le taureau,
(Parce que) je puis tirer (la corde) ;
Adieu, Cock Robin, adieu !


All the birds in the air
Fell to sighing and sobbing,
When they heard the bell toll,
For poor Cock Robin.

Tous les oiseaux dans l’air
Se prirent à soupirer et sangloter,
Quand ils entendirent la cloche tinter
Pour pauvre Cock Robin.


O CHER ENFANTELET.


O cher enfantelet ! vray pourtraict de ton père,
Dors sur le seyn que ta bousche a pressé !
Dors petiot ! cloz, amy, sur le seyn de ta mère,
Ton doulx œillet par le somme oppressé.

Bel amy, cher petiot, que ta pupille tendre
Gouste ung sommeil qui plus n’est fait pour moi !
Je veille pour te veoir, te nourrir, te défendre…
Ainz (mais) qu’il m’est doux ne veiller que sur toy !

Dors, mien enfantelet, mon soulcy, mon idole,
Dors sur mon seyn, le seyn qui t’a porté !
Ne m’esjouit encor le son de ta parole,
Bien ton soubriz cent fois maye enchanté.

Me soubriraz, amy, dez ton réveil peut-être,
Tu souriras à mes regards joyeulx…
Jà prou (un peu) m’a dict le tien que me savoiz cognestre,
Jà bien appris te myrer dans mes yeulx.


Quoy ! tes blancs doigtelets abandonnent la mamme,
Où vingt puyzer ta bouschette a playzir !…
Ah ! dusses la seschier, cher gage de ma flamme,
N’y puyzeroit au gré de mon dézir !

Cher petiot, bel amy, tendre fils que j’adore !
Cher enfançon, mon soulcy, mon amour !
Te voy toujours ; te voy et veulx te veoir encore :
Pour ce trop brief me semblent nuict et jour.

Estend ses brasselets ; s’espand sur lui le somme ;
Se clost son œil ; plus ne bouge… il s’endort…
N’estoit ce tayn floury des couleurs de la pomme,
Ne le diriez dans les bras de la mort.

Arreste, cher enfant ! j’en frémy toute engtière !
Réveille-toy ! chasse ung fatal propoz !…
Mon fils,… pour ung moment… ah ! revoy la lumière !
Au prilx du tien, rends-moy tout mon repoz !

Doulce erreur ! il dormait… c’est assez, je respire ;
Songes légiers, flattez son doulx sommeil !
Ah ! quand voyray cestuy pour qui mon cœur soupire,
Aux miens costez, jouir de son réveil ?


Quand te voyra cestuy dont az receu la vie,
Mon jeune espoulx, le plus beau des humains ?
Oui, desja cuyde voir ta mère aux cieulx ravie
Que tends vers luy tes innocentes mains !

Comme ira se duysant à ta prime caresse !
Aux miens bayzers com t’ira disputant !
Ainz ne compte, à toy seul, d’espuyser sa tendresse,
A sa Clotilde en garde bien autant.

Qu’aura playsir, en toy, de cerner son ymaige,
Ses grands yeulx vairs, vifs et pourtant si doulx !
Ce front noble, et ce tour gracieux d’un vizaige
Dont l’amour mesme eut fors (peut-être) esté jaloux !

Pour moy, des siens transports one ne seray jalouse
Quand feroy moinz qu’avec toy les partir :
Faiz amy, comme luy, l’heur d’ugne tendre épouse,
Ainz, tant que luy, ne la fasse languir !…


Te parle, et ne m’entends… eh ! que dis-je insensée !
Plus n’oyroit-il, quand fust moult esveillé.
Povre chier enfançon ! des fils de ta pensée
L’eschevelet n’est encor débroillé.

Je te parle et tu ne m’entends pas.
Il n’entendrait pas davantage quand même il serait éveillé.
Le petit écheveau des fils de ta pensée n’est pas encore débrouillé.

Tretouz avons esté, comme ez toy, dans ceste heure ;
Triste rayzon que trop tost n’adviendra !
En la paix dont jouys, s’est possible, ah ! demeure !
A tes beaux jours mesme il n’en souviendra.

O cher enfantelet ! vray pourtraict de ton père,
Dors sur le seyn que ta bousche a pressé !
Dors petiot ! cloz, amy, sur le seyn de ta mère,
Ton doulx œillet par le somme oppressé.

Voylà ses traicts… son ayr ! voilà tout ce que j’aime !
Peu de son œil, et roses de son tayn…
D’où vient m’en esbahyr ? aultre qu’un tout luy-mesme
Pust-il jamais esclore de mon seyn ?

Clotilde de Surville.


ERRATA ET ADDITIONS.


Page 66, au quatrain, vers 3, lisez :

Par l’oreille, l’espaule et l’oeil.

Page 226, note. Le texte de Damas Ârbaud porte :

« D’agnelets, blancs moutons ».

Nous le rétablissons ainsi : etc., etc.


Page 284. Suite et fin de la note :

C’est ici le lieu, ou jamais, de rappeler les vers de Du Bartas (1544-1590) :

La gentille alouette, avec son tire-lire,
Tire l’ire (la colère) à l’iré (à l’homme irrité),
Et tirelirant tire
Vers la voûte du ciel ; puis son vol vers ce lieu
Vire, et désire dire : Adieu, Dieu, adieu Dieu.

On sait aussi que Ronsard a plus d’une fois reproduit cette onomatopée. Nous ne citerons que ces vers :

J’escoute la jeune bergère
Qui dégoise son lerelot.

Et ceux-ci de la pièce à l’Alouette :

Tu dis en l’air de si doux sons
Composés de ta tirelire.

  1. Voir page 174.
  2. L’oiseau qui ne vint pas est l’aigle, que la tradition représente comme jaloux du roitelet, qui lui disputa la royauté sur les oiseaux.
    M. de Gubernatis, dans sa Mythologie zoologique (t. II, p. 219), a ainsi résumé quelques traditions relatives à ce sujet. :
    » Le roitelet (en grec basilicos) est, comme l’escarbot, le ri- val de l’aigle. Il vole plus haut que celui-ci. Dans un conte de Montferrat, le roitelet et l’aigle se défient à qui volera le mieux. Tous les oiseaux sont présents. Tandis que l’aigle orgueilleux s’élève dans les airs, méprisant le roitelet, et vole si haut qu’il se fatigue promptement, le roitelet, qui s’est placé sous l’une des ailes de l’aigle, s’en dégage quand il le voit épuisé de fatigue et monte encore plus haut, en chantant victoire.
    « Pline dit que l’aigle est l’ennemi du roitelet, quoniam rex appellatur avium. Aristote rapporte aussi que l’aigle et le roitelet se livrent des combats. La fable du défi de l’aigle et du roitelet était déjà connue de l’antiquité. Ce défi eut lieu, disait-on, quand les oiseaux voulurent se donner un roi. L’aigle étant monté plus haut que tous les autres oiseaux, allait être proclamé roi, quaud le roitelet, qui s’était tenu caché sous une de ses ailes, vint à se poser sur sa tête et se déclara vainqueur. » La tradition de ce défi entre l’aigle et le roitelet est aussi fort répandue dans le peuple en basse Bretagne.
    (La Mélusine.)