Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte propitiatoire à l’Inconscient

Les Complaintes (Mercure de France 1922)
Les ComplaintesMercure de FranceI. Poésies (p. 67-68).


COMPLAINTE PROPITIATOIRE
À L’INCONSCIENT


Aditi.


Ô Loi, qui êtes parce que vous Êtes,
Que votre Nom soit la Retraite !

— Elles ! ramper vers elles d’adoration ?
Ou que sur leur misère humaine je me vautre ?
Elle m’aime, infiniment ! Non, d’occasion !
Si non moi, ce serait infiniment un autre !

Que votre inconsciente Volonté
Soit faite dans l’Éternité !

— Dans l’orgue qui par déchirements se châtie.
Croupir, des étés, sous les vitraux, en langueur ;
Mourir d’un attouchement de l’Eucharistie,
S’entrer un crucifix maigre et nu dans le cœur ?


Que de votre communion nous vienne
Notre sagesse quotidienne !

— Ô croisés de mon sang ! transporter les cités !
Bénir la Pâque universelle, sans salaires !
Mourir sur la Montagne, et que l’Humanité,
Aux âges d’or sans fin, me porte en scapulaires !

Pardonnez-nous nos offenses, nos cris,
Comme étant d’à jamais écrits !

— Crucifier l’infini dans des toiles comme
Un mouchoir, et qu’on dise : « Oh ! l’Idéal s’est tu ! »
Formuler Tout ! En fugues sans fin dire l’Homme !
Être l’âme des arts à zones que veux-tu !

Non, rien ; délivrez-nous de la Pensée,
Lèpre originelle, ivresse insensée,

Radeau du Mal et de l’Exil ;
Ainsi soit-il.