Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte de l’Époux outragé

Les Complaintes (Mercure de France 1922)
Les ComplaintesMercure de FranceI. Poésies (p. 171-173).


COMPLAINTE
DE L’ÉPOUX OUTRAGÉ


Sur l’air populaire :
« Qu’allais-tu faire à la fontaine ? »


— Qu’alliez-vous faire à la Mad’leine,
Corbleu, ma moitié,
— Qu’alliez-vous faire à la Mad’leine ?

— J’allais prier pour qu’un fils nous vienne,
Mon Dieu, mon ami ;
J’allais prier pour qu’un fils nous vienne.

— Vous vous teniez dans un coin, debout,
Corbleu, ma moitié !
Vous vous teniez dans un coin debout.


— Pas d’chaise économis’ trois sous,
Mon Dieu, mon ami ;
Pas d’chaise économis’ trois sous.

— D’un officier, j’ai vu la tournure,
Corbleu, ma moitié !
D’un officier, j’ai vu la tournure.

— C’était ce Christ grandeur nature,
Mon Dieu, mon ami ;
C’était ce Christ grandeur nature.

— Les Christs n’ont pas la croix d’honneur,
Corbleu, ma moitié !
Les Christs n’ont pas la croix d’honneur.

— C’était la plaie du Calvaire, au cœur,
Mon Dieu, mon ami ;
C’était la plaie du calvaire au cœur.

— Les Christs n’ont qu’au flanc seul la plaie,
Corbleu, ma moitié !
Les Christs n’ont qu’au flanc seul la plaie !


— C’était une goutte envolée,
Mon Dieu, mon ami ;
C’était une goutte envolée.

— Aux Crucifix on n’parl’ jamais,
Corbleu, ma moitié !
Aux Crucifix on n’ parl’ jamais ?

— C’était du trop d’amour qu’ j’avais,
Mon Dieu, mon ami,
C’était du trop d’amour qu’ j’avais !

Et moi j’ te brûl’rai la cervelle,
Corbleu, ma moitié,
Et moi j’ te brûl’rai la cervelle !

— Lui, il aura mon âme immortelle,
Mon Dieu, mon ami,
Lui, il aura mon âme immortelle !