Les Dieux antiques/Mythes perses

J. Rothschild, éditeur (p. 27-29).




MYTHES PERSES





Ce qui rend la mythologie perse particulièrement remarquable, c’est le sens spirituel ou moral qu’elle greffe sur des phrases et des légendes qui n’avaient rapport originairement qu’à des objets matériels ou physiques. La bataille d’Indra et de Vritra, qui dans l’Inde était un conflit entre le dieu du soleil ou du ciel et le dragon supposait le gardien de la pluie, devint en Perse la lutte spirituelle entre le bien moral et le mal moral, de façon qu’un texte, suggéré par un spectacle très-commun du monde extérieur, se trouva être le fondement d’une philosophie connue sous le nom de Dualisme (en d’autres mots, le conflit entre deux dieux, l’un bon, l’autre mauvais). Les vieux noms, ou contemporains des premiers âges de la race en son ensemble, se conservèrent et, dans beaucoup de cas, restent ceux des mythes plus modernes. C’est ainsi que Trita, ou Traitana, devient pour les Perses Thraetana, tandis que Verethragna, ou « exterminateur de Verethra », le Feridun de la poésie épique postérieure, répond au Vritrahan védique ou « exterminateur de Vritra. » Feridun est, à son tour, l’exterminateur de Zohak (nom qui s’écrivait d’abord Azi-dahâka, le serpent qui mord) ou de Ahi, qui nous reporte cette fois à l’Echidna grecque. Le nom de Zohak reparaît dans celui d’Astyage (Asdahag), roi de Médie, qui est défait et détrôné pair son petit-fils Kuros (appelé à tort, en français, d’après le latin exclusivement : Cyrus), comme Laios, roi de Thèbes, est tué par son fils Œdipe.

Le germe de pareille idée morale, je le retrouve aux hymnes védiques : dans une prière déprécatoire que font quelquefois les adorateurs, voulant que Vritra, l’ennemi, n’étende point sur eux son pouvoir. Ce combat du bien et du mal a été désigné sous d’autres noms ; on en parle aussi comme du grand conflit entre Ormuzd et Ahriman. Qu’est-ce qu’Ormuzd ? Le nom du dieu bon. Un mot perse ? Non. On ne peut même l’expliquer par la langue perse, mais le Zendavesta donne ce nom sous la forme Ahurômazdâo, nous reportant ainsi au mot sanscrit Asurômedhas, qui signifie « esprit sage ». Un autre nom d’Ormuzd était Speutô-mainyus, ou « l’esprit saint ». Le nom donné dans les livres anciens au pouvoir opposé à Ahurômazdâo est celui de Drukhs, mot qui signifie simplement « tromperie ».

Qu’est-ce donc que le nom d’Ahriman ? C’est un nom qui veut dire un esprit du mal et qui fut donné, dans une époque postérieure, au pouvoir connu en tant que Vritra et que Drukhs. Dans le Zendavesta, l’esprit saint (Speutô-mainyus, c’est-à-dire Ormuzd) et l’esprit de mal (Ahro-mainyus, c’est-à-dire Ahriman) passent pour avoir créé le monde. Quant aux Devs ou Divs, il faut voir en eux des esprits dont le nom est parent du grec Theos et du latin Deus. Les adeptes de Zoroastre se séparèrent des adorateurs des Dévas, c’est à-dire des déités védiques, et déclarèrent dans leur profession de foi en faveur du Zendavesta : « Je cesse d’être adorateur des Dévas [1]. Je professe l’adoration selon Zoroastre, d’Ahuramazda, et suis l’ennemi des Dévas et dévot à Ahura. »




  1. L’Aêshmia daêva perse est l’Asmodée ou l’esprit malpropre du livre de Tobie, dans la Bible hébraïque.