Les Eaux-fortes d’Albert Baertsoen

Les Eaux-fortes d’Albert Baertsoen
L’Art Moderne9 (p. 60).

Les Eaux-fortes d’Albert Baertsoen.

Dix eaux-fortes de Baertsoen, les plus récentes, tirées à petit nombre sur hollande et signées de l’artiste viennent de paraître[1]. Elles composent une magnifique série : 1° Moulin sur le rempart (Bruges) ; 2° Kromboomsloot I ; 3° Kromboomsloot II (Amsterdam) ; 4° Terneuzen (soir tombé) ; 5° Maisons de pauvres ; 6° Veere (soir) ; 7° Vieilles Maisons zélandaises (Middelbourg) ; 8° Le Petit Quai (Middelbourg) ; 9° Vieilles Maisons au bord de l’eau ; 10° L’Impasse.

On sait quelle incomparable largeur de style l’artiste a obtenue dans ces compositions par ses constantes recherches et sa volonté d’exprimer pleinement sa vision inédite des abris de détresse. On vit les premières eaux-fortes de Baertsoen il y a dix ans. Que d’études réfléchies, que de labeur et quel gigantesque élan vers la perfection dramatique depuis cette date ! Baertsoen ne connaissait alors que le procédé spontané ; sa technique aujourd’hui a toutes les ressources. De nombreux dessins, très détaillés, très poussés, préparent la composition pour laquelle l’aquafortiste ne garde que les traits caractéristiques et, si je puis dire, les masses et les lignes morales. L’exécution ensuite est lente, raffinée. Les morsures de l’acide font l’office du plus subtil, du plus intelligent, du plus révélateur des pinceaux. Comme dans ses tableaux, Baertsoen nous fait admirer de saisissantes synthèses, des visions où la vérité prend sa forme essentielle. Un réverbère au support tordu, des fenêtres écrasées dans leur cadre bancal, de noirs logis de pêcheurs tassés en silhouettes rigides près du port qu’envahit la nuit, un moulin dominant en vieux lutteur le nuage qui met une auréole violente autour de ses bras en croix, des pignons voisinant en groupe confidentiel à l’extrémité d’un canal endormi, — tels sont les acteurs que Baertsoen fait vivre dans ses eaux-fortes en les enveloppant d’une atmosphère de clartés graves, d’ombres sans limite… La palpitation de la matière anime ces œuvres. Les pierres vivent et s’émeuvent, et ce qui dans l’antiquité était le plus beau des mythes devient ici la plus poétique des réalités.


  1. Chez l’éditeur-imprimeur J.-B. Van Campenhout, 163, chaussée de Wavre, où la série complète est en vente au prix de 325 francs.