Œuvres posthumes (Verlaine)/Les dieux

Les dieux
Vers de jeunesseMesseinPremier volume (p. 7).

LES DIEUX[1]


Vaincus, mais non domptés, exilés, mais vivants,
Et malgré les édits de l’Homme et ses menaces,
Ils n’ont point abdiqué, crispant leurs mains tenaces
Sur des tronçons de sceptre, et rôdent dans les vents.

Les nuages coureurs aux caprices mouvants
Sont la poudre des pieds de ces spectres rapaces
Et la foudre hurlant à travers les espaces
N’est qu’un écho lointain de leurs durs olifants.

Ils sonnent la révolte à leur tour contre l’Homme,
Leur vainqueur stupéfait encore et mal remis
D’un tel combat avec de pareils ennemis.

Du Coran, des Védas et du Deutéronome,
De tous les dogmes, pleins de rage, tous les dieux
Sont sortis en campagne : Alerte ! et veillons mieux.

  1. Sonnet de jeunesse publié sur une copie.