Les Enfantines du bon pays de France/Le calendrier des enfants au village

Les Enfantines du bon pays de France
Les Enfantines du bon pays de FranceSandoz et Fischbacher (p. 1-28).


Le Calendrier des enfants au village.


NOËL.


Adieu Noël —
Il est passé !
Noël s’en va —
Il reviendra !

Sa femme à cheval,
Ses petits enfants
Qui s’en vont
En pleurant.


Le petit Colin
Qui porte le vin,
La petite Colinette
Qui porte la galette.

Adieu les rois —
Jusqu’à douze mois !
Douze mois passés —
Rois, revenez !

(Normandie[1].)


LE NOUVEL AN.
(La Guillonnée.)


Le bon Dieu vous baille tant de bœufs
Comme les poules auront d’œufs,
Gentil Seigneur,
Ah ! donnez-leur la guillonnée !

Le bon Dieu vous baille tant de poulets
Que les moissons ont de bouquets !
Gentil Seigneur,
Ah ! donnez-leur la guillonnée !

Le bon Dieu vous baille tant de garçons
Qu’il est de plis aux cotillons !
Gentil Seigneur,
Ah ! donnez-leur la guillonnée !

(Guyenne et Gascogne[2].)


LES ROIS.


Le roi boit, le roi boit[3] ;
La part à Dieu, s’il vous plaît.

SAINT PANÇARD.
(Mardi-Gras.)


Saint Pançard n’a pas soupé :
Vous plaît-il de lui donner
Une croûte de pâté ?
Taillez haut, taillez bas
Un bon morceau au milieu du plat.
Si vous n’avez pas de couteau,
Donnez-lui tout le morceau.


LA MORT DE MARDI-GRAS.


Mardi-Gras est mort,
Sa femme en hérite
D’une cuiller à pot,
D’une vieille marmite.
Chantons haut, chantons bas,
Mardi-Gras n’entendra pas.

(Chanté le Mercredi des Cendres dans
les villes de la Basse-Normandie[4])


LE CRI DES TÉNÈBRES.
(Samedi-Saint[5].)


Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
V’là le premier coup d’ténèbres !

Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
V’là le second coup d’ténèbres !

Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
Ah ! ténèbres !
V’là le troisième coup d’ténèbres !

Tarbé : Le Romancero de Champagne, Reims, 1803-1804.


LE JOLI PRINTEMPS.
(Pâques.)


Nous voici à Pâques,
Au joli printemps,
Au joli printemps,
Si joli, lie,
Au joli printemps
Si joliement.

Où la violette
Fleurit dans les champs,
Fleurit dans les champs,
Si joli, lie,
Fleurit dans les champs
Si joliement.


LE BROUILLONNEUR[6].
(Pâques.)


Je vous salue avec honneur,
N’oubliez pas le brouillonneur.
Un jour viendra,
Dieu vous le rendra.
Alléluia
Alléluia
Alléluia.


LES ŒUFS DE PAQUES[7].


Bonjour la société !
Donnez, donnez, donnez !
Je viens quérir mes roulés,
Donnez, donnez, donnez !


PAQUES.


Séchez les larmes de vos yeux,
Le roi de la Terre et des Cieux
Est ressuscité glorieux.
Alléluia !

Deux des disciples, au matin,
Étaient venus dans le jardin,
Voir le tombeau du roi divin.
Alléluia !

Un ange assis, plein de splendeur,
Leur dit : Consolez votre cœur,
En Galilée est le Seigneur.
Alléluia !


Réveillez-vous, cœurs endormis,
Pour prier le doux Jésus-Christ,
Qui pour nous la mort endura.
Alléluia !

En ce temps saint et glorieux,
Chantons des chants mélodieux
En bénissant le roi des Cieux.
Alléluia !

Rendons-lui grâces humblement
Et le prions dévotement,
Qu’il nous conduise au firmament.
Alléluia !

Bonne femme, tâtez au fond du nid,
N’nous donnez pas des œufs pourris,
Car ça nous ferait mâ à l’estomac.
Alléluia !


A Étiveaux (arrondissement de Caen), célèbre par la chanson du curé, les paysans vont par les communes, après minuit, chanter la résurrection. Les enfants parcourent de même les villages le samedi matin, veille de Pâques. L’usage est de récompenser les chanteurs par des dons en argent ou par des œufs.


PAQUES REVIENT.
(Pâques à Ëpinal.)


Pâques revient,
C’est un grand bien,
Les champs golot[8] (les champs coulent) ;
La lours relot (les veillées s’en vont) ;

Pâques revient,
C’est un grand bien,
Pour les chats et pour les chiens,
Et pour les gens tout aussi bien.


DIT DU HANNETON.


Hanneton, vole, vole !
Ton mari est à l’école.
Il a dit qu’si tu volais,
Tu aurais d’la soupe au lait
Il a dit qu’si tu n’volais pas,
Tu aurais la tête en bas[9].

(Reims.)


DIT DU COLIMAÇON.


Colimaçon[10] borgne !
Montre-moi tes cornes ;
Je te dirai où ta mère est morte,
Elle est morte à Paris, à Rouen,
Où l’on sonne les cloches.
Bi, bim, bom,
Bi, bim, bom,
Bi, bim, bom.

(Reims.)


HANNETON, VOLE !
(Avril-Mai en Alsace.)


Avril, tu t’en vas,
Car Mai vient là-bas,
Pour balayer ta figure
De pluie, aussi de froidure,

Hanneton, vole !
Hanneton, vole !

Au firmament bleu,
Ton nid est en feu,
Les Turcs avec leur épée
Viennent tuer ta couvée.

Hanneton, vole !
Hanneton, vole !

Champfleury et Werckerlin.


AVRIL ET MAI.


Le voilà venu le joli mois,
Laissez bourgeonner le bois,
C’est l’mois d’Avril, le joli mois ;
Le joli bois bourgeonne,
Il faut laisser bourgeonner le bois
Le bois du gentilhomme.

Berry. (Cité par Champfleury.)


POISSON D’AVRIL.


Mois d’avril
Qui fait courir
Les ânes gris
Jusqu’à Paris.

Blavignac (l’Empro genevois).


LE MOIS DE MARIE.


Un petit brin de vot’ farine !
Un petit œuf de vot’ géline !
C’n’est par pour bère (boire),
Ni pour manger (ère).
C’est pour avoir un joli cierge
Pour lumer[11] la Sainte-Vierge.

Les Trémouzettes de Salles (Marne).


Étrennez notre épousée,
Voici le mois, le joli mois de mai,
Étrennez notre épousée,
La bonne étrenne,
Voici le mois, le joli mois de mai
Qu’on vous amène.

A Lons-le-Saulnier et à Château-Châlon (Jura), le premier jour de mai, les jeunes filles portent en triomphe un enfant couronné de fleurs, « l’épousée », et chantent le couplet ci-dessus.

Champfleury et Weckerlin.


TRIMAZOS[12].
(Mai.)


Nous venons d’un cœur embrasé,
Madame, c’est pour vous demander
Ce qu’il vous plaira de nous donner
Pour Notre-Dame de Vernéville.
Dame de céans,
C’est le mai, mois de mai,
C’est le joli mois de mai.

Nous avons passé parmi les champs,
Nous avons trouvé les blés si grands,
Les avoines sont en levant,
Les aubépines en fleurissant.

Dame de céans,
C’est le mai, mois de mai,
C’est le joli mois de mai.

Si vous nous faites quelque présent,
Vous en recevrez doublement,
Vous en aurez pendant le temps,
Vous en aurez au firmament.
Dame de céans,
C’est le mai, mois de mai,
C’est le joli mois de mai.

En vous remerciant, Madame,
De vos bienfaits et de vos dons ;
Vivez contente, vivez longtemps,
Vivez toujours joyeusement.
Dame de céans,
C’est le mai, mois de mai,
C’est le joli mois de mai.

Chansons populaires du pays messin, recueillies par le Cte de Puymaigre. Metz, Rousseau-Paliez, éditeur ; Paris, Didier.


LE BLÉ, LE RAISIN.


Au mois d’avril
Le blé est en épis ;
Au mois de mai
Il est en lait ;
A la Saint-Urbain (25 mai)
Il fait le grain ;
A la Saint-Claude,
Le froment ôte sa caule (son bonnet) ;
A la Saint-Jean
Verjus pendant[13].

Dr Pierron (Proverbes de la Franche-Comté).


LES OISEAUX DES CHAMPS.


Entre mai et avril
Tout oiseau fait son nid,
Hormis caille et perdrix.

Avril,
Quelques nids ;
Mai,
Ils sont tout faits ;
Juin,
Ils sont bien communs ;
Juillet,
Ils sont tout (ceuillet) cueillis.

A la Saint-Jean,
Tout oiseau perd son chant ;
A la Saint-Georges,
La caille dans l’orge ;
A la Saint-Remy,
Tous perdreaux sont perdrix.

Dr Pierron (Proverbes de la Franche-Comté).


LES SAINTS DE GLACE.
(Mai.)


Gelée t’as mangé mes choux,
Ma chicorée et mes artichauts,
Gelée ! tu n’en mang’ras pas
Une autre année,
Parc’ que j’n'en sèm’rai pas.

(Angoumois, Saintonge.)


JUIN.


Vive Juin !
Le pain, le vin
Il donne
En la saison
Où la moisson talonne
La fenaison.

Blavignac (l’Empro genevois, A. Virisoff, imprim.-édit. à Genève).


LA CAILLE ET LA PERDRIX.
(Juillet, Août.)


J’ai vu la caille
Dedans la paille,
Qui s’ p’lotonnait ;
La perdrix
Dans la prairie,
Qui se mottait.


LES POMMES.
(Septembre.)


Charge pommier,
Charge poirier,
A chaque petite branchette,.
Tout plein ma grande bougette[14].

Beaurepaire.


LES NOIX.
(Octobre.)


Un, deux, trois,
Mes noix.
Fait’, fait’ colleret’,
Fait’, fait’ collerette,
Jusqu’à vingt-trois.


LA TOUSSAINT.
(Les Niflettes de Provins[15].)


Voilà mes petites, voilà mes grosses,
Voilà mes niflettes toutes chaudes !

C’est mon maître qui les fabrique
Pour contenter ses pratiques.
Arrivez tous, petits et grands,
Voyez, c’est tout chaud, tout bouillant !

Voilà mes petites, voilà mes grosses,
Voilà mes niflettes toutes chaudes !


TEMPS DE PLUIE.
(Automne.)


Mouille, mouille, Paradis,
Tout le monde est à l’abri ;
N’y a que mon petit frèré,
Qu’est sous la gouttière
A ramasser des p’tits poissons
Pour sa collation ;
La gouttière a défoncé,
Mon p’tit frère s’en est allé
Tout mouillé.


SAINT NICOLAS.
(Décembre.)


Voilà, voilà saint Nicolas,
Vous savez bien ce qu’il demande.
Voilà, voilà saint Nicolas,
Bons chrétiens, faites votre offrande.


Dans quelques cantons de Seine-et-Marne, les enfants chantaient ce couplet de porte en porte, le jour de la Saint-Nicolas, en quêtant à leur profit. A leur tête ils promenaient soit un petit enfant, soit un mannequin habillé en évêque.

(Note de M. Tarbé).

Saint Nicolas est aussi le patron de la Lorraine. La légende de saint Nicolas se chante dans le Beauvaisis et le Vermandois.

  1. Chansons populaires des provinces de France, par Champfleury et Weckerlin, Paris, Bourdilliat, édit. 1860.
  2. 1 Dans la Gascogne et l’Agenois, la veille du jour de l’An, on célébre la Guillonnée, corruption du fameux cri : Au Gui l’an neuf ! Les enfants vont demander leurs étrennes en chantant aux portes les vers ci-dessus.
  3. On prononçait bait.
  4. La Poésie populaire en Normandie, par E. de Beaurepaire. — Paris, Dumoulin.
  5. Le Samedi-Saint à l’heure des ténèbres, dans les villages de la montagne de Reims, les enfants parcourent les rues en faisant jouer des crécelles et en poussant le cri ci-dessus. (Note de M. Tarbé.)
  6. On appelle ainsi dans la Champagne les petits villageois qui font tourner la crécelle aux fêtes de Pâques, et qui viennent aux portes des maisons demander une petite aumône. (Note de M. Tarbé.)
  7. Seine-et-Marne. Les enfants de la Brie avaient l’habitude d’aller demander ainsi les œufs de Pâques. Les « roulés » sont des œufs roulés et teints dans une liqueur rouge. (Note de M. Tarbé.)
  8. A Épinal, aux fêtes de Pâques, les enfants portent de petits bateaux sur le ruisseau de la Grand’rue, et les suivent en chantant les vers ci-dessus.
  9. Ce couplet remplace un texte plus ancien :

    Arnould, prends, prends,
    La clef des champs.

    Arnould est encore le nom donné par les enfants de Reims au hanneton ; ils appellent pain d’Arnould le fruit de l’orme. Il a des antennes semblables à des cornes. (Tarbé.)

  10. Variante ; Escargot couvert.
  11. Bère, boire ; manger se prononçait mangère ; lumer, allumer, brûler un cierge en l’bonneur de la Sainte-Vierge.
  12. On appelle Trimazos les jeunes filles et les garçons qui vont quêter on chantant le mois de mai.
  13. Tant que le raisin est en fleurs, il se lève comme un épi ; il tombe en grappe quand la fécondation est faite, c’est du verjus.
  14. Ma petite poche. De là vient le mot budget.
  15. A Provins, depuis un temps immémorial, ce couplet est chanté, le jour de la Toussaint, par de jeunes marchands de niflettes. On nomme ainsi des pâtisseries chaudes et pleines de crème. Niflet est un surnom donné aux gourmets. Nifler, renifler, c’est flairer avec affectation.
    Se régaler le 1er novembre, est-ce une réminiscence des repas funéraires des anciens ? est-ce célébrer joyeusement la fête de tous les Saints ? (Note de M. Tarbé.)