Les Enfantines du bon pays de France/Les canards l’ont bien passée

Les Enfantines du bon pays de France
Les Enfantines du bon pays de FranceSandoz et Fischbacher (p. 106-109).


LE PONT COUPÉ.
(Les Canards l’ont bien passée.)


Jean arrive sur le pont portant une pioche sur l’épaule. Ah ! ah ! la matinée est fraîche et belle à ce matin ; j’ vas en profiter pour me mettre à travailler à ce pont, en chantant ma petite chansonnette. Il se met au travail en fredonnant :

Tra la la la la la laire,
Lire lire lire, laire laire laire.
Tra la la la la la laire,
Lire lon fa.

Le Gascon (il arrive par la droite) : On m’a dit que quand je serais près du pont, je ne serai pas loin de la rivière, tiens ! comment se fait-il donc que ce pont soit cassé ? Eh ! l’ami, fais-moi le plaisir de m’enseigner le chemin qui conduit à la ville.

Jean : C’est facile, Monsieur.

(Chantant :)

Tous les chemins vont à la ville,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
Est-ce que vous n’savez pas ça ?
Lire lon fa.

Le Gascon : Parbleu ! je sais bien que tout chemin conduit à la ville ; mais c’est le plus court que je te demandais. Dis-moi donc, eh ! l’ami, ne pourrais-je pas passer la rivière ?

Jean : La rivière ?

(Chantant :)

Les canards l’ont bien passée,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
Pourquoi n’ passeriez-vous pas ?
Lire lon fa.

Le Gascon : Est-ce que par hasard tu me prendrais pour un canard ?

Jean : Ah ! non, Monsieur.

Le Gascon : Anon toi-même, entends-tu ?

Eh ! l’ami, la rivière est-elle profonde ?

Jean : Comme partout ailleurs.

(Chantant :)

Les cailloux touchent la terre,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
Ne pouvant aller plus bas,
Lire lon fa.

Le Gascon : Il est malin ce bonhomme... Mais j’aperçois une maison là-bas, je crois que c’est une auberge.

Eh ! l’ami, à qui appartient cette belle maison là-bas, derrière ton dos ?

Jean : A qui elle appartient ?

Le Gascon : Sans doute.

Jean : Eh bien, Monsieur,

(Chantant :)

Elle appartient à son maître,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
C’est toujours comme cela,
Lire lon fa.

Le Gascon : Eh ! sandis ! cadédis ! je sais bien qu’une maison appartient à son maître ! ... Mais dis donc, eh ! l’ami.

Jean : Eh ! Monsieur ?

Le Gascon : Vend-on du vin dans cette maison ?

Jean : Si on en vend !

(Chantant :)

On en vend plus qu’on en donne,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
Les marchands sont tous comme cela.
Lire lon fa.

Le Gascon : Définitivement, je crois que ce petit drôle se moque de moi : il faut que je sache son nom, afin de le corriger. Dis-moi donc, eh ! l’ami.

Jean : Eh ! Monsieur ?

Le Gascon : Comment t’appelles-tu, mon petit bonhomme ? Je ne serais pas fâché de faire connaissance avec toi.

Jean : Vous êtes bien honnête, Monsieur. C’est mon nom que vous voulez savoir, n’est-ce pas ?

Le Gascon : Sans doute.

Jean : Eh bien, Monsieur, vous saurez que…

(Chantant :)

Je m’appelle comme mon père,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire,
C’est un beau nom que celui-là.
Lire lon fa.

— Jean le narquois devient à peu près impertinent et grossier, mais un batelier arrive à point pour conduire le Gascon à l’autre bord. Celui-ci se venge de l’insulteur et la morale de l’histoire nous est dite par le dernier couplet :

Avis à qui veut mal faire,
Lire, lire, lire,
Laire, laire, laire.
Qui fait mal en souffrira,
Lire lon fa.

(Théâtre de Séraphin, d’après le Magasin pittoresque,
35e année, 1867, pages 166 et 167.)