Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CXCVIII

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 498-499).

CHAPITRE CXCVIII.


Comment le roi d’Angleterre et le comte de Flandres, qui étoient à Douvres pour traiter du mariage de leurs enfans, furent grandement réjouis de la déconfiture d’Auray.


Il est bien vérité que un mariage entre monseigneur Aymon comte de Cantebruge, fils au dit roi d’Angleterre, et la fille du comte Louis de Flandre, avoit été traité et pourparlé trois ans en devant ; auquel mariage le comte de Flandre étoit nouvellement assenti et accordé, mais que le pape Urbain Ve les voulsist dispenser ; car ils étoient moult prochains de lignage. Et en avoient été le duc de Lancastre et messire Aymon son frère et grand’foison de barons et de chevaliers en Flandre, devers le dit comte Louis qui les avoit reçus moult honorablement ; et pour plus grand’conjonction de paix et d’amour, le dit comte de Flandre étoit venu avecques eux à Calais ; et passa la mer et vint à Douvres où le roi, et une partie de ceux de son conseil qui là se tenoient, le reçurent. Et encore étoient là quand le dessus dit varlet et message en ce cas apporta les nouvelles de la besogne d’Auray, ainsi comme elle avoit été. De laquelle avenue le roi d’Angleterre et les barons qui là étoient furent moult bien réjouis, et aussi fut le comte de Flandre, pour l’amour, honneur et avancement de son cousin germain le comte de Montfort. Si furent le roi d’Angleterre, le comte de Flandre et îes seigneurs dessus nommés environ trois jours à Douvres, en fêtes et en ébattemens ; et quand ils eurent assez révélé et joué et fait ce pourquoi ils étoient là assemblés, le comte de Flandre prit congé au roi d’Angleterre et se partit. Si me semble que le duc de Lancastre et messire Aymon repassèrent la mer avecques le comte de Flandre, et lui tinrent toujours compagnie jusques à tant qu’il fût venu à Bruges. Nous nous souffrirons à parler de cette matière et parlerons du comte de Montfort, comment il persévéra en Bretagne.