Le Parnasse contemporain/1876/Les Deux Épis
IV
LES DEUX ÉPIS
Deux épis se montraient naguère
L’un près de l’autre au champ jauni ;
L’un se tenait droit comme un I,
Sa charge étant assez légère ;
L’autre paraissait accablé,
Tant il portait de grains de blé.
Heureux les pauvres que nous sommes !
Les trésors du monde sont lourds,
Et trop de bien pèse toujours
Sur les épis et sur les hommes.
On pourrait tirer de ceci
Une autre leçon que voici
Et qui me paraît moins vulgaire ;
L’épi qui penche est le meilleur :
Il a son poids et sa valeur,
Tandis que l’autre n’en a guère.
Je crois qu’ici-bas plus on vaut,
Plus on est modeste et timide :
Et que pour porter le front haut
Il ne faut qu’une tête vide.