Les Décorés/L’inconnu

Les Décorés : Ceux qui ne le sont pasH. Simonis Empis, éditeur (p. 255-275).

L’INCONNU


À SÉVERINE,
au meilleur, au plus sûr de mes amis,
en souvenir de celle qui n’est plus.


J’avais frappé trois fois sans obtenir de réponse. Impatienté, je m’en allais en maugréant contre le concierge qui ne savait jamais si ses locataires étaient chez eux, lorsque la porte tourna enfin sur ses gonds. Le sculpteur vint m’ouvrir ; ne pouvant me donner sa main, empâtée de terre, il me tendit le poignet que je serrai amicalement.

— Je ne vous dérange pas, lui dis-je, vous n’avez pas séance ?

— Du tout ; à cette heure-ci, je n’y vois plus assez clair pour travailler avec le modèle. Entrez, ravi de vous voir.

— Voilà dix minutes que je tambourine. Vous ne m’avez pas entendu, vous dormiez donc ?

— Non… Je rêvais.

Barcas prononça ces derniers mots d’une voix grave qui m’étonna chez ce grand garçon ordinairement si gai.

Nous traversâmes le capharnaüm sombre servant à la fois d’antichambre et de soute à charbon, et nous entrâmes dans l’atelier. Pas high-life, pas Avenue de Villiers du tout, l’atelier. Il avait l’aspect d’un hangar.

Sur les murs, badigeonnés à la colle, quelques sommaires croquis au fusain, des indications de mouvements, des adresses de modèles et de praticiens, un masque japonais, un morceau de faïence persane, deux affiches de Chéret éclaboussant de soleil le ton cendreux de la peinture. Entassés sur des planches de sapin, des plâtres poussiéreux, cassés, estropiés, minables, honteux de se trouver tellement serrés qu’ils perdaient le prestige d’attitudes séculairement nobles et admirées. Un Antinoüs, coiffé d’une feutre crasseux qui lui cachait un œil, avait l’air particulièrement vexé. Une vieille table de salle à manger, dont le plaqué, découragé, ne luttait plus et se crevassait comme des bottes usées, fléchissait sous un amoncellement d’eaux-fortes, de livres, de journaux, d’albums, de croquis, d’ébauchoirs, de compas, de crayons, de mies de pain rassies, et autres objets qui montaient à l’assaut d’un encrier et d’un monumental pot à tabac, dont le pied disparaissait sous un fouillis plus inextricable qu’une forêt vierge.

L’ameublement était complété (?) par un fauteuil de paille, deux chaises de reps fané, un lit-canapé recouvert d’une étoffe à raies appelée — je ne sais pourquoi — algérienne, un piano sur lequel trônait, dans un isolement respectueux, un moulage de Rodin. Entourée de cendres et d’escarbilles, une cloche en fonte ronflait en rougeoyant au fond de la pièce, que la brume de décembre commençait à noyer d’ombre. Dans un coin, un balai dont les crins vierges attestaient le rôle purement décoratif singeait la rigidité d’un sceptre de roi fainéant. Sous le large vitrail qui crevait le plafond, une table à modèles, des espadrilles, un baquet plein de terre glaise, un seau d’eau, une figure empaquetée dans des linges mouillés, et, sur une sellette, un buste de vieille femme à peine ébauché.

Debout, immobile, Barcas fumait sa pipe sans engager la conversation, la pensée ailleurs.

Évidemment je le gênais. Mais que diable avait-il ?

Je pris le parti de rompre le silence :

— Vous savez, je ne fais qu’entrer et sortir.

Pas un mot.

— Je voulais prendre des nouvelles de votre statue, repris-je, en désignant avec ma canne la figure emmaillotée. Avance-t-elle votre Hercheuse ?

L’artiste parut se réveiller.

— Ma Hercheuse ?… Ah oui… parfaitement… C’est que… voilà… ma mère est morte, il y a un mois, et, depuis… je ne m’en suis pas beaucoup occupé, de ma Hercheuse.

Ses lèvres tremblaient ; ses yeux, habituellement doux comme ceux d’un chien, étaient devenus sombres et durs. Je connaissais l’étroite intimité de ces deux êtres — la mère et le fils — qui ne s’étaient jamais quittés, qui vivaient l’un par l’autre, l’un pour l’autre, et je devinais une cuisante douleur sous cette apparente impassibilité.

— Et vous ne m’avez pas appris le malheur qui vous a frappé ? Et vous ne m’avez même pas envoyé de faire part ?

— Ni à vous ni à personne. Excusez-moi, mon cher, mais vous connaissez mon horreur pour les banalités mondaines. Ces cérémonies-là-là, ça ennuie toujours ceux qu’on invite, surtout en novembre ; et puis, sentir qu’on a derrière soi des indifférents qui bâillent, tirent leurs montres, causent de leurs petites affaires ou, quelquefois, rient à demi-voix, pendant que vous… eh bien ! non, j’ai préféré la conduire là-bas tout seul. Pour elle, d’ailleurs, le monde c’était moi ; il me semblait la sentir contente de ce dernier tête-à-tête que personne ne troublait.

— C’est égal…

— Ne m’en veuillez pas, car s’il y avait eu une exception, j’aurais pensé à vous ; je n’oublie pas votre coup d’épaule dans la presse, alors que personne ne s’occupait de mes statues et que nous crevions de misère, la pauvre femme et moi.

— Et de quoi donc est-elle morte ? Quoique âgée, elle était d’une belle santé, madame votre mère.

— Elle ? elle aurait vécu cent ans. Elle est morte… du ruban rouge que je n’ai pas eu. Ça vous étonne ? C’est que vous ne la connaissiez pas. Tenez, asseyez-vous là un instant, le cœur me crève, il faut que je vous raconte l’histoire ; mais gardez-la pour vous, je vous en prie, car elle est d’un ridicule à attendrir l’obélisque, et ferait vomir de dégoût la plupart de mes camarades, même de ceux qui s’appellent mes amis.


Je gagnai le petit canapé. Le sculpteur se lava les mains, qu’il essuya ensuite après sa blouse, et se mit à arpenter l’atelier en fourrageant ses cheveux, dont les mèches rageuses se refusaient à prendre une tenue correcte.

— Vous connaissez ma vie, commença-t-il ; je vous fais grâce des détails. Vous savez que ma mère, restée veuve et sans ressources, quand j’avais à peine trois ans, exécuta des prodiges pour m’élever et rendre la santé à l’avorton chétif que j’étais. Pas neuf, le récit de la veuve et de l’orphelin, une vraie rengaine, mais une rengaine lugubre quand on la chante « pour de vrai ». La brave femme était instruite, bien élevée, intelligente ; seulement, pas de métier.

Elle donna des leçons de piano et de français, copia des rôles, écrivit des bandes pour les journaux. Avec des cachets à un franc et des écritures à deux sous la page, on ne va pas loin à Paris, surtout, lorsqu’on ne peut porter ni bonnets ni blouses, et que la maladie enrichit le pharmacien. Il y eut plus de jours noirs que d’heures roses à la maison. Je me rappelle encore les injures du concierge quand nous étions en retard pour le terme ; les scènes du boulanger et du boucher, lorsque les notes n’étaient pas soldées ; les semonces du censeur dès que le trimestre, au lycée, se faisait attendre ; les menaces des huissiers criant qu’on allait vendre nos meubles. Et malgré cela, jamais découragée, jamais à terre ; c’était une énergique, ma mère ; nous nous consolions tous les deux, et elle avivait son stoïcisme en m’embrassant.

Matériellement, je ne manquais de rien, car lorsque la détresse soufflait en tempête, elle mettait une robe au Mont-de-Piété, afin de m’avoir du bouillon auquel elle ne touchait pas, et, pour dîner, elle suçait les arêtes des soles frites achetées les yeux de la tête à la Halle. L’enfance est égoïste ; je trouvais naturel le bien-être dont j’étais entouré, je ne m’étonnais pas de voir maman, revenant de l’extrémité de Paris, mouillée, crottée, gelée, harassée de ses leçons, manger à la hâte des pommes de terre bouillies, sans même ôter son chapeau, car l’heure la pressait, tandis que je dégustais une aile de poulet ou un bifteack, chaudement pelotonné au coin du feu.


Barcas se tut. Je compris que les paroles s’arrêtaient dans sa gorge.

Il alla fourgonner le feu, ralluma sa pipe éteinte et reprit, comme se parlant à lui-même :

— Pourtant, à seize ans, j’eus conscience que l’existence de bête de somme menée par ma mère ne pouvait durer éternellement. Une fois mon bachot passé, — pour lui faire plaisir, car je m’en fichais pas mal, moi, de ces pitreries-là — je me mis dans la tête de gagner quelques sous. Mon rêve eût été d’être musicien, mais je n’en parlai pas, car la maman Gâteau aurait tenu à me laisser suivre ma vocation, comme elle disait, et ce métier-là n’eût sûrement pas amené l’eau au moulin.

Je cherchai à me placer dans le commerce. Le commerce dont la signification ne m’apparaissait pas très clairement et dont j’avais l’horreur — par instinct — était pour moi synonyme de fortune. Il n’y avait pas à hésiter. Malheureusement, quand je parlais — en bafouillant et en rougissant — de mes études et de mon baccalauréat, les gens chez qui je me présentais me riaient au nez. Après trente courses inutiles, je dénichai enfin, rue de la Verrerie, un droguiste en gros qui me prit à l’essai. Quel four !

On me gratifia de vingt francs par mois pour ficeler des paquets dans un sous-sol humide, de six heures du matin à sept heures du soir, et on ne chercha nullement à m’inculquer cette science mystérieuse du commerce que j’ignorerai toujours. Au bout de huit mois, exaspérée de constater que mes mains blanches passaient à l’état de pattes de homard, ma mère risqua des reproches au droguiste, qui me flanqua à la porte en déclarant que je n’étais bon à rien.

Je résolus de tâter d’une autre profession. Un ami me mena chez un ornemaniste. Tout en modelant des rosaces d’appartement pour les bourgeois, je m’amusai à dessiner, comme je pus, le soir rue de l’École-de-Médecine, le dimanche, souvent même dans la rue, où je croquais les passants sur un album de poche. Rodin regarda, par hasard, mes essais, s’intéressa à moi, m’offrit ses conseils, m’apprit à voir et à penser. On me poussa à entrer aux Beaux-Arts. Je n’y remportai aucun succès. Les admirations qu’on ingurgite de force à la jeunesse — comme la pâtée à des poulets à l’engrais — ne passaient pas. Impossible de mettre sur pied un Apollon ou un Spartacus avec la dose de sublime réglementaire ; la mythologie et la ferraille antique m’assommaient. Je comprenais autre chose : un art français, moderne, vivant, nerveux, humain, un art reproduisant les types qui nous entourent, un art fixant, dans le marbre et le bronze, nos passions, nos émotions, nos joies, nos souffrances.

Ma mère, à qui j’égrenais mes théories, les trouvait superbes, naturellement ; son fils ne se manifestait-il pas comme le premier artiste du siècle ? Mes moindres paroles n’étaient-elles pas marquées du sceau du génie ? Du reste, j’aurais été voleur et assassin qu’elle aurait déclaré que tous les torts étaient du côté des volés et des assassinés.

Le jury du Salon ne partageait pas les admirations maternelles ; mes envois étaient refusés avec autant de régularité que d’enthousiasme. Je ne lui reproche rien, car c’était crânement mauvais ce que je pondais. Une fois pourtant, un des mes plâtres finit par passer. Vous rappelez-vous mon Insurgé ?

— Parbleu ! c’est cette figure-là qui attira mon attention sur vous.

— Oui, au fait, et votre article si amical, si indulgent, si flatteur pour un inconnu comme moi, lui causa une rude joie, à ma mère. Je la vois encore cette scène-là : en rentrant déjeuner, je lui tendis le journal tout ouvert, d’un air indifférent, sans rien dire.

La chère femme ajusta ses lunettes, chercha le passage, le lut lentement et, brusquement, fondit en larmes. Moi, comme un imbécile, je me mis aussi à pleurer, en la serrant dans mes bras, embrassant cette figure maigre, pâle, meurtrie et fanée, dont chaque ride représentait une semaine, un mois, une année de luttes pour m’amener où j’étais arrivé, et je pensais que ce rayon de soleil — le premier — payait un long passé d’humiliations et de tristesses. Comme c’est loin, grand Dieu, ce déjeuner-là !


D’un furieux coup de pied, l’artiste envoya rouler, à l’autre bout de l’atelier, une éponge qui se trouvait à sa portée.

— C’est imbécile ! continua-t-il, mais je croyais qu’il durerait éternellement ce bonheur à deux. J’avais vu ma mère la veille, je pensais la revoir le lendemain, et éternellement ainsi. Seulement, un soir, on se trouve seul, tout seul, car je ne m’étais pas marié pour ne pas me séparer d’elle, et ne pas blesser sa jalouse et absorbante tendresse ; alors on se demande pourquoi l’on est resté sur cette terre si vide depuis que l’autre partie de soi-même, la meilleure, n’est plus là. C’est dur, allez !

Je lui tendis la main :

— Du courage, mon cher Barcas. Vous avez du talent, l’avenir s’ouvre brillant devant vous, l’art vous consolera.

— Le talent, l’art… des mots, des blagues, de la viande creuse. Je deviendrais avec joie un casseur de pierres, une brute, une machine à boire et à manger, pour pouvoir serrer une fois encore ces mains qui ont tant travaillé pour moi.

Le sculpteur s’animait ; une sorte de rageuse révolte secouait sa poitrine qui haletait. Je cherchai à rompre les chiens.

— Mais ce ruban rouge dont vous parliez ?

— Ah ! oui, j’oubliais. Je m’emballe, je m’emballe… Ça doit même joliment vous raser, ce que je vous raconte : un roman du Petit Journal écrit pour les cœurs sensibles, illustré par Madeleine Lemaire, avec musique ad libitum de Victor Massé.

— Du tout, je vous assure.

— Vous êtes trop homme du monde pour avouer votre ennui ; mais prenez courage, je finis. Figurez-vous que la Légion d’honneur était la marotte de ma mère depuis la guerre. Engagé volontaire, blessé, mis à l’ordre du jour, — tout le tra la la, comme vous voyez — j’avais été proposé après Champigny. Seulement on avait besoin d’une croix pour le secrétaire du colonel — un jeune homme très bien qui, par fatalité, le jour de la bataille, était resté en permission à Paris — et j’obtins seulement les… félicitations de mes chefs. Ma vieille maman, moins philosophe que moi, fut exaspérée, mais ne lâcha pas son idée. Dès qu’on me mit hors concours, elle se figura que le ruban allait se nouer tout seul à ma boutonnière. Ma boutonnière garda sa virginité. Après l’inauguration de mon monument à La Rochefoucauld, elle lut tous les matins l’Officiel. L’Officiel resta muet à mon égard. Alors, elle s’impatienta, conçut des doutes sur l’efficacité des titres, et, en cachette, mystérieusement, elle commença à se remuer.

À l’Exposition universelle, je fus, vous le savez, accablé de travaux, je ne sais vraiment ni pourquoi, ni comment. Je m’attelai de tout cœur à la besogne, car elle m’empoigna cette gigantesque féerie qui flattait mon dada d’art moderne. Pas raffiné, pas délicat le grand bazar, mais amusant par son côté grouillant et rigolard, sa grosse exubérance de bon vivant narguant les constipés de l’Institut. Je piochais pour le plaisir de piocher ; ma mère, elle, dressait l’oreille : — « Si cette fois tu n’es pas décoré, me dit-elle un matin que j’allais lui dire adieu avant de partir à l’atelier, tu entends, Pierre, j’en mourrai. » Ce mot-là me jeta un seau d’eau glacée sur le crâne. Je la regardai, inquiet : « — Tu n’es pas malade, mère ? lui demandai-je. — Non, mais j’exige que tu sois décoré ! » Par hasard mes machines de l’Exposition furent remarquées et… — Je crois bien, le Temps, entre autres, vous a consacré trois colonnes.

— On en parla à droite, à gauche, les critiques s’emballèrent, la presse jabota : Barcas par-ci, l’éminent statuaire par-là ; des amis bienveillants et maladroits surchauffèrent cet enthousiasme de rencontre et grisèrent littéralement ma mère de cet encens. Elle ne m’ouvrit pas la bouche de ses projets, dans la crainte de me fâcher ; mais, je l’ai appris depuis, elle passa l’été à tenter des démarches insensées. Grâce à cet aveuglement maternel, qui donne aux folies les plus extravagantes un aspect fort naturel, elle s’adressa à des gens qu’elle ne connaissait nullement, mais qu’elle supposait en situation d’aider à ma nomination.

Tous les ministères connurent son châle noir, ses gants de filoselle et le sac de cuir dans lequel elle enfermait « la liste de mes titres », liste qu’elle remettait aussi bien à un garçon de bureau qu’à un député, dans l’espérance que les plus insignifiants appuis lui serviraient. Elle fut rebutée, ridiculisée, bernée ou poliment éconduite. Nous ne connaissions pas d’homme politique, donc aucun espoir de réussite.

Pourtant, la confiance de cette vaillante resta inébranlable. Aussi, lorsque, le 2 novembre, elle ouvrit le journal et qu’en parcourant fiévreusement la liste des croix distribuées à la suite de l’Exposition, elle ne lut pas le nom de son fils, la pauvre vieille reçut un coup terrible. Jusqu’ici, elle avait constamment triomphé pour moi, et contre la maladie, et contre la misère, et contre la vie. La chance tournait : à son tour d’être vaincue. Je tentai l’impossible pour la distraire de sa défaite, mais je me heurtai à une idée fixe, se changeant en monomanie. Constamment, les noms des légionnaires nouvellement promus revenaient sur ses lèvres avec des paroles amères. Intérieurement, j’en étais obsédé et agacé !

À un certain âge, les émotions violentes pardonnent peu ; l’estomac de ma mère se dérangea, elle ne sortit plus, mangea à peine, s’affaiblit, s’alita, et… ne se releva pas. Voilà aujourd’hui ce qui me reste d’elle : tenez, ce buste que je m’entête à modeler de souvenir et dont la ressemblance que je poursuis m’échappe absolument. Et on prétend que j’ai du talent !


L’artiste se dirigea vers l’ébauche que j’avais remarquée en entrant. Il s’hypnotisa dans une contemplation muette, pendant que, d’un geste automatique, ses mains caressaient la glaise, comme pour lui insuffler la vie. Il m’oubliait, moi et la réalité des choses, plongé qu’il était dans l’évocation douloureuse d’un passé mort à jamais.

La nuit tombait, on ne distinguait plus que la silhouette fantomatique de la statue, enveloppée dans son suaire.

— Allons, Barcas, il faut aller dîner ; je vous emmène, voulez-vous ? Nous nous arrêterons au premier restaurant venu.

Le sculpteur secoua doucement la tête, l’air découragé.

— Non, merci… plus tard… Je ne suis pas en train. Mais nous partons ensemble ; je mouille ma terre et je suis à vous.

L’eau qu’il lança couvrit le buste de perles brillantes. En serpentant sur le front, une goutte suivit la naissance du nez, coula le long de la paupière et s’arrêta sur la joue. Par un étrange mirage, je crus voir pleurer la mère dont l’œil humide, plein de pitié et de tendresse, semblait fixé sur Barcas qui la regardait, morne et désespéré.


FIN