Les Cryptogames et les végétaux rudimentaires/03

LES CRYPTOGAMES
ET
LES VEGETAUX RUDIMENTAIRES

II.
CRYPTOGAMES NUISIBLES[1]

Le rôle des végétaux parasites qui s’attaquent aux organismes supérieurs et les détruisent lentement est plus important qu’il ne le paraît au premier abord. Ces plantes infimes comptent parmi les agens les plus énergiques des innombrables transformations qui renouvellent sans cesse le monde organisé, et font du spectacle de la vie sur la terre un tableau toujours mouvant, toujours varié. Lorsqu’un être meurt, animal ou végétal, les élémens qui le composent retournent dans le grand tourbillon vital ; ils servent à nourrir et à faire prospérer des êtres nouveaux qui, désagrégés à leur tour, finiront par rendre leurs élémens au trésor commun de l’immense nature. Des myriades de microphytes et de microzoaires, dont les germes sont partout disséminés dans l’air, activent le travail de décomposition du corps organisé désormais inerte. Ce sont eux qui, jouant le rôle de fermens, se chargent d’en transformer les tissus en de nouveaux produits, susceptibles de servir à la nutrition des végétaux. Ceux-ci fourniront plus tard aux animaux les principes immédiats albuminoïdes dont ils ont besoin pour leur entretien. Ainsi s’accomplit entre les deux règnes un échange perpétuel, et la vie préside à l’œuvre de la mort[2].

Pour pouvoir suffire à leur utile besogne, il faut que les cryptogames soient répandues dans la nature en quantités immenses, douées d’une énergie vitale extraordinaire et capables de croître et de se multiplier sur les substances les plus diverses. Rien n’égale en effet la variété, la puissance de reproduction, la diversité de caractères et d’aptitudes que présentent ces végétaux rudimentaires. La mer a les siens, et il s’y développe un nombre infini de végétations cryptogamiques, depuis la macrocystis pirifera, dont les expansions rubanées atteignent parfois une longueur de 500 mètres, jusqu’au protococcus atlanticus, tellement petit que plus de quarante mille de ces plantules peuvent tenir sur une surface de 1 millimètre carré. Malgré ses dimensions microscopiques, le protococcus étend sur des espaces de plusieurs kilomètres un rutilant tapis[3]. Certaines algues flottantes, — la sargasse ou raisin des tropiques, — recouvrent des étendues d’eau vastes comme des continens. Colomb, qui rencontra le premier une de ces immenses prairies flottantes, mit trois semaines à la franchir, craignant à chaque instant d’échouer sur les bas-fonds ou les récifs qu’il jugeait devoir servir d’appui à cette végétation marine. Ce que les anciens navigateurs appelaient la Mer des Sargasses porte deux massifs de ces algues dont Humboldt a déterminé la configuration par la comparaison attentive de journaux de bord anglais et français, et qui s’étendent l’un à l’ouest des Açores, l’autre entre les Bermudes et les îles de Bahama. Ils sont reliés par une bande transversale, et occupent en tout une superficie égale à environ sept fois celle de l’Allemagne. Que ces plantes soient nées aux endroits où elles végètent aujourd’hui, ou qu’elles aient d’abord poussé le long des côtes et, détachées par la mer, entraînées par le gulf-stream, soient venues s’arrêter dans les eaux relativement tranquilles de la Mer des Sargasses, il n’en est pas moins certain qu’elles vivent et prospèrent depuis des siècles sans autre nourriture que celle que leur fournit l’Océan. Elles puisent dans les flots et dans l’atmosphère les élémens indispensables à leur développement, et emmagasinent dans leurs tissus des corps, tels que l’iode et le phosphore, dont l’analyse chimique peut à peine découvrir quelques traces dans les eaux de la mer. Les cryptogames terrestres ne montrent pas de moins grandes facultés reproductrices, et il est peu de corps dans la nature aux dépens desquels elles ne puissent trouver à se nourrir. On en rencontre qui végètent sur le granit le plus dur ; il en est d’autres qui absorbent impunément des poisons généralement mortels. Chacun connaît, par exemple, les propriétés délétères de la céruse : on sait que, comme tous les sels de plomb, elle exerce sur l’homme une action toxique incontestable ; même les plus faibles traces disséminées dans l’air et journellement absorbées par les voies respiratoires s’accumulent lentement dans certains de nos organes, le foie particulièrement, et finissent par donner la mort comme l’eût fait une absorption à haute dose. Les végétaux éprouvent en présence de ces sels des effets analogues. Pourtant le champignon de couche végète et prospère sur les fumiers qui remplissent les fosses où se fabrique la céruse. Il se sature de plomb sans en ressentir aucune influence délétère, mais non sans devenir lui-même, par suite de cette absorption de composés plombiques, un poison violent.

Il existe des substances qui arrêtent le développement des cryptogames ; on les nomme antiseptiques, et elles ont pris une grande place dans l’industrie. On emploie les uns à préserver les bois, d’autres à garantir les grains, les pâtes, les alimens des moisissures et de divers petits champignons. Toutefois l’efficacité de ces agens n’est pas absolue. Ainsi la résine, conserve assez bien d’ordinaire les bois qui en sont naturellement imprégnés ; on connaît cependant un champignon qui pousse sur les mélèzes de Savoie, et qui pompe dans les troncs sur lesquels il s’établit des quantités considérables de résine[4]. Ce champignon ne croît que sur des arbres déjà vieux, et presque toujours il est mortel à ceux sur lesquels il apparaît. En enlevant la résine intérieure, il rend la masse ligneuse beaucoup plus attaquable soit aux cryptogames ordinaires, soit aux insectes xylophages, qui achèvent l’œuvre de destruction. Dès qu’on aperçoit ces champignons sur un mélèze, cela signifie que le moment est venu de l’abattre, et il faut se hâter de profiter de cet avertissement. On voit combien sont variées les conditions dans lesquelles se développent les plantes cryptogamiques. Parmi tant de variétés, il y a lieu de s’intéresser plus directement à celles qui, vivant sur les matières destinées à l’alimentation, peuvent s’introduire dans l’organisme humain.

I

Une des cryptogames les plus dangereuses est désignée sous le nom d’ergot. Elle attaque le froment, le maïs et surtout le seigle. L’ergot du seigle a fait depuis une époque reculée l’objet d’études approfondies ; dans ces dernières années seulement, et à l’aide de méthodes d’observation perfectionnées, on est parvenu à en déterminer la véritable nature et le mode de développement. Quand on l’a bien connu, on a pu indiquer les moyens propres à conjurer les dangers qu’il présente pour l’hygiène publique. Des recherches persévérantes ont même fait découvrir des applications utiles de cette cryptogame redoutée, et elle est devenue un objet de commerce. L’ergot n’envahit pas seulement, comme on l’a dit bien des fois, le seigle qui a poussé dans les terres maigres que l’on consacre d’ordinaire à la culture de cette céréale ; les champs fertiles où la hauteur des tiges et la longueur des épis attestent la vigueur de la végétation ne sont point à l’abri de ses ravages. Il y a mieux : le champignon, trouvant alors une nourriture plus riche, atteint des dimensions plus considérables, et on le voit compromettre les plus belles moissons. Il est cylindroïde et présente une certaine courbure, de sorte que la forme générale offre quelque analogie avec celle de l’ergot d’un coq : c’est de là que lui est venu son nom. On a pensé longtemps qu’il se nourrissait aux dépens du périsperme du fruit et qu’il était condamné à mourir d’inanition quand ce périsperme était épuisé. Une telle hypothèse n’est plus admissible. L’ergot atteint souvent cinq et six fois le poids et le volume du grain qu’il remplace ; on en rencontre même qui pèsent 40 centigrammes, tandis que le grain de seigle primitif ne pèse que 3 ou 4 centigrammes. L’analyse chimique a montré en outre que la quantité de substances azotées contenues dans l’ergot, comparée à celle que renferme le grain, s’accroît dans une proportion équivalente, et que l’ergot sécrète jusqu’à soixante fois plus de matières grasses que le grain qui le supporte n’eût pu lui en fournir. Il faut donc admettre, et des expériences directes l’ont d’ailleurs démontré, que l’ergot, une fois qu’il a pénétré dans le réceptacle du grain, s’y nourrit en absorbant les sucs de la tige destinés à l’alimentation de ce dernier. C’est M. Tulasne qui a fait les observations les plus décisives pour nous conduire à la connaissance complète de l’ergot, lequel a été définitivement classé en botanique sous le nom de Sclerotium clavus.

Ce champignon expose aux plus graves dangers ceux qui se nourrissent spécialement de pain de seigle. Certaines de nos campagnes ont été désolées autrefois par les maladies qu’il détermine. Il produit une sorte de gangrène, de sphacèle des doigts et des membres. Les animaux des fermes étaient souvent atteints aussi de semblables affections. De sages ordonnances recommandaient, il est vrai, de saisir sur les marchés les grains ergotes, aisément reconnaissables à la couleur violet foncé du champignon. Ces grains d’ailleurs, impropres à l’alimentation, pouvaient être distillés sans inconvénient. Les propriétaires, de leur côté, tâchaient par un criblage attentif de débarrasser leur seigle du produit vénéneux qui s’était développé à la surface des épis. Toutes ces précautions seraient demeurées peu efficaces si l’on n’était parvenu à bénéficier de la vente de l’ergot lui-même. Il y avait longtemps que les médecins employaient cette végétation fongueuse dans quelques applications spéciales et trop limitées pour lui assurer un débouché régulier. M. Bonjean, de Chambéry, est parvenu vers 1845 à en tirer un hémostatique puissant qui est entré largement dans la pratique. Cette préparation, appelée ergotine[5], est devenue d’un usage assez général pour que le prix de l’ergot s’élevât rapidement ; il se vend aujourd’hui en moyenne 2 francs le kilogramme. C’est environ dix fois la valeur du seigle lui-même. L’intérêt personnel, plus fort que toutes les ordonnances, engage donc les cultivateurs à extraire avec soin l’ergot contenu dans leur seigle afin de le vendre à part ; c’est, il faut bien l’avouer, la meilleure garantie de l’exécution des mesures administratives concernant ce végétal délétère. L’ergotine, malgré le nom qu’elle porte, ne renferme presque plus de substance toxique. On l’obtient en réduisant l’ergot en poudre et en le traitant par l’eau tiède, qui emporte les matières solubles et laisse dans la poudre ainsi lavée la plus grande partie des principes vénéneux, unis ou mêlés à la matière grasse. On n’a plus qu’à concentrer l’infusion en la débarrassant à mesure de l’albumine, entraînée avec l’eau et qui vient flotter à la surface du liquide. Les propriétés hémostatiques de l’ergotine ont ceci de particulier qu’elles s’exercent sans oblitérer les vaisseaux. Ce fait remarquable, d’abord constaté par Flourens, a été depuis maintes fois vérifié ; les expériences de M. Retzius à Stockholm et celles de M, Sédillot à Strasbourg l’ont mis hors de doute. On n’a pu encore en trouver l’explication, et l’on ignore de quelle façon agit l’ergotine pour arrêter l’écoulement du sang, puisqu’elle n’oblitère pas les vaisseaux artériels. Quoi qu’il en soit, nous voyons qu’il a été possible de tirer parti d’une cryptogame des plus dangereuses. On a été moins heureux avec les autres champignons parasites, qui pour la plupart sont restés exclusivement malfaisans. Telle est, en première ligne, la rouille du blé, uredo segetum. Ce végétal microscopique envahit des champs entiers. On a remarqué qu’il se développe surtout dans les terres humides, et on est parvenu à en combattre efficacement la propagation par le drainage, qui sèche et assainit le sol. Tel est encore le charbon, uredo carbo, dont les innombrables granules noirs comme du charbon s’introduisent à la partie supérieure des barbes de l’épi et plus tard, dans le battage, se mêlent au grain. Il est indispensable de s’en débarrasser avant la mouture au moyen d’énergiques et coûteux nettoyages. La carie du froment, uredo caries, est également une des variétés de ces pernicieuses cryptogames qui s’attaquent à la plus utile de nos graminées. Les semences que l’on confie à la terre en contiennent souvent le germe, qu’il est alors possible de tuer par le chaulage et le sulfatage des grains. Ces cryptogames donnent à la farine et au pain une couleur grise et un goût désagréable ; il ne serait même pas impossible qu’elles fussent les causes de certaines maladies. Quant à l’influence qu’elles exercent sur les animaux nourris avec les herbes infestées, les opinions sont partagées. Quelques auteurs attribuent à la rouille une grande mortalité constatée parmi les brebis et les chevaux ; mais M. Magne, directeur de l’école d’Alfort, déclare avoir engraissé un lot de moutons avec de la paille de blé fortement rouillée. D’après le témoignage du docteur Duguès, une cryptogame parasite du maïs serait employée au Mexique comme substance alimentaire ; elle y porte le nom de cuervo (corbeau), à cause de sa couleur noire.

Beaucoup de médecins attribuent la pellagre, qui sévit parmi les populations indigentes du midi, à la consommation habituelle de la farine de maïs altéré, et signalent comme la cause prochaine de cette terrible affection le verdet, épiphyte dangereux qui se développe sur le maïs lorsqu’il est encore sur pied. S’il n’est pas entièrement démontré que la pellagre soit une conséquence de l’usage de la farine gâtée par le verdet, on a du moins constaté une coïncidence significative entre les mauvaises récoltes et la recrudescence des maladies de la peau. On admet également que l’usage du blé carié entraîne des inconvéniens d’une nature analogue.

Les autres plantes qui servent à notre nourriture ont aussi leurs champignons parasites, et ceux-ci, dans ces dernières années, ont valu à l’agriculture de véritables désastres. La maladie des pommes de terre, dont nous avons eu occasion ici même de décrire les causes, la marche et les remèdes, a réduit à la famine des districts entiers d’Irlande, et en Russie de vastes provinces où la savoureuse solanée formait la base de l’alimentation publique. Les sporules de l’oïdium Tuckeri, développées d’abord, à ce qu’il paraît, dans des serres anglaises où l’on faisait mûrir artificiellement du raisin de table, se sont répandues de là sur tout le continent, et ont infligé à la production vinicole les plus grades dommages. Cette cryptogame est maintenant bien connue, et des moyens de préservation ont été découverts pour en atténuer les désastreux effets.

Une végétation cryptogamique dont l’opinion s’est beaucoup moins préoccupée, mais qui ne laisse pas de produire d’assez fréquens accidens et de mériter une attention spéciale, ce sont les moisissures qui se développent sur les alimens abandonnés trop longtemps dans un endroit humide. Le pain contenant trop d’eau, les pâtes de maïs, se recouvrent rapidement de champignons verdâtres parmi lesquels sans doute se rencontrent des espèces vénéneuses. Le pain moisi n’est pas sans danger ; pris en grande quantité, il produit de légers symptômes d’empoisonnement, des étourdissemens, une soif ardente et un abattement général. On a vu mourir des poules auxquelles on avait jeté des biscuits de Reims complètement moisis. Les nombreux accidens constatés après l’ingestion de viandes cuites qui, gardées trop longtemps, avaient contracté une légère acidité, s’expliquent peut-être aussi par l’apparition d’une végétation cryptogamique : ce qui semble confirmer cette hypothèse, c’est que, dans les circonstances où ces accidens se sont manifestés, on n’a pu découvrir la trace d’aucun poison minéral.

Parmi les champignons à fructification microscopique, — mucédinées ou moisissures, — un des plus connus est le Penicillium glaucum, ainsi nommé parce que l’assemblage de ses spores globuleuses présente sous le microscope l’apparence d’un pinceau. On le rencontre sur le pain, sur le fromage, sur les fruits qui pourrissent. Selon toute apparence, il est relativement innocent. M. Cordier s’en est assuré par des expériences directes. Un jour, il a mangé la moisissure venue sur un pot de confiture d’abricots ; n’en ayant pas été incommodé, il a mangé le lendemain celle qui recouvrait une confiture de groseilles, et une autre fois la chancissure d’une orange, toujours sans éprouver aucun inconvénient. Cela ne prouve pas, à la vérité, que ces moisissures, prises à plus haute dose, ne produiraient pas d’effet fâcheux, mais l’on peut en conclure qu’elles ne sont pas un poison dangereux.

C’est d’ailleurs ce que démontre l’expérience de tous les jours. Si chaque morceau de pain moisi renfermait un germe de maladie, si l’on ne pouvait manger impunément un fruit gâté, quel serait le sort des pauvres gens qui n’ont pas de quoi être difficiles sur la nourriture ! On sait avec quelle rapidité les alimens, une fois entamés, se gâtent, chancissent et se décomposent sous les attaques d’innombrables parasites. C’est comme si la nature était impatiente de reprendre à l’homme les substances qu’il lui emprunte pour les approprier à son usage. Le pain doit être mangé à bref délai, sinon une légion de cryptogames se présente pour le réclamer, et s’attache aussitôt à le convertir en poussière, poussière féconde qui nourrira les jeunes pousses d’un champ de blé. Les cryptogames ont pour mission d’accélérer les transformations de la matière, elles ne nous permettent pas de conserver indéfiniment les fruits qui sont mûrs, la chair désormais inerte, toutes ces combinaisons artificielles enfin qui constituent notre nourriture. En apparaissant elles nous avertissent que nos droits sont périmés et qu’il est temps d’abandonner à la terre ce qui n’est plus pour nous qu’un danger.

Les végétations cryptogamiques, si elles ne deviennent pas nuisibles en envahissant nos alimens, peuvent causer des dommages considérables à une foule d’industries. Il nous suffira de citer quelques exemples. Suivant les anciens procédés de blanchiment, les toiles demeurent plusieurs jours étendues sur une prairie, afin que la rosée puisse détruire par une lente oxydation les matières organiques colorées que renferme le tissu. L’humidité favorise alors le développement des spores que l’air dépose sur les toiles, et ces végétations grises ou d’un brun verdâtre produisent des taches que les paysans appellent heudrissures. Ces taches sont difficiles à enlever, car ni les lessives alcalines ni les eaux faiblement chlorées ne dissolvent les membranes feutrées qui enveloppent les fibres des tissus. Des végétations analogues se montrent sur les feuilles de gélatine ou de colle forte que l’on étend en gelée tremblante, soit à l’air libre, soit dans des séchoirs ventilés, surtout lorsque l’opération a lieu par un temps de brouillard. Sous l’influence de ces cryptogames la gelée animale se liquéfie par endroits, des microzoaires amenés par les courans d’air y excitent une fermentation putride, et il se forme une foule de petites cavités assez profondes qui détériorent le produit gélatineux, de sorte qu’on est souvent obligé de le refondre à grands frais. Des accidens du même genre se produisaient autrefois tous les ans dans les vermicelleries, où se fabriquent aussi les tubes à macaronis et les diverses sortes de pâtes d’Italie. Ces causes d’altération ont à peu près disparu chez les fabricans qui ont adopté les calorifères à courant d’air chaud ; c’est le meilleur moyen de hâter la dessiccation des produits lorsque l’humidité atmosphérique menace de les exposer aux attaques des cryptogames.

Des inconvéniens très sensibles résultent encore du développement de ces sortes de champignons dans les tonneaux vides qui ont contenu des vins, de la bière ou du cidre. La présence des végétations ne tarde pas à être accusée par une odeur de moisi. Si alors, après un simple rinçage presque toujours insuffisant, on remplit de nouveau les tonneaux, le liquide dissout et délaye le principe odorant des moisissures et contracte au bout de quelques jours une odeur particulière, très désagréable, qui enlève à la boisson presque toute sa valeur. C’est ainsi que des vins fins sont parfois perdus par l’incurie avec laquelle on nettoie les tonneaux. Il est facile de démontrer la vérité de cette explication. Si l’on verse dans un tonneau ainsi envahi deux litres d’acide sulfurique à 60 degrés, de manière à en imprégner les parois, la végétation parasite, bientôt attaquée, se désagrège, se dissout et peut être entraînée par des lavages à grande eau. Dès lors le tonneau cesse d’agir sur le liquide que l’on y conserve. L’odeur ou la saveur désagréable que l’on appelle goût de bouchon est très probablement due à des moisissures qui se développent dans les cavités des bouchons après la mise en bouteille du vin.

Il est presque certain que les fréquentes altérations, dites spontanées, des boissons usuelles, et notamment les diverses maladies des vins, doivent être attribuées à l’influence des végétaux rudimentaires, — cryptogames, microphytes et mycodermes. On en a tiré cette conséquence très naturelle que, pour prévenir les altérations ou pour en arrêter le progrès, il suffisait de détruire les végétations développées au sein des liquides : sublata causa, tollilur effectus. Les efforts persévérans qu’un savant français a tentés dans cette voie ont été depuis peu de temps couronnés d’un succès des plus remarquables ; mais avant de parler des procédés fort simples à l’aide desquels on présent ? les vins des altérations dont ils sont menacés, nous allons montrer que la solution du problème constitue un cas particulier de la méthode générale due au modeste et célèbre inventeur Appert.

Nous avons déjà exposé ici même cette méthode telle qu’elle est appliquée à la conservation des substances alimentaires, viandes, légumes et fruits, et nous avons signalé les avantages qu’elle offre pour les approvisionnemens de longue durée. Si nous n’avons pas dès lors insisté sur l’application du même procédé à la conservation des vins, c’est que jusqu’alors l’industrie n’avait guère mis à profit les conseils de l’inventeur, appuyés cependant sur des expériences d’une réelle portée. Voici comment le chevalier Appert s’exprime à cet égard dans son Livre de tous les ménages[6] :

« Personne n’ignore, dit-il, que les vins de France les plus délicats, notamment ceux de Bourgogne, ne peuvent supporter les voyages de mer les plus courts ; la susceptibilité de quelques-uns de ces vins est même si grande qu’on est souvent obligé d’en faire la consommation dans les pays où on les récolte, par l’impossibilité d’en risquer le transport sans s’exposer à les dénaturer entièrement.

« A l’époque où l’introduction des vins de France fut prohibée dans le royaume des Pays-Bas, les propriétaires de ces vignobles furent plongés dans la consternation ; une maison de Beaune me pria de chercher les moyens de conserver les vins de ce cru pendant les longs cours ; elle eut soin d’accompagner sa prière d’un panier de bouteilles consacrées aux expériences. Animé du noble désir d’être utile à mon pays et toujours plein de confiance dans les effets du calorique, je me mis au travail et ne tardai pas à trouver la solution du problème. » Il décrit les précautions qu’il a prises pour boucher hermétiquement les bouteilles, en ménageant entre le liquide et le bouchon un espace suffisant pour la dilatation, puis il ajoute : « Je les mis dans le bain-marie, dont je n’élevai la température qu’à 70 degrés, dans la crainte d’altérer la couleur. » Quinze jours après, douze de ces bouteilles étaient expédiées au Havre, afin d’être emportées par des vaisseaux en partance pour un voyage de long cours. Appert avait mis en réserve plusieurs bouteilles qui avaient subi la même préparation et quelques autres du même vin de Beaune dans son état naturel. Au bout de deux ans, les bouteilles revenues de Saint-Domingue furent soumises à la dégustation d’un connaisseur, comparativement avec celles qui étaient restées en France. Les bouteilles soumises au chauffage qu’Appert avait gardées avaient fait le voyage du Havre, aller et retour. Le résultat de cette triple épreuve fut extraordinaire : le vin, originairement le même, présentait trois qualités différentes. Celui qui avait été conservé sans préparation avait un goût de vert très marqué ; le vin renvoyé du Havre s’était fait et conservait son arôme, mais la supériorité de celui revenu de Saint-Domingue était infinie, rien n’en égalait la finesse et le bouquet… « Un an après, ajoute l’auteur, j’eus la satisfaction de réitérer cette expérience avec le même succès. Il est donc incontestablement démontré par des faits aussi patens qu’on pourrait, à l’aide d’une préparation fort simple, exporter nos vins fins aux extrémités les plus reculées du globe… Une épreuve bien importante que je me propose de faire incessamment est celle de conserver nos vins en cercles ; je pense que, en opérant ainsi que je l’ai fait sur la bière, on pourrait obtenir d’heureux résultats et arriver à les faire voyager en pièces. »

Comment comprendre que, malgré ces résultats si frappans, le procédé d’Appert pour la conservation des vins ait pu tomber dans l’oubli, tandis que les conserves alimentaires faisaient leur chemin ? La réponse n’est pas difficile. L’inventeur était constamment occupé à préparer lui-même ses conserves, afin de les livrer aux marchands et aux consommateurs ; durant de longues années, ce fut sa seule ressource. Le temps et l’argent lui manquaient pour toute autre entreprise dont il aurait fallu attendre le bénéfice. Il dut ainsi se borner à faire des vœux pour la réalisation des avantages qui devaient résulter de l’application de ses procédés à la conservation des vins. S’il avait disposé de cette autorité que donne une haute position sociale, peut-être eût-il déterminé des spéculateurs à entreprendre à leurs risques et périls des essais sur une grande échelle. Sous ce rapport il ne reste plus rien à désirer aujourd’hui, car le procédé primitif, amélioré et perfectionné, a reçu dans ces derniers temps la double sanction d’une séduisante théorie et de la pratique en grand. C’est aux belles et persévérantes recherches de M. Pasteur que la science et l’industrie viticole sont redevables des données les plus précises sur la cause qui produit les altérations des vins et sur les moyens de prévenir ou d’arrêter ces altérations. Chaque maladie particulière des vins correspond au développement d’un ferment vivant de nature végétale ou d’un mycoderme, et c’est en détruisant les germes de ces êtres microscopiques par l’action de la chaleur que l’on arrête la maladie au début.

Quand le vin devient aigre, acide, piqué, c’est qu’il est envahi par la fleur de vinaigre, mycoderma aceti, dont la fonction consiste à transformer l’alcool en acide acétique par une sorte de combustion incomplète. C’est d’ailleurs ce qu’avait deviné depuis longtemps le peuple en donnant le nom de mère du vinaigre aux membranes gluantes que l’on trouve dans les vases ayant enfermé ce liquide et qui sont entièrement formées par le mycoderme en question. M. Pasteur a même basé sur cette observation un procédé rapide de fabrication du vinaigre. Un autre mycoderme analogue, la fleur du vin, n’occasionne aucune fermentation nuisible et semble plutôt favoriser les réactions normales auxquelles est dû ce qu’on appelle le bouquet des vins. La maladie des vins tournés ou montés a pour cause un ferment qui se présente sous l’apparence de filamens d’une extrême ténuité. Ces filamens forment des chapelets d’articles analogues à la tige du blé et donnent lieu à ces ondes soyeuses que l’on remarque lorsqu’on agite le vin. Le mycoderme dont il s’agit ici a une grande analogie avec celui qui produit l’acide lactique. Les vins filans, gras, huileux sont altérés par un ferment qui affecte la forme de globules réunis en chapelets enchevêtrés. L’amer ou le goût de vieux, maladie qui s’attaque surtout aux vins fins, a également pour origine un ferment spécial, qui rappelle celui des vins tournés, mais qui offre des articles plus gros et plus rapprochés ; sous le microscope, il ressemble à des branches de bois mort[7]. Les germes de ces divers mycodermes une fois tués par la chaleur, le vin est à l’abri des altérations en vase clos ; mais il est clair que ces précautions ne serviraient de rien, si des germes nouveaux étaient apportés par l’air ou par des vins non préparés que l’on mêlerait au vin chauffé.

Dans son brevet du 11 avril 1865, M. Pasteur indique une température comprise entre 60 et 100 degrés comme propre à faire périr les germes qui occasionnent les maladies des vins. Depuis cette époque, il a reconnu qu’il suffisait de porter les vins de Bourgogne les plus fins à une température de 60 à 65 degrés, ne fût-ce que pendant une minute, pour en assurer la conservation et l’amélioration. Quant aux vins sucrés, on ne pourrait empêcher les fermentations nuisibles ou maintenir l’état sucré à des degrés voulus que par un chauffage dépassant 70 et 80 degrés. Une commission spéciale, composée de viticulteurs et de dégustateurs compétens, a constaté les bons effets du chauffage pratiqué d’après les préceptes de M. Pasteur sur les grands crus de la Bourgogne. Les vins conservés en bouteilles n’avaient rien perdu de leur arôme ni de leur saveur, ils s’étaient plutôt améliorés. Aussi les applications de ce procédé se propagent-elles de plus en plus. Des expéditions de vins dans les contrées tropicales ont été faites par les ordres du ministère de la marine en vue de compléter les preuves destinées à consacrer définitivement le procédé préconisé par M. Pasteur. On a imaginé des appareils à circulation méthodique pour chauffer au degré convenable les différens vins tout en économisant le combustible, à tel point qu’il suffit désormais d’une dépense de 10 à 20 centimes par hectolitre pour préparer les vins en cercles. Dès lors il est hors de doute que sous peu d’années l’important problème de la conservation économique des vins par la chaleur sera résolu dans les conditions les plus variées de la pratique. Peut-on en dire autant des problèmes complexes que soulève l’étude des altérations du vin ? Nous n’oserions l’affirmer, car déjà un observateur ingénieux, M. Béchamp, annonce que des corpuscules animés, visibles au microscope, résistent au chauffage qui ne dépasse pas 55 à 65 degrés et concourent à l’amélioration du vin en provoquant une sorte de seconde fermentation qui succède à la fermentation alcoolique.


II

C’est ainsi que de toutes parts se révèle l’action des infiniment petits dans les phénomènes qui nous environnent, tantôt directement utiles à l’homme, qui doit dans ce cas en favoriser le développement, tantôt nuisibles, — à son point de vue, — et il doit alors s’efforcer d’en étouffer les germes. Si, comme on peut l’admettre, les très petits êtres animés, agglomérés avec leurs sécrétions organiques et minérales, constituent la masse entière des grands végétaux ; si, comme on est disposé à le croire aujourd’hui, un grand nombre d’affections morbides transmissibles au contact ou même à distance sont dues à d’imperceptibles microphytes ou microzoaires qui flottent dans l’air, on comprendra tout l’intérêt que peut offrir l’étude activement poursuivie de ces corpuscules inconnus des anciens et qu’à peine nous révèlent nos plus puissans microscopes.

Tout en ignorant les causes prochaines d’une foule de maladies, les anciens avaient deviné juste en les attribuant à l’influence de l’air. Hippocrate a dit : Plus œquo humectans, plus œquo resiccans, aer est omnium morborum causa. Sans aucun doute, l’air trop sec compromet la santé en enlevant une partie de l’eau qui est nécessaire pour entretenir la souplesse de nos tissus et les fonctions de nos organes ; l’excès d’humidité est plus nuisible encore, parce qu’elle entrave la respiration ; mais ce qu’on ne savait pas du temps d’Hippocrate, c’est que les mauvais effets coïncidant avec tel état de l’atmosphère sont très souvent dus au développement d’un monde d’êtres microscopiques. C’est l’étude approfondie de ces êtres qui très probablement nous mettra en état d’expliquer la plupart des maladies endémiques, épidémiques, infectieuses ou contagieuses. Quelques exemples feront mieux comprendre toute l’importance de ces recherches.

On admet généralement aujourd’hui que la teigne est produite par un favus, l’achorion, qui attaque les follicules pileux du cuir chevelu. Si elle exerçait autrefois tant de ravages, surtout parmi les enfans de la population misérable, c’est que, faute des soins hygiéniques qui entretiennent la transpiration, les sécrétions accumulées sur la peau offraient comme un terrain propre au développement de la végétation parasite, dont les spores propageaient le mal en se disséminant dans l’air. Depuis que les préceptes de l’hygiène sont mieux compris et plus généralement appliqués, la teigne a disparu, du moins sous sa forme endémique. On ne devrait jamais oublier que, dans tout ce qui intéresse la santé, les riches sont solidaires des pauvres, puisque le malaise de ces derniers finit toujours par réagir sur les premiers. C’est là un enseignement qui se dégage surtout de l’histoire des maladies contagieuses.

Toute une série d’affections analogues à la teigne sont attribuées avec beaucoup de vraisemblance à des champignons parasites tels que le microsporon, l’aspergillus, le trichophyton, etc. M. Wreden explique par la présence de deux espèces d’aspergillus une maladie de l’oreille très opiniâtre qui s’observe chez des personnes logées dans des chambres humides. Il en a constaté plusieurs cas dans un hospice où les murs étaient couverts de moisissures blanches. Le lavage des murs avec une solution d’hypochlorite de chaux et l’emploi du même liquide pour l’oreille ont fait disparaître la maladie. Le muguet, qui attaque la bouche des enfans en bas âge, est attribué par les médecins à un autre champignon, l’oïdium albicans. Les expériences de Klenke et de Wedl ont mis hors de doute que des microphytes d’une espèce particulière envahissent les dents et les détruisent lentement. Les résultats de ce genre feraient croire à la transmission de la plupart des maladies infectieuses par des êtres microscopiques animés, lors même que les meilleurs microscopes sont impuissans à en révéler l’organisation. C’est ainsi que, d’après M. Chauveau, les virus du vaccin et de la variole n’agissent que par les corpuscules, séparables au filtre, qui nagent dans le liquide, tandis que la solution filtrée n’exerce aucune action appréciable. D’après M. le docteur Lemaire, les ophthalmies et beaucoup d’autres affections qui se transmettent à distance dans les salles d’hôpital auraient également pour véhicules des spores ou séminules d’êtres microscopiques répandus dans l’air. On comprendrait ainsi l’aggravation de certaines maladies par l’encombrement des salles, puisque les miasmes vivans doivent se multiplier en raison du nombre des individus réunis dans la même chambre. Ainsi s’expliquerait encore l’efficacité des mesures qui ont pour but d’assurer à chaque malade la plus grande quantité possible d’air frais.

Le volume d’air qu’il est utile de renouveler dans les écoles, les hôpitaux, la cale des navires, dépend du nombre, de l’âge et de l’état de santé des individus réunis dans le même local. On peut calculer a priori la quantité d’air ordinaire qui serait strictement nécessaire à l’homme adulte, sain et isolé, s’il ne s’agissait que de transformer en acide carbonique et en eau la portion de sa nourriture que l’on appelle respiratoire, et qui entretient la chaleur du corps. On trouve ainsi que 4 mètres cubes par vingt-quatre heures suffiraient à la rigueur ; en admettant la nécessité de consommer seulement un sixième de l’oxygène disponible, afin de maintenir la respiration libre, on porterait cette quantité à 24 mètres cubes par jour, soit 1 mètre cube par heure ; mais l’on serait encore loin de compte. Les expériences faites avec l’appareil respiratoire de M. Galibert ont montré que l’air contenu dans un récipient de 70 litres était vicié au bout de dix minutes ; il s’ensuit que 500 litres (1/2 mètre cube) par heure ne suffisent point à la respiration d’un homme isolé ; il en faudrait probablement plus du double. Les individus réunis dans un même local ont besoin de quantités d’air beaucoup plus grandes encore. On avait d’abord fixé à 6 mètres cubes par heure et par tête le volume d’air qu’il fallait accorder aux écoles de 30 à 60 enfans, mais depuis l’on s’est vu dans la nécessité de doubler la proportion. Dans les amphithéâtres pouvant contenir de 300 à 600 auditeurs, la ventilation doit fournir par heure et par individu 23 mètres cubes d’air à la température de 20 degrés. Le grand amphithéâtre du Conservatoire des arts et métiers peut servir de modèle sous ce rapport. Dans une salle d’hôpital de 30 lits on accorde de 30 à 70 mètres cubes, selon les circonstances, de 80 à 100 dans une salle de blessés, enfin 150 mètres cubes par heure et par individu en cas d’épidémie ; encore est-il indispensable d’entretenir dans l’air une humidité proportionnée à la température. Trop souvent l’air pris au dehors par un temps froid se trouve relativement trop sec après avoir traversé un calorifère, et il faut alors lui restituer sa qualité hygroscopique normale par une addition de vapeur d’eau. Ce n’est pas sans un motif sérieux que la tradition recommande de placer un vase à demi plein d’eau sur le poêle qui sert à chauffer un appartement. On s’est aussi beaucoup occupé dans ces derniers temps du danger que présentent les poêles en fonte ; il semble démontré qu’ils donnent lieu à la production d’un gaz vénéneux, l’oxyde de carbone. Ces sortes de causes peuvent contribuer à rendre irrespirable l’air d’une chambre de malade, mais il est certain que la cause principale de l’insalubrité de cet air doit souvent être cherchée dans l’abondance des miasmes organisés auxquels l’atmosphère sert de véhicule.

C’est aussi par un transport de ce genre que l’on explique la propagation du typhus contagieux des bêtes à cornes, affection terrible qui tend à diminuer encore la production, déjà trop restreinte, de la viande de boucherie. Cette maladie, originaire des steppes de la Russie, accompagne, en les décimant, les troupeaux qui arrivent par la Hongrie pour se répandre en Prusse, en Hollande et dans la Grande-Bretagne ; elle n’aurait pas manqué d’exercer ses ravages aussi chez nous, si l’administration n’avait pris à temps les mesures les plus sévères pour en empêcher l’invasion. Le seul moyen efficace d’arrêter la contagion consiste à sacrifier immédiatement tous les animaux malades ou suspects qui passent la frontière, sauf à indemniser ensuite les propriétaires de ces bêtes ; on n’hésita pas à l’employer. Une commission centrale, composée de MM. Claude Bernard, Tardieu, Magne et Mélier, fut chargée de surveiller l’exécution des mesures de sûreté ; plusieurs médecins vétérinaires furent envoyés à l’ëtranger afin d’étudier la maladie sur place : M. Bouley en Angleterre, M. Lecoq en Hollande, MM. Reynal, Bouley, Imlin en Allemagne. MM. Leblanc père et Pommeret eurent pour mission d’examiner les animaux suspects dans le département du Nord et d’en ordonner l’abatage s’il y avait lieu. Grâce à ces précautions, la France a été préservée du typhus.

Si nous en croyons le docteur Salisbury, les spores de certaines algues d’eau douce donnent la fièvre intermittente, elles assertions de ce médecin sont confirmées par le botaniste Ch. Morren et par le docteur Hannon. Il est assez probable que les émanations malsaines des eaux stagnantes, ces terribles miasmes qui rendent si dangereux le séjour dans les contrées paludéennes, ne sont autre chose que des germes de cryptogames qui infectent l’eau et l’atmosphère. Dans les maremmes de l’Italie, les fièvres paludéennes font chaque année plus de 60,000 victimes, et les deux tiers des Européens qui meurent sous les tropiques succombent à des maladies causées par les miasmes pestilentiels des marais. Les mauvais génies qui habitent ces lieux maudits et qui semblent en défendre l’accès, la science les a dévoilés : ce sont des myriades de végétaux imperceptibles qui envahissent nos organes, qui s’y développent à nos dépens, et contre lesquels nous n’avons pas d’armes. Dessécher les marais, c’est donc forcer l’ennemi dans ses retranchemens, et c’est rendre la vie à des populations dégénérées, épuisées par une lutte sans issue possible.

D’après les importantes recherches de M. Ernest Hallier, publiées en 1867, le choléra asiatique serait lui-même au nombre des maladies endémiques causées par des végétaux rudimentaires : il serait dû à un champignon microscopique qui envahit le riz. Robert Tytler, qui se trouvait dans l’Inde en 1817, à l’époque de la grande épidémie de choléra, chercha en effet l’origine de la maladie dans l’usage du riz gâté. M. Hallier, ayant arrosé avec des déjections de cholériques du riz qui germait, y a vu se développer un champignon particulier dont les filamens brillans pénétraient dans la plante. De son côté, le docteur Thomé est parvenu à constater dans les déjections des malades la présence de sporules d’une ténuité extrême (1 millième de millimètre), doués de mouvemens propres et susceptibles de produire un mycélium et l’organisme complet d’un champignon qui se rapproche de l’oïdium ; on en a fait une nouvelle espèce sous le nom de cylindrotœnium. Aucun agent n’a pu jusqu’ici tuer ce champignon dans l’intérieur des organes, il faut se borner à l’évacuer par les moyens ordinaires ; mais il y aurait un grand intérêt sans doute à en détruire la vitalité dans les déjections par une température de 100 degrés ; un jet de vapeur d’eau y suffirait, et l’on ferait cesser ainsi une des causes présumées de la propagation de la terrible maladie indienne. Si ce n’est pas là une simple coïncidence, on ne pourra refuser d’admettre le nouveau champignon microscopique au nombre des plus nuisibles cryptogames parasites.

Plus récemment encore, M. Hallier a reconnu que les variétés de ces microphytes peuvent procéder les unes des autres et dépendre à la fois de la spore et des matières sur lesquelles elle se développe. C’est ainsi que le type penicillium peut revêtir les formes micrococcus, cryptococcus, leptotrix, oïdium, M. Wieger, en se basant sur les recherches expérimentales d’un grand nombre d’observateurs, admet que les sporules minimes ou punctiformes détruisent l’épithélium intestinal et peuvent envahir l’organisme entier : elles se trouveraient dans l’air et dans l’eau des foyers d’infection cholérique. Il resterait toutefois à constater que les variétés de microphytes originaires de détritus cholériques, ainsi développées par une sorte de culture et transportées dans un organisme vivant, y reproduiraient les cystes et les sporules des micrococcus en donnant lieu aux symptômes cholériques ; jusque-là les démonstrations demeureront incomplètes. Les progrès incessans de la micrographie aboutiront peut-être un jour à mettre hors de doute cette omniprésence des végétaux rudimentaires, et le rôle décisif qu’ils paraissent jouer dans la production des maladies endémiques. Cette vérité, à peine entrevue aujourd’hui, conduirait alors à des conséquences d’une incalculable portée, car elle permettrait d’établir sur la connaissance intime des maladies un système de médication rationnel et efficace. C’est l’espoir d’un succès de ce genre qui porte à cette heure tous les praticiens vers l’étude des substances auxquelles on a reconnu la propriété de tuer les germes organisés.


III

On connaît aujourd’hui un assez grand nombre de désinfectans et d’agens antiseptiques. Un des désinfectans les plus employés est le chlore, en diverses combinaisons. Il agit chimiquement sur les produits infects des fermentations putrides, et notamment sur l’acide sulfhydrique, qu’il décompose et dont il fait ainsi disparaître l’odeur nauséabonde. Le mode d’action dès antiseptiques proprement dits est fort différent : ils préviennent les fermentations en tuant les êtres qui en sont la cause. Tel est l’acide nitreux ou hypoazotique. A l’époque de la dernière invasion du choléra, on en a fait dans nos hôpitaux une heureuse application en vue de détruire les germes organiques répandus dans l’air des salles ou déposés sur les parois. Dès qu’une salle était évacuée par les malades (qu’à dessein on ne remplaçait pas), indépendamment du lavage des linges à l’eau phéniquée ou chlorurée, on s’empressait d’assainir la surface des murs par un dégagement de gaz acide hypoazotique que l’on obtenait instantanément en versant dans de grandes terrines de l’acide nitrique ordinaire sur des tournures de cuivre. Le métal aussitôt attaqué par l’acide donnait lieu à la production d’abondantes vapeurs rutilantes qui, pénétrant partout, dans les recoins et dans les moindres fissures, ne pouvaient manquer de faire périr les microphytes et microzoaires avec leurs germes. Un remarquable avantage de l’emploi de cet agent chimique réside dans la propriété qu’il a de se régénérer lui-même ; dès que, par sa réaction oxydante, il a perdu une partie de son oxygène, il en emprunte à l’air ambiant et se reconstitue sous sa forme première. Il va sans dire qu’au moment où cette fumigation meurtrière commence il ne doit rester personne dans la salle. Les portes demeurent closes pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, après quoi une active ventilation chasse les gaz délétères et fait rentrer l’air respirable.

Les marins, qui se trouvent comme emprisonnés dans leurs navires pendant les voyages de long cours, sont plus particulièrement exposés aux fatales influences des agens septiques de toute espèce. Les êtres microscopiques qui excitent les fermentations s’accumulent dans la cale avec les produits de leurs réactions multiples, et, lorsqu’au retour d’un voyage on veut faire nettoyer et assainir ces foyers d’infection, de sérieuses difficultés se présentent. Les fumigations de chlore, les lavages avec des solutions d’hypochlorites alcalins, sont à peine d’une efficacité momentanée ; le bois imprégné de matières putrescibles n’est pas désinfecté à si peu de frais. Un seul moyen paraît avoir réussi dans ces derniers temps, c’est le feu.

Depuis longtemps déjà l’amirauté anglaise s’était préoccupée des moyens d’assainir la cale des vaisseaux arrivant des Indes et des autres contrées lointaines. Elle avait constaté les bons effets que l’on obtenait, sous ce rapport, de la torréfaction superficielle des boiseries, et l’on comprend aisément qu’une température qui dépasse 200 degrés doit suffire à la destruction des fermens organisés, en supposant même qu’ils aient pénétré dans les premières couches du tissu ligneux. Le bois d’ailleurs donne lieu, dans ces circonstances, à la production de l’acide acétique goudronneux (acide pyroligneux ou vinaigre brut de bois), un des plus énergiques agens antiseptiques que l’on connaisse. Toutefois le procédé mis en usage pour obtenir ces utiles résultats était incommode et dangereux ; il consistait à faire flamber des copeaux et de menus éclats de bois successivement sur toute la superficie de la cale ; la difficulté, d’activer et de régulariser la torréfaction par ce combustible léger exposait à des dangers d’incendie, en sorte que l’application de ce procédé se trouva limitée au grand vaisseau de la marine royale qui avait servi à l’expérience. Les choses en étaient là lorsqu’un ingénieur français, M. de Lapparent, inspecteur-général des constructions navales, imagina une méthode générale de conservation du bois par la torréfaction à l’aide de la flamme du gaz d’éclairage. Le flambage et l’assainissement de la cale des navires en particulier devinrent dès lors d’une application facile et régulière. Il suffit en effet de disposer sur le pont ou sur le quai voisin deux gazomètres remplis l’un de gaz et l’autre d’air comprimés ; deux tubes flexibles en caoutchouc vulcanisé amènent ensemble au bec du chalumeau inventé par M. Desbassayns les deux gaz, dont on règle à volonté le courant à l’aide de robinets. En enflammant le mélange gazeux, on produit un dard de flamme que l’on promène lentement sur la surface à carboniser, après avoir, comme à l’ordinaire, nettoyé le bois par des aspersions d’eau plusieurs fois répétées.

On peut de la même manière et sans plus de difficulté flamber la surface extérieure des vaisseaux, avant de la recouvrir des armatures en fer qui doivent protéger les navires cuirassés. Depuis plusieurs années cette méthode ingénieuse de flambage des bois a été adoptée par l’administration de la marine impériale ; elle est appliquée dans nos ports et permet d’assainir promptement la cale des bâtimens de l’état au retour de grands voyages ou d’excursions répétées. On se sert encore du même procédé pour donner plus de durée aux traverses des chemins de fer et aux poteaux télégraphiques ; il est même, dans ce cas, d’une application plus économique par l’emploi d’un fourneau mobile où la combustion soit du coke, soit des houilles sèches, est activée par une forte insufflation d’air et par l’injection d’un très léger filet d’eau. Cet appareil est de l’invention de M. Hugon, l’habile directeur de l’usine à gaz portatif de Paris.

Nous venons de voir que parmi les produits goudronneux de la torréfaction du bois il se rencontre un agent antiseptique très remarquable. Divers produits dérivés du goudron de la houille[8] ont des propriétés analogues, et cela s’explique assez naturellement si l’on se rappelle que les houilles tirent leur origine de plantes enfouies depuis des milliers de siècles, de sorte que toutes les matières goudronneuses viennent d’une source commune. Le mode d’action de ces substances diffère de celui des composés chlorés en ce qu’elles ne détruisent ni ne transforment, comme ces derniers, les produits infects des fermentations spéciales ; elles se bornent à faire périr les fermens et à empêcher ainsi les fermentations, si elles sont employées en temps utile.

Le plus énergique des antiseptiques est l’acide phénique. Il a été extrait du goudron de houille pour la première fois par Runge, en 1834. Un éminent chimiste français, Laurent, que la mort a enlevé prématurément à la science, a plus tard étudié les propriétés chimiques de cette substance, qui a été successivement désignée sous une foule de noms plus ou moins appropriés : on l’a tour à tour appelée phénol, alcool phénique, hydrate de phényle, acide carbolique, spyrol, salicone et acide phénique ; cette dernière dénomination a prévalu. L’acide phénique est incolore et cristallisable, il brûle avec une flamme fuligineuse ; l’eau peut dissoudre jusqu’à un vingtième de son poids de l’acide pur, l’alcool le dissout en toutes proportions. C’est à cet acide que le goudron de houille doit en grande partie ses vertus antiseptiques bien connues.

Quoiqu’il n’ait qu’une acidité très faible, l’acide phénique à l’état pur exerce sur nos tissus une action corrosive spéciale et assez forte pour qu’on se soit cru autorisé à en faire usage pour la cautérisation des piqûres d’insectes et des morsures de reptiles qui introduisent dans l’économie animale des virus dangereux. Sur ce point les observations ne sont pas encore aussi nombreuses qu’on pourrait le désirer. C’est surtout comme moyen préservatif que l’acide phénique a été employé avec succès, car il détruit sûrement les végétaux rudimentaires et les animalcules microscopiques qui propagent les maladies infectieuses, et dont la présence est la principale cause de l’insalubrité de certains locaux. On l’emploie généralement à l’état de solution d’un demi à un centième dans l’eau. M. Lemaire conseille l’usage de l’eau phéniquée au millième comme boisson dans les temps d’épidémie et, dans les contrées marécageuses, soit pure, soit mélangée avec d’autres boissons. Des aspersions de vinaigre phénique servent à désinfecter l’air des salles de chirurgie. Les solutions aqueuses d’acide phénique au vingtième s’emploient dans le pansement des plaies de mauvaise nature. Le docteur Lemaire a mis à profit les vapeurs de cet acide pour détruire les germes ou spores qui flottent dans l’air autour des malades et qui transmettent à distance certaines maladies infectieuses. L’art vétérinaire tirera également un grand parti de ces préparations. Pour tuer l’acarus de la gale des moutons, il suffit de les faire tondre et de les plonger pendant quelques minutes dans l’eau phéniquée au centième. M. Calvert, savant chimiste manufacturier, assure qu’en Angleterre on a guéri du piétin des troupeaux entiers en forçant tous les moutons à passer dans un chenal en pierre rempli d’une émulsion savonneuse d’acide phénique.

Quelques autres exemples donneront une idée des services que le même produit du goudron peut rendre au commerce international et à l’industrie manufacturière. Non-seulement il paraît être le principe actif, essentiel, de la conservation du bois par injection des huiles lourdes du goudron (procédés Bréant et Béthel), mais encore il le préserve de l’attaque des tarets. Ces dangereux mollusques perforent le bois et le criblent de trous et de galeries ; ils détruisent ainsi les pilotis, les charpentes de la marine et les vaisseaux, sans que rien trahisse à l’extérieur la présence de ces invisibles mineurs. Une autre application de l’acide phénique consiste dans la préservation des peaux sèches ou salées qui s’exportent de Buenos-Ayres, de Montevideo et de l’Australie. On sait que ces peaux sont fournies par les bœufs, qui vivent dans ces contrées à l’état sauvage ou parqués dans d’immenses prairies, et qu’elles donnent lieu à un commerce considérable avec la France et l’Angleterre. Préparées à l’aide de manipulations dispendieuses, elles n’étaient pas toujours à l’abri des altérations spontanées que les matières animales subissent si promptement sous l’influence des climats chauds ; aujourd’hui on prévient ces causes de dépréciation par une immersion dans l’eau phéniquée (aux 2 centièmes) qui a lieu au moment même du dépeçage, ou mieux encore par une immersion dans l’eau de chaux ; la dessiccation s’effectue alors sans inconvénient. Le même traitement s’applique aux os, qui naguère encore ne pouvaient être employés que comme engrais, parce qu’ils se détérioraient rapidement. Grâce à l’eau phéniquée, ils arrivent en Europe dans un état parfait et peuvent servir aux usages de la tabletterie, qui les substitue à l’ivoire pour les objets de bas prix. Il est probable que les intestins des moutons, s’ils étaient préparés de la même manière dans les pays en question, pourraient être expédiés à nos fabricans de cordes harmoniques et trouveraient en France des débouchés faciles, qui s’accroissent d’ailleurs de jour en jour à mesure que le goût de la musique se développe chez nous. Déjà, en Angleterre, l’acide phénique est employé pour prévenir la putréfaction nauséabonde des matières organiques dans les boyauderies. On apprécie également, dans les fabriques de tissus, de toiles peintes et dans les teintureries de la Grande-Bretagne, l’utilité de l’acide phénique pour préserver de toute altération la gélatine dissoute et l’albumine hydratée, destinées au parement de la chaîne des étoffes et aux impressions des couleurs. Aussi fait-on un continuel usage de cet agent antiseptique dans les manufactures anglaises.

Le lecteur qui a bien voulu nous suivre jusqu’ici a pu constater avec nous que l’importance du rôle qu’on accorde aux végétaux parasites dans les phénomènes morbides tend à grandir de jour en jour. Destructeurs de ce qui vit, ils préparent les voies aux générations futures et activent les transformations incessantes par lesquelles la matière s’organise et se désorganise tour à tour. On les voit apparaître dans une foule de maladies, dans beaucoup d’autres leur présence est au moins soupçonnée ; leurs spores, transportées par les vents, pénètrent partout et s’attachent atout ce qui doit périr, pour accélérer la dissolution. Dangereux pour la santé, préjudiciables à une foule d’industries, ces végétaux cryptogamiques sont comme un monde d’invisibles ennemis contre lesquels on peut à peine se défendre. C’est beaucoup cependant de savoir qui nous attaque, et déjà cette connaissance des habitudes de l’ennemi nous a permis de le combattre efficacement dans plus d’un cas. Les agens antiseptiques dont l’étude est commencée par un grand nombre de savans praticiens sont probablement appelés à rendre d’immenses services, non-seulement au point de vue sanitaire, mais encore sur le terrain de l’industrie. L’acide phénique notamment, et en général les dérivés du goudron de houille, paraissent être doués d’une action spéciale qui en a fait multiplier les applications, et qui les fait apprécier chaque jour davantage. La chaleur, qui tue les germes des microphytes et des microzoaires, produit également de bons résultats ; appliquée à la conservation des vins, elle assure l’avenir de l’industrie viticole ; employée à l’assainissement des navires par le flambage, elle rend les plus grands services à l’hygiène navale. Dans plusieurs cas, l’étude des champignons microscopiques a même conduit à des applications directes d’une certaine utilité, parmi lesquelles nous avons cité la préparation de l’ergotine, que fournit le parasite, du seigle. Le peu que nous savons jusqu’ici des végétaux cryptogames ouvre ainsi de vastes horizons à la science médicale et à plus d’une industrie, et il semble que l’importance de ces êtres singuliers augmente en raison inverse de leur taille.


PAYEN.

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1869, l’étude sur les Cryptogames utiles.
  2. Souvent deux ordres de fermens se succèdent pour achever la dissolution des débris organiques. Tant qu’il se dégage des produits alcooliques ou acides, les microphytes seuls sont à l’œuvre ; mais, dès que la fermentation devient putride ou ammoniacale, ce sont les microzoaires (monades, vibrions, bactériums) qui les remplacent.
  3. Voyez une intéressante notice du docteur Montagne Sur la rubéfaction des eaux, communiquée à la Société philomathique.
  4. Le bolet, assez volumineux, que l’on considère comme la fructification de ce champignon (le xylostroma), renferme parfois jusqu’à un tiers de son poids de substance résineuse.
  5. Dénomination assez mal choisie, car elle indiquerait un principe immédiat, tandis qu’il ne s’agit ici que d’un extrait aqueux dont le principe n’a pas encore été isolé.
  6. Quatrième édition, 1831, p. 131.
  7. Voyez sur ce sujet la Revue du 1er décembre 1866.
  8. Les principaux produits tirés du goudron de houille (coal-tar) peuvent être rangés dans trois séries comprenant 19 hydrocarbures ou carbures d’hydrogène neutres, 10 composés alcalins et 2 acides. Dans la première série se rencontre la benzine, que l’on utilise pour dissoudre et enlever les taches de matières grasses, pour fabriquer, en dissolvant ou gonflant le caoutchouc, les étoffes imperméables et pour préparer l’aniline. Dans la deuxième série se trouve l’aniline, la base des couleurs les plus brillantes que l’on connaisse, moins solides, il est vrai, que l’indigo, la garance et la cochenille. La troisième série renferme la créosote et l’acide phénique, avec lequel on prépare aussi de brillantes couleurs et qui constitue l’agent antiseptique le plus riche d’avenir.