Les Dernières Colonnes de l’Église/Le Dernier Poète catholique

Mercure de France (p. 179-215).


LE DERNIER POÈTE CATHOLIQUE




JEHAN RICTUS

du Brasero Nocturne


J’suis l’déclassé…, l’gas distingué
Qui la fait à la poésie :

. . . . . . . . . . .

J’suis l’gas dont on hait le labeur,

Je suis un placard à Douleurs,
Je suis l’Artiste, le Rêveur,
Le Lépreux des Démocraties.

Les Soliloques du Pauvre.


I


Après Verlaine, il y avait encore celui-là. Poète catholique sans le savoir et sans que personne l’ait jamais su, excepté moi, mais le dernier, sans aucun doute. Personne, maintenant, ne passera plus par cette porte.

J’ai vu cela un peu mieux, en relisant, pour la troisième ou quatrième fois, les Soliloques du Pauvre[1] qu’on vient de rééditer avec de très-belles illustrations de Steinlen. Ces images m’ont beaucoup aidé. L’obstination extraordinaire de cet artiste à reproduire, à chaque instant, la plus lamentable face, m’a forcé de me souvenir étrangement de l’Homme de douleurs et d’ignominies qui sauve le monde.

Et j’ai compris, seulement alors, — étant d’intuition bovine et de discernement tardigrade — la malice ou la béotie d’un Belge très-pieux qui me disait, il y a trois ans : « Votre Rictus est un blasphémateur et un sacrilège qui a la prétention de ressembler trait pour trait à Notre Seigneur Jésus-Christ. » Cet enfant de la Meuse ou de la Dyle était persuadé et voulait surtout persuader aux autres que le poète du Revenant « la faisait au Rédempteur » et qu’ainsi s’expliquaient ses succès à Montmartre, où l’on sait combien les personnes sont assoiffées de rédemption. Pauvres succès d’un très-pauvre grand poète, réduit, chaque soir, à dire ses vers dans un cabaret, devant des consommateurs, pour gagner son pain ! Ses vers, dont quelques-uns sont parmi les plus beaux qu’on ait écrits ! Et même il paraît qu’aujourd’hui on n’en veut plus dans les cabarets. Ça n’a pas le ragoût des bonnes ordures.

La vérité de tous les temps, c’est que Jésus pleure au fond de telles âmes, qu’il y pleure véritablement, longuement, ses plus grandes larmes et que cela finit par mettre au dehors une sorte de ressemblance. La vérité encore, c’est que Jehan Rictus a trouvé, un jour, une idée d’un prix inestimable qui semblait tombée du ciel. Son Revenant ne peut pas être comparé. C’est autre chose que tout. Existe-t-il, en poésie, un aussi douloureux, un aussi long gémissement, un aveu de peine et de misère aussi naïf, aussi intime, aussi déchirant, un aussi profond sanglot ? Je n’en sais rien et j’en doute. Peut-être que cette plainte extraordinaire tire actuellement une partie de sa force du reflet obsédant de la figure du Lamentateur dans l’illustration des pages. Non pourtant, on l’avait déjà sentie, cette force, et je crois bien qu’on l’avait sentie tout entière. Il y a une autre cause venue de l’abîme, et je veux essayer de la dire.

Jehan Rictus est un de ces monstres de mélancolie et de pitié qui ne connaissent pas Dieu et qui crèvent de l’amour de Dieu. Voilà tout. L’espèce n’en est pas très-rare. Peut-être y en a-t-il beaucoup, mais aucun n’est poète comme lui, eût-il mariné, à son instar, dans la plus atroce misère. Quand je dis l’amour de Dieu, il est entendu que je ne parle pas de l’amour d’un Dieu quelconque, Dieu identique des « bonnes gens » ou des maquereaux, mais de l’Amour de Jésus-Christ, tel que l’ont pratiqué les Saints, de l’amour qui fait que les hommes pleurent comme pleurent les petits enfants et qui agenouille dans la crotte les indomptés…

Oh ! je sais que tout cela est surnaturel et qu’il faut croire au surnaturel pour l’avaler ! Au surplus, pourquoi me défendrais-je de voir du surnaturel dans un grand poète évidemment désintéressé de tout ce qui n’est pas les Faibles, les Humiliés, les Souffrants, les Accablés ? Il n’y a pas à dire, celui-ci a tout quitté, jusqu’à son nom, qui serait le nom d’un grand de ce monde, s’il avait voulu, poursuivre Jésus au milieu des misérables, pour le chercher plutôt… Et comme il n’est permis à aucun homme de chercher en vain l’Homme-Dieu, voilà justement qu’il le rencontre, après minuit, au coin d’une rue : « Ah ! Généreux !… ah ! Bien-Aimé !… » Quel soliloque de ce Pauvre mourant de fatigue et d’inanition à la silencieuse Face du Christ !


Et Jésus-Christ s’en est allé
Sans un mot qui put m’consoler.
Avec eun’ gueul’ si retournée
Et des mirett’s si désolées
Que j’ m’en souviendrai tout’ ma vie.

Et à c’ moment-là, le jour vint
Et j’ m’aperçus que l’Homm’ Divin…
C’était moi, que j’m’étais collé
D’vant l’miroilant d’un marchand d’vins !


Quelle bouleversante et prodigieuse péripétie !


II


Je demande la permission de citer une lettre extraordinaire que m’écrivit Jehan Rictus, en 1900, un peu après les Doléances, Nouveaux Soliloques mal jugés par moi. Je lui reprochais l’argot et certaines façons de parler que j’avais trouvées trop profanes. J’ai renoncé de tout mon cœur à cette critique, restée, d’ailleurs, entre nous. Obstrué de rhétorique traditionnelle et de protocoles dévots dont je n’ai jamais su me débarrasser, je me trompais complètement, et je voudrais aujourd’hui pouvoir le confesser avec splendeur.

Voici donc la très-curieuse réponse de celui que je nomme avec certitude le Dernier Poète Catholique :

… Ma langue est épouvantable, dites-vous. Pourquoi ? Parce que j’emploie des mots qui, la plupart du temps, sont plus près des racines grecques et latines que les vocables souvent périmés des ordinaires poètes. Ceci n’est pas niable et vous êtes trop bon linguiste et étymologiste pour que j’insiste.

Vous m’accorderez bien, au surplus, que la Langue Française n’est pas immuable, et qu’elle n’est pas parvenue à sa perfection totale. Vous l’avez écrit cent fois, elle a été galvaudée par le journalisme et le roman naturaliste. Le pittoresque des vocables est délavé, anéanti par l’écriture naturaliste. Il y a des mots, des expressions qui sont devenus de vrais cadavres… Comment remplacer certains mots qu’on a pressurés jusqu’au jus, jusqu’au zest, sinon en retournant puiser à la source, au fumier (soit) même de la Langue, qui est l’Argot, quoi qu’on en dise ? l’argot joint à la locution populaire et à l’image non moins populaire, toujours, toujours dramatique et saisissante, que diable !

Balzac a écrit là-dessus une ou deux pages (Incarnation de Vautrin) qui en disent plus que je ne pourrais dire et qui sont flamboyantes et justificatrices de mes essais. Voyons ! C’était écœurant, à la fin, de voir toujours rimer étoile avec voile ou toile, alcyon et rayon, et ce Niagara perpétuel des Romantiques et des Parnassiens donne autant la nausée que le pipi naturaliste. Vous reconnaissez à l’artiste le droit de peindre avec la matière qui lui plaît. Eh bien ! toutes proportions gardées, Rabelais ne s’est-il pas forgé une langue éblouissante et ordurière, comme timidement j’essaie de m’en créer une ?

Qu’est-ce que ça peut faire qu’un vocable ou une expression ne soit pas parlementaire, classique, noble ou de bonne compagnie, si cela exprime une souffrance tellement vraie, tellement sincère qu’elle vous en tord les boyaux ? Or, c’est là ce que je cherche. Exprimer, émouvoir.

Croyez-vous que la langue littéraire adoptée ne soit pas également un jargon ? Et puis, où est la limite du bon et du mauvais français ? Qui l’a fixée ? La langue est-elle fixée ? J’estime, par exemple, que le français de Brantôme ou de Montaigne est plus pittoresque, franc et savoureux que le français de Racine. Maudissez-moi, si vous voulez, mais c’est ce que je pense. Si la langue française est fixée, elle est morte et ça serait une des raisons de la décadence française.

J’abomine le grand siècle. La langue épurée de cette époque ne marque qu’une étape inapparente du Protestantime. On a créé l’expression noble. On dit sein au lieu de téton, qui est bien plus vrai. Or, le peuple a conservé « téton » et bien d’autres mots qui sont d’un français pur du seizième siècle — le plus beau français qu’on ait jamais parlé.

Et puis vous m’écrivez l’impression affreuse que vous cause cette écriture. Mais je ne cherche pas autre chose que de provoquer l’horreur et la terreur. Alors, ici, mon but est atteint. Il importait que les Bourgeois se doutassent des douleurs qu’ils causent, des crimes dont leur hypocrisie et leur égoïsme étouffent la clameur, du sort épouvantable qu’ils font aux Inconnus qu’ils écrasent, et comment l’aurais-je fait sans employer les mots mêmes des écrasés, voyons ?

Je persiste. Il était urgent qu’un poète, se servant d’un gabarit ancien, d’un rythme, si vous préférez, retrouvât, en le modernisant un peu, le cri lamentable d’Eustache Deschamps :

Ça ! de l’argent ! Ça ! de l’argent !

Tout ce qu’on pourrait me reprocher, c’est d’avoir apocopé les vers et écrit certains mots avec la corruption de la prononciation lasse et fatiguée des pauvres et des avachis. Mais c’est là encore un souci d’exactitude et je ne puis penser que ce soit un grief sérieux. Comment ! je ne respecte pas la langue, moi qui ai l’âpre besoin de revenir à sa source, à sa saveur raide et naïve ! Ceci n’a rien à voir avec la blennorrhagie zolaïque, sapristi !

Certes, j’ai écouté la musique des conversations faubouriennes, si terriblement gouailleuses, si résignées ! C’est une longue chanson dolente, toujours par strophes de 6, 7, 3 ou 8 vers, et ces vers sont toujours octosyllabiques : c’est-à-dire la coupe même et la verve des vieux poètes de l’Ile-de-France. C’est étonnant, mais strictement vrai, et plus j’avance, plus je me figure que l’alexandrin est un cercueil où l’on couche la Poétique française.

Et maintenant, au plus injuste de vos reproches. « Vous voulez plaire », m’écrivez-vous. Moi ? Plaire ? Jamais de la vie. Je veux être entendu et compris, ce qui n’est pas la même chose.

Si je voulais plaire, je changerais ma forme, même pour le peuple, car souvent j’ai entendu des ouvriers prétendre que « ça n’était pas convenable », ce que j’écrivais, et que « l’ouvrier ne parle pas comme ça ». Rentré chez lui, il traite sa femme et sa fille de vache et de putain ; mais l’ouvrier actuel, soi-disant éclairé, confesse de plus en plus Joseph Prudhomme qui s’est fragmenté en lui à l’infini, et il ne veut pas que lui, électeur ou membre d’un comité quelconque, soit soupçonné de parler ainsi. Ce citoyen préférerait sans doute l’argot du parlement et des réunions publiques…

Non je ne cherche pas à plaire. Je lutte, au contraire, sans relâche, contre les préjugés convenables et la lèpre journalistique. Faites-moi l’amitié de me relire et vous verrez que, sous cette forme populaire, la théorie individualiste et aristocratique déborde, éclate tout le temps. Ça n’est pas tolstoïsant du tout. Dire que je ne suis pas travaillé par une violente pitié serait faux. Évidemment j’ai envie de prendre parti pour les Écrabouillés tout en cognant dessus, pour ceux qui sont, comme vous dites, « dans les ténèbres ». Mais j’ai conscience ici d’obéir à la mission traditionnelle de l’Aristocrate qui est de défendre le Peuple contre ses ennemis et, au besoin, contre lui-même. L’Histoire m’approuve, en la personne des Paladins et des Chevaliers.

Le mythe de la veuve et de l’orphelin est à ressusciter. Quoi que vous puissiez croire, je m’y emploie. Seulement, pour une telle mission, il me faut évidemment descendre dans les fosses d’aisances où vagit et se désole la masse, et si, en remontant, je n’en sauve qu’Un, un Aristocrate Inconnu, celui-là aura mérité la lumière et la vie et ma tentative n’aura pas été inutile.

Non, je ne veux pas plaire. Autrement je gagnerais beaucoup d’argent, en me servant de mon nom, et en changeant mon genre, en truquant comme n’importe quel Aristide Bruant, en faisant des besognes ou des feuilletons. J’ai reçu des offres admirables, mais j’ai refusé toujours et je m’obstine à continuer ce que j’ai entrepris, quoi qu’il advienne, quoi qu’on me propose… Et avec ce système-là je vous prie de croire que je ne me traîne pas positivement dans la soie et les parfums.

Comment ! S’il y a quelque chose que j’aie entrepris de dénoncer dans le langage populaire, c’est le Dogme du Travail sans Amour, si cher aux capitalistes et à Zola, et vous m’en blâmeriez ! Je vous demande de relire, dans Doléances, « Le Piège » et de me dire si je n’ai pas atteint le but que je me proposais, savoir : peindre, exprimer l’état de servitude et d’abrutissement absolu de l’Ilote moderne qu’est l’ouvrier d’industrie, le misérable et mécanique Enfant de l’Outil et de la Machine.

Comment ! jamais l’avilissement de l’Homme, de mon frère l’Esclave, n’a atteint un tel degré, même et surtout dans l’Antiquité, et je n’aurais pas le droit ni la force amoureuse de le démontrer ? Et d’opposer aux thrènes triomphaux des Bourgeois qui hurlent la gloire du Progrès, du Travail, etc., cette simple peinture qui dit : « Le voilà, votre progrès ! le voilà, votre travailleur ! Vous en avez fait une brute, un être comme aucune civilisation n’en a jamais créé. Alors les principes de 89 s’effondrent, voyons, avec toute la loquacité grandiloque de Homais. »

Et vous ne voudriez pas que je dise cela aux populos aussi ? Mais c’est impossible, et la tâche est si belle, si enivrante, que j’aimerais mieux y laisser ma peau que d’y renoncer.

Soyez assuré qu’un jour j’aurai dans les mains, avec des moyens d’action, une force populaire terrible, et que si jamais cela m’arrive je m’arrangerai de façon à ne pas laisser debout un seul pan de l’édifice bourgeois. Tout vaut mieux, même le retour à la barbarie, à la caverne primitive, qu’une pareille organisation sociale. Si jamais je peux, je leur en foutrai, moi, aux Bourgeois, du Progrès, du Labeur, de la Justice, de l’Égalité, de la Liberté comme ils l’entendent.

Je leur apprendrai à laisser crever de faim les Artistes sincères, à exploiter les Ouvrières de façon à les précipiter au trottoir. Je leur en donnerai de l’Alcoolisme, de la Faim, de la Folie, de la Phtisie, des accidents de chemin de fer, des coups de grisou, des fusillades de mineurs, des tueries qui créent leur richesse ! Paroles d’honneur, on devrait me couper le cou tout de suite, tant je compte détruire dans les cervelles populaires le très-abrutissant mythe du Travail ! Être un danger, un jour ! Quelle joie ! Aurai-je la force et la patience ?…

(4 octobre 1900.)


III


Je croirais outrager le lecteur, — mon lecteur, hélas ! qui en a vu bougrement d’autres — si je m’excusais de la longueur de cette lettre. Il me semble qu’on ne m’a jamais rien envoyé d’aussi beau, et, je le répète, il ne reste pas un atome de mes vieilles objections. J’ai enfin compris ! L’argot de Rictus, je l’épouse amoureusement désormais et je renonce à m’indigner de quelques mots qu’on ne trouve pas dans les paroissiens ni les eucologes que j’ai donnés à Huysmans, mais qui seront peut-être imprimés en lettres de feu dans les missels torturants de l’Esprit-Saint.

C’est vous, Jehan Rictus, qui êtes le Revenant et c’est le Sauveur du monde vagabond et abandonné qui vous implore. Ne voyez-vous pas que c’est vous qui êtes son image et qu’il vous regarde en pleurant comme « une énigme dans un miroir » ? Que cela soit dit, une bonne fois, dans la langue de saint Paul qui fut l’apôtre des Gentils, à savoir de ceux qui faisaient vomir les saints d’Israël et qui étaient, de son temps, la Canaille immense de l’Humanité.

Comment faire, dès lors, pour n’être pas un catholique, puisque l’expérience nauséeuse et quatre fois séculaire du protestantisme a démontré qu’il n’y a pas d’autre expédient pour être chrétien ?

Arrivé là, le poète des Vaincus… des Écrasés, des Sans-espoir… des Sans-baisers ; des Écœurés, des Trahis, des Pâles et des Désolés ; le poète qui se nomme lui-même l’Empereur du Pavé, le Prince du Bitume, le marquis Dolent de Cherche-Pieu, le comte Flageolant-des-Abatis,… le rôde-la-nuit,…le marque-mal à gueule-tirée, le mâche-angoisse… le cause-tout-haut ; ce poète qui fait peur, à la fin, rencontre naturellement Notre-Dame des Démolis. Sans doute il fallait cette Mère et pas une autre à « Jésus-Christ qui meurt de faim ». Et maintenant, c’est complet, la Consolatrice des affligés étant venue, rien ne manque plus au Symbole.

Ce livre étonnant et redoutable qui se nomme Les Soliloques du Pauvre, au fond, n’est qu’un long appel à la tendresse maternelle et c’est pour cela qu’il est si déchirant. Un long appel à la tendresse maternelle !…

Par deux fois, n’en pouvant plus, il a joint ses mains sur son cœur, les a tendues devant lui en levant les yeux au ciel, comme le prêtre offre le calice :

Seigneur mon Guieu ! j’suis près d’périr.
Et v’la ma peine, alle est ben vraie ;

Puis, s’accoudant sur ses genoux sans repos, il les a ramenées sur sa pauvre bouche sans pain ; puis encore, les laissant tomber sans les disjoindre, il s’est renversé pour essayer de voir le Consolateur dans la nuit mauvaise :

Quoi y faut dir’ ? Quoi y faut faire ?
J’ai mêm’ pus la force ed’pleurer.
J’sais pas porquoi j’suis sur la Terre
Et j’sais pas porquoi j’m’en irai.

Puis enfin le geste remontant et suprême des deux mains crispées ensemble, au-dessus de la clavicule, pendant que la face, tout à fait jetée en haut, implore désespérément :

Seigneur mon Guieu, sans qu’ça vous froisse,
J’vous tends mon cœur, comm’la Pucelle,
Et pis mes bras chargés d’angoisse,
Lourds du malheur universel !

Le pauvre homme est si éperdu qu’il demande « la liberté » ! cette salope soixante-dix-sept fois infâme de liberté qu’il faut prendre de force et mener au lit à coups de bottes, car elle ne se donne jamais qu’aux pourceaux ou aux assassins.

Après cela, il ne reste plus qu’à mourir. Mais auparavant il voudrait tant voir la Maison des pauvres « ousqu’on trouv’rait miséricorde » !

Eun’ Mason, Seigneur, un Foyer
Où y aurait pus à travailler,

Où y aurait pus d’terme à payer,
Pus d’proprio, d’pip’let, d’huissier.

Y suffirait d’êt’ su’ la Terre,
Crevé, loufoque et solitaire,
D’sentir venir son dergnier soir
Pour pousser la porte et… s’asseoir.

Quand qu’on aurait tourné l’bouton,
Personn’ vourait savoir vot’ nom
Et vous dirait — « Quoi c’est qu’vous faites ?
Si you plaît ? Qui c’est que vous êtes ? »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais on dirait ben au contraire :

— « Entrez, entrez donc, mon ami,
Mettez-vous à l’ais’, notre frère,
Apportez vos poux par ici. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et pis dans les chambr’s à coucher

Y gn’aurait des pieux à dentelles,
D’ la soy’… d’la vouât’… des oreillers,
Des draps blancs comm’ pour des mariés,
Des lits-cage et mêm’ des berceaux
Dans quoi qu’on pourrait s’fair’ petiots ;

Voui des plumards, voui des berceaux
Près d’quoi j’mettrais esspressément
Des jeun’s personn’s, prop’s et girondes,
Des rouquin’s, des brun’s et des blondes
À qui qu’on pourrait dir’ — « Moman ! »


Ça s’rait des Sœurs modèl’ nouveau
Qui s’raient sargées d’vous endormir
Et d’vous consoler gentiment
À la façon des petit’s mères,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— « Moman, j’ai fait ci et pis ça ! »

Et a diraient : — « Ben mon cochon ! »
— « Moman, j’ai eu ça et pis ci. »
Et a diraient : — « Ben mon salaud ! »

« Mais à présent, faut pus causer,
Faut oublier… Faut pus penser
Tâchez moyen d’vous endormir.
Et surtout d’pas vous découvrir. »

Ma Mason, v’là tout, ma Mason,
Ça s’rait un dortoir pour broyés
Ousqu’on viendrait se £air’ choyer
Un peu avant sa crevaison.

Le poème intitulé Les Masons, par quoi s’achève la présente édition des Soliloques et dont La Maison des Pauvres est la dernière partie, n’avait pas encore été édité. Le vagabond cherche sa maison parmi les cent mille maisons de Paris et c’est un étrange cauchemar de voir cette silhouette noire de rôdeur sur ce fond de bâtisses et de ténèbres, à travers les différents quartiers, dans le bas des pages !

C’est ce que montre Steinlen et quand on a passé par là, ne fût-ce qu’un peu, il sort de cette vision comme une agonie de pitié. Il cherche sa maison, ce pauvre d’entre les plus pauvres,

Et d’ Charonne au quartier Monceau,
Au milieu du sommeil des Hommes
Me v’là seul avec ma pensée
Et ma gueul’ pâl’ dans les ruisseaux !

Quel périple ! Quelle Odyssée ! Quelles Lusiades de désespérance et d’horreur ! Il en voit de toutes les sortes, des maisons :

Y en a d’ tous poils… y en a d’ tout âge,
Y en a qui z’ont des flott’s d’étages
Et y en a qui z’ont qu’un preumier :

Y en a des r’tapées… des tout’s neuves,
Y en a d’ pimpant’s, et y en a d’ gaies,
Y en a qu’a l’air triste des veuves
Qui ne souriront pus jamais.

Quand j’ rôdaill’ dans les grands quartiers,
J’en vois qu’est comm’ des forteresses,

Bouclées, cad’nassées et grillées.
Si Jésus voulait y entrer
En disant : — « Voyez ma détresse. »
On s’rait pas long à l’ fusiller.

Y en a qu’est si rupin’s et chouettes
Qu’on s’dit qu’on aurait beau marner
Fair’ fortun’ dans les cacahouettes,
On pourrait jamais s’y plumer.

. . . . . . . . . . . .

Quant aux quartiers des Purolains,

Dans les faubourgs, dans les banlieues…

. . . . . . . . . . . . . . .

La plupart sont de grand’s bâtisses,

Qui branl’nt, qui suint’nt, qui pleur’nt, qui puent,
De vraies casern’s plein’s de ménages
Où y a, quoi qu’en dis’nt les repus,
Du malheur à tous les étages.

Des p’tiot’s sont encor pus affreuses…
A sont gâtées… ruinées… lépreuses,
On croirait des chicots pourris
Bordant la gueule de l’enfer…

Mais il lui faut sa maison, à lui, celle qu’il a décrite et qui ne peut être, en fin de compte, que la Maison d’Or invoquée dans les Litanies, désignée paraboliquement à toutes les pages du Livre Divin, l’Unique sans souillure, la Toute-Pleine de Grâce, la seule où Dieu ait voulu descendre quand il est venu chez les hommes et dont tous les habitacles de la terre ne sont que de ridicules et douloureuses défigurations.

Il a trouvé cela au fond de sa peine : un besoin immense et ravageur de Celle que les Siècles nomades ont proclamée le Refuge, la Tour, l’Arche, la Maison toute en or, la Porte du Ciel, l’Étoile du matin, le Salut des faibles, la Consolatrice et l’Auxiliatrice et que les chrétiens nomment dix fois Reine, après l’avoir appelée onze fois Mère, très-exactement.

« Il semble qu’on reste pauvre toute sa vie, quand on a pas été aimé par sa mère, » m’a dit ce grand poète, faisant sur lui-même un mélancolique retour. Être privé de tendresse maternelle, être privé de maison, voilà pour lui deux idées consubstantielles — réalisant ainsi, tout à fait à son insu, l’exégèse la plus profonde.

Et voilà que le pauvre qu’il a voulu faire, le pauvre si poignant et si bouleversant des Soliloques, ce pauvre complet, indigent surtout de foi religieuse, — en qui, pourtant, ces deux confluentes idées s’incorporent — voilà qu’il ne peut pas faire un pas dans la rue sans y rencontrer Jésus-Christ qu’il croit reconnaître, ni sans crier, de manière ou d’autre, vers Marie qu’il ne connaît pas.

Voui, j’suis un typ’, moi, j’en ai d’bonnes.
Quand les aut’s y sont dans leur lit.
Bibi y trimballe eun’Madone :
Notre-Dame des Démolis !

. . . . . . . . . . . . .

C’est quand j’ suis l’pus rauque et farouche

Qu’a m’apparaît comme un rayon !

Voui, quand j’vas ruer dans les brancards,
Tout par un coup v’là qu’a s’élève,
La Cell’ qui dort au fond d’mes rêves
Comme eun’ bonn’ Vierg’ dans un placard !

Qui c’est ? J’sais pas, mais alle est belle :
A s’lève en moi en Lun’ d’Eté,
Alle est postée en sentinelle
Comme un flambeau, comme eun’clarté !

A m’guette, alle écout’ si j’ l’appelle
Du fond du soir et du malheur ;
Mèm’ qu’elle a les tétons en fleur
Et tout l’Amour dans les prunelles !

Tout le cas du dernier poète catholique est dans cette dernière citation. Il ne sait pas ce qu’il aime, mais il meurt d’amour. Il ignore ce qui l’attire, mais il gravite par force, il tombe irrésistiblement sur Dieu et sur la Mère de Dieu toujours Vierge.

Et cela va si loin, dans l’expression, que son Pauvre — qui n’est autre que lui-même à une incroyable profondeur — ne rêve que de mourir dans les bras et sur le sein nu d’une femme qu’il appellerait « Maman » et qu’il téterait avant d’expirer,

Les yeux clos et les mains crispées
Par la mort et par le plaisir.


IV


Il y a une personne sur soixante-dix-sept mille qui comprendra ça. Et je m’en fiche. Le moyen que des gens passionnés pour l’automobilisme comprennent quelque chose à n’importe quoi ? On est forcé de penser pour soi, d’écrire pour soi et d’espérer la fin de tout. Demain ce sera pis encore.

Rictus est accusé de sensualisme grossier ou de paganisme naïf. Le public, naturellement, le croit pornographe. Oui pornographe et même rigolo, à cause de quelques traits satiriques aperçus dans ses quatrains. S’il n’est pas classé parmi les scatologues, cela tient à ce que sa tendance religieuse est ignorée jusqu’à ce jour. Lorsqu’on le saura catholique, le doute à cet égard ne sera plus permis. Je sais ce que je dis.

Telle est l’intelligence contemporaine. Vous pensez ce que deviennent les « tétons » des « petites mères », en passant par de telles âmes et de tels cerveaux ! Je serais curieux aussi de voir l’effet, sur un auditoire de beuglant, de l’épouvantable et magnifique poème Pierreuse, dans Doléances, clameur tragique s’il en fut jamais.

Il y a encore la Farandole des Pauv’s tifs Fanfans, pièce relativement très-connue par quoi finissaient les précédentes éditions des Soliloques et qui est, peut-être, en poésie, la trouvaille la plus douloureuse.

Ah ! par exemple, je ne vois pas le moyen de s’emballer luxurieusement ou joyeusement sur la Jasante de la Vieille, autre lamentation publiée, l’an dernier, en une plaquette amarante intitulée Cantilènes du malheur[2]. Cette fois encore il y avait une maman, mais les sens n’avaient rien à y voir, je vous en réponds, non plus que la rate ou la fressure des bons rigolos. « Jasante » est la délimitation argotique de l’idée de prière et la « Vieille » est une mère de douleurs venue pour gémir dans le lointain cimetière des suppliciés où est enterré son enfant. Elle ne sait pas exactement où est le corps :

… Où c’est qu’on t’a mis ?
D’ quel côté ? Dis-moi… mon ami ?
C’est plat et c’est nu comm’ la main :
Y a pas eun’ tombe… pas un bout d’croix,
Y a rien qui marqu’ ta fosse à toi…

Sa prière, c’est de lui parler, à cet invisible, et le monologue, de plus en plus cassé par les pleurs, ressemble à un bêlement de vieille brebis restée seule, dont le boucher n’aurait pas voulu. C’est poignant à crever le cœur, ce rappel têtu des anciens jours, cette lubie obstinée d’une malheureuse presque en enfance, à force de chagrin, et qui veut toujours voir le petit garçon « si doux » d’autrefois dans la carcasse putréfiée de l’assassin raccourci :

Comme ej’ t’aimais… comme on s’aimait !
C’était toi, ma seul’ distraction,

Mon p’tit mari… mon amoureux !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

T’étais râblé, frais et rosé,

T’étais tout blond et tout frisé
Comme un n’amour… comme un agneau…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et j’en ai-t’y passé d’ces nuits

(Toi dans ton p’tit lit endormi),
A coude auprès de l’abat-jour
Jusqu’à la fin de mon pétrole !
 
Des fois… ça s’tirait en longueur
Mes pauv’s z’yeux flanchaient à la peine.
Alorss en bâillant dans ma main,
J’écoutais trotter ton p’tit cœur
Et souffler ta petite haleine,
 
Et rien que ça m’donnait du courage.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ah ! en c’temps-là, dis, mon petit,

De qui c’est que t’étais la fifille,
L’amour, le trésor, le soleil,
De qui c’est que t’étais l’ Jésus ?

De ta Vieille… est-ce pas ? De ta Vieille…
 
Qui faisait tout’s tes volontés ?
Qui t’a pourri ? Qui t’a gâté ?
Qui c’est qui n’ta jamais battu ?
Et l’année d’ta fuxion d’poitrine
Qui t’as soigné, veillé, guéri ?

C’est y moi ou ben la voisine ?

Et à présent qu’te v’là ici
Comme un chien crevé… eune ordure,
Comme un fumier… eun’ pourriture,
Sans un brin d’fleurs, sans eun’ couronne
N’avec la crèm’ des criminels…
 
Qui c’est qui, malgré tout, vient t’voir ?
Qui qui t’esscuse et qui t’pardonne ?
Qui c’est qu’en est la pus punie ?

C’est ta Vieille… toujours… ta fidèle,
Ta pauv’ vieill’ loqu’ de Vieille, vois-tu !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oh ! Louis… tiens-toi sage,

Sois mignon… j’arr’ viendrai bentôt…
Seul’ment… fais dodo… fais dodo,
Comme aut’fois dans ton petit lit…
Tu sais ben… ton petit lit-cage…

Chut !… c’est rien qu’ça… pleur’ pas… j’te dis
Fais dodo va… sois sage… sage,
Mon pauv’ tout nu… mon malheureux,
Mon petiot… mon petit petiot.

Cette mère ne sait pas s’il y a un Dieu, mais elle sait qu’il y a un Jésus qui est son douloureux fils effroyablement égorgé pour les crimes de tout un monde, exactement comme l’Autre qui était Dieu fut égorgé, avec cette différence à faire sangloter les morts, qu’il n’est pas un innocent. Mais la pauvre femme n’a pas besoin de savoir. L’horrible monde bourgeois qui tue les enfants des mères, durât-il encore des mille ans et lui fallût-il vivre jusque-là, elle viendrait toujours à ce cimetière de malédiction et d’infamie pour consoler au fond de la terre son premier-né, son dernier-né, son nouveau-né, l’enfant de ses entrailles désolées de vieille mère dont la justice des hommes a fait un berceau d’éternité silencieuse.

Ah ! le plus dur de sa peine est assurément dans ces vers que je n’osais pas citer :

T’étais si doux… et pis… si beau…
A caus’ que moi j’ t’avais nourri.

Ce dernier vers ne semble rien et il n’est peut-être pas grand’chose, mais, qu’on y prenne garde ! le poète l’a écrit dans sa maison, l’affligé poète réduit à chercher sa propre mère dans le fantôme de cette malheureuse devenue ainsi deux fois la mère du condamné, du supplicié, de celui qui est logé sous la terre, au-dessous des abominables pieds de ses juges et qui a besoin d’être consolé.

Le vieux corps de cette mère n’a plus de mamelles, mais il lui reste d’allaiter de son âme son pauvre enfant, qu’il soit un poète ou un assassin. Et ce geste de compassion surnaturelle fait chavirer toutes les Balances…

Jehan Rictus écrivant la Farandole a été, dans la pitié pour les Innocents, aussi loin qu’on puisse aller. L’effet de cette complainte est foudroyant. Mais, dans la Jasante, il paraît avoir eu la vision d’un deuil plus grand, incommensurable, le deuil des mères qui ont vu mourir leur enfant-Dieu dans l’ignominie et dont la plainte est répercutée au fond du gouffre par le gémissement inaudible des défunts.

Le secret de sa puissance de poète qui est énorme ne serait-il pas dans l’obsession simultanée de ces deux misères presque infinies : l’enfant sans sa mère et la mère sans son enfant ? Tout le mal de ce monde est assurément contenu dans ces deux formules. Cependant l’âme quasi-prophétique de Jehan Rictus le précipite surtout à la première. Sûr que les enfants ont un besoin éternel d’être allaités corporellement et spirituellement, le dernier degré de l’infortune est, à ses yeux, de n’avoir pas eu de part à cette douceur… Cela fait une détresse de toute la vie, la détresse des orphelins qui meurent de faim, à trois mois ou à quatre-vingt-quinze ans, pour n’avoir jamais pu téter leur mère !


V


Et maintenant, mon cher Poète, c’est à vous que je parle. Nous sommes, vous le savez, deux misérables, deux minables, deux anti-bourgeois, deux maudits,… deux locataires. Nul n’ignore, parmi la crapule des lettres, que nous sommes vraiment impossibles et, pour tout dire, uniques à ce point qu’il n’existe aucun moyen de s’arranger avec nous et moins encore de nous arranger. Nous sommes pour l’Art, pour la splendeur de la JUSTICE, pour la Pitié magnifique — sans putanat. Nous sommes des brûlants, et voilà pourquoi nous sommes des vomis.

C’eût été trop monstrueux que je ne parlasse pas de vous, à la fin. J’étais si désigné pour ça ! Mais il fallait une certaine heure. Je doute que mon suffrage vous soit profitable. Il est même à prévoir que vous en serez puni de manière ou d’autre par les Laurent ou les Edmond que j’utilise. Je n’ai pu, d’ailleurs, que me répéter à propos de vous. Il y aura bientôt vingt ans que je rends mes contemporains, à peu près sans exception. Que demander de plus à un seul homme ?

Vous ne seriez pas un grand poète que je vous appartiendrais encore, parce que vous aimez le Pauvre — sans anthropophagie ni cabotinisme. Richepin, Séverine, Bazar de Charité ! Ça finit quelquefois très-mal toutes ces « trompettes » exécrées dans l’Évangile. Cependant vous n’êtes pas tout à fait selon mes formules et je m’en afflige. Vous n’êtes pas davantage selon mes pratiques et j’en suis profondément triste. Mais, comme vous êtes un enfant de Dieu, il est fort probable qu’un jour vous me guérirez de la lèpre ou de la paralysie par l’imposition de vos mains et voilà ce qui me console. En attendant, il est acquis et indiscutable que vous êtes sans défense contre la Créature infiniment miraculeuse par qui tous les pauvres et tous les enfants des pauvres sont allaités. Elle est la Mère des vivants, c’est-à-dire, encore une fois, des pauvres, puisque les riches sont tous des morts et des morts en putréfaction, d’abominables charognes…

Oubliant les biscuits et les chromos, rappelez-vous seulement qu’Elle se nomme Pleine de Grâce et qu’Elle a Sept Glaives dans le cœur ; vous La reconnaîtrez à ce signe.

Un prophète qui fut le Roi des Éblouissements annonçait, il y a trois mille ans, qu’Elle rira au dernier jour et je vous donne rendez-vous pour être les spectateurs, auprès d’Elle, de l’écartellement du Monde tiré aux quatre chevaux de l’Apocalypse… Quand le moment sera venu et que les hommes agoniseront de terreur au fond d’un gouffre de silence, on entendra soudain l’éclat de rire colossal de l’Immaculée Conception !



  1. Les Soliloques du Pauvre, par Jehan Rictus. Édition nouvelle, illustrée par Steinlen. Paris, Sevin et Rey.
  2. Paris, Sevin et Rey.