Les Dieux antiques/Mythes grecs et latins ou classiques

J. Rothschild, éditeur (p. 41-43).





MYTHES GRECS ET LATINS
OU CLASSIQUES


À qui demanderait pourquoi, dans cette double mythologie, grecque et latine, les mythes grecs prennent une valeur que n’ont pas les mythes latins, je répondrais : parce que l’on peut dire des seuls mythes grecs, plus anciens, que ce sont des personnifications vivantes de phénomènes naturels. En même temps que l’imagination humaine leur communiquait ses formes heureuses, ils ont reçu d’elle une vie véritable. Les mythes latins ont été presque toujours empruntés à l’Olympe grec, tout entiers, avec leur légende déjà faite. De sorte qu’en supposant même qu’il ne soit pas absurde d’appeler d’un nom unique des déités invoquées dans deux langues différentes, c’est le nom grec qu’il eût convenu de donner sans distinction aux déités helléniques et à celles italiques, et non le nom latin, ainsi qu’on l’a longtemps fait chez nous. Nous reconnaîtrons cependant qu’à la séparation des Pélasges, qui vinrent habiter presque simultanément la Grèce et l’Italie, survécut ici et là un fond commun de traditions, lequel ne s’oblitéra pas totalement en Italie, et, tout au moins, prédisposa les esprits à une juxtaposition aisée des déités grecques, quand celles-ci pénétrèrent dans cette contrée fraternelle.

La prétendue mythologie latine du siècle de Virgile et d’Horace est une pure copie du grec, et à peine peut-on en conséquence la regarder comme latine. Toutefois il y a une mythologie latine qui ne résulte en rien d’un emprunt de ce genre. Avant que les tribus latines aient eu des relations avec les tribus grecques, elles possédaient leurs propres déités et des êtres surnaturels dont le caractère dénota le culte d’un peuple occupé principalement à labourer la terre. Ces déités avaient leur nom, avec certaines qualités ou dispositions qui leur étaient inhérentes, mais il ne se racontait d’elles que peu ou pas de légendes. Aussi, quand les tribus latines se mêlèrent de colons grecs, fut-on tenté d’identifier d’abord les dieux latins avec les dieux grecs, et de transporter de bonne heure chez les déités latines toutes les légendes que les Grecs relataient de leurs propres personnages mythiques. Ce faisant, on introduisit quelques nouveaux traits : fort rarement. On se contentait d’ordinaire d’attribuer toutes les légendes latines aux dieux grecs, avec lesquels, dans bien des cas, ils n’avaient de commun ni le nom ni la qualité. Ainsi les histoires racontées d’Hermès, chacun les rapporta également à propos de Mercure. Mais dans un cas ou deux, le caractère de la déité grecque est altéré en mauvaise part. L’aimable Saranyu, ou l’aurore de l’Inde, par exemple, devint la sombre et sévère Erinnys des Grecs ; de même les Harpies, qui, dans les poèmes d’Hésiode, sont de belles filles de Thaumas et d’Électre, se trouvent, dans Virgile, être de vils oiseaux de proie.