Les Deux Amis de Bourbonne/Notice




Voici la Notice qui précède ce conte dans l’édition Brière :

« Au mois d’août 1770, Diderot[1] vint à Bourbonne-les-Bains, près de Langres, pour y voir une amie qui avait mené sa fille aux eaux dans l’espérance de lui rendre la santé altérée par les suites d’une première couche. Il trouva ces dames occupées, pour se désennuyer, à écrire des contes qu’elles adressaient à leurs correspondants de Paris. L’un d’eux venait à son tour de leur envoyer les Deux Amis, conte iroquois que Saint-Lambert avait fait paraître peu de jours après sa réception à l’Académie française. Diderot eut l’idée de riposter par l’histoire des Deux Amis de Bourbonne, dont la simplicité contraste d’une manière si touchante avec la prétention du conte de Saint-Lambert. Cet écrit, échappé sans effort à la plume du philosophe, et dans lequel on retrouve des personnages contemporains, fut adressé par la jeune malade, ou la petite sœur, au petit frère, son correspondant, qui lui avait envoyé le conte iroquois. »

Nous n’avons à ajouter à ce qui précède que deux mots. Les dames que retrouva Diderot à Bourbonne étaient Mme  de Meaux et Mme  de Prunevaux, sa fille. Le conte passa pour être de cette dernière, et comme son correspondant le croyait vrai, elle dut avoir de nouveau recours à Diderot pour le compléter. C’est à ce même moment que Diderot fit une courte excursion à Langres. Il revint de ce voyage ayant en portefeuille, outre les Deux Amis de Bourbonne, l’Entretien d’un père avec ses enfants, inspiré par la visite de la maison paternelle. Sur ces entrefaites, Gessner lui fit demander, comme une faveur, quelques pages pour accompagner la traduction de ses Nouvelles Idylles. Il lui donna les deux morceaux qui furent insérés en tête des Contes moraux et Nouvelles Idylles de MM. D… et Gessner (Zuric, chez Orel, Gessner, Fuessli et Cie, 1773, petit in-8o), sous ce titre : Contes moraux de M. D… Ils ont été souvent réimprimés.

Voici ce que dit à ce sujet Gessner, dans la préface de l’édition in-4o ornée de frontispice, figures, en-têtes et culs-de-lampe gravés à l’eau-forte par lui-même (1773, iv, 184 pages. Zuric, chez l’auteur) :

« Les premiers ouvrages de M. Gessner ont été reçus si favorablement dans les païs étrangers et surtout en France, qu’il ne s’intéresse pas moins à la traduction[2] de celui-ci qu’à l’original même…

« M. Gessner a communiqué son projet aux amis qu’il a à Paris, et particulièrement à M. D…, dont l’approbation lui a toujours été si précieuse. Cet homme célèbre a eu la bonté de lui envoyer en manuscript les deux contes moraux qui précèdent la traduction des Nouvelles Idylles. M. Gessner se trouve heureux de pouvoir offrir à la France un présent qu’elle recevra sans doute avec plaisir et qui sera le monument d’une amitié que la seule culture des lettres a fait naître entre deux hommes que des contrées éloignées ont toujours tenus séparés. »

Dans la préface de l’édition des Idylles de Gessner, illustrées par Moreau (1795), Renouard dit qu’il a pu corriger sur les manuscrits annotés par Diderot, et qui étaient en sa possession, le texte des Deux Amis de Bourbonne et de l’Entretien d’un père et de ses enfants.

C’est de ces deux contes que l’abbé de Vauxcelles, dont nous avons déjà parlé (Notice du Supplément au voyage de Bougainville), disait qu’ils faisaient au milieu des Idylles de Gessner l’effet « de satyres parmi des nymphes ! »

Disons, par contre, que Gœthe, dans ses Mémoires, constate que les Deux Amis firent une vive impression dans le petit cercle des étudiants allemands, à Strasbourg, où il était alors. « Nous fûmes ravis, dit-il, de ses braves braconniers, de ses vaillants contrebandiers, canaille poétique, qui ne tarda pas à venir faire des siennes sur le théâtre allemand : » dans les Brigands de Schiller d’abord.

Nous recommanderons, comme complétant ce que nous avons pu dire à propos de l’annexe de la Religieuse, l’annexe des Amis de Bourbonne « : Et puis, il y a trois sortes de contes… »



  1. Il n’y alla pas seul, il était avec Grimm, qui raconte les faits (Correspondance littéraire, 1er décembre 1770) et donne comme motifs ayant déterminé le titre et le sujet du conte, non-seulement les Deux Amis, de Saint-Lambert, mais encore les Deux Amis, drame de Beaumarchais, et les Deux Amis ou le Comte de Meralbi (par Sellier de Moranville), roman en 4 volumes, tous ouvrages dont on s’occupait alors et qui n’avaient pas eu de succès.
  2. C’était Meister le traducteur.