Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CLII

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 458-459).

CHAPITRE CLII.


Comment les pilleurs du royaume de France s’avisèrent qu’ils iroient après leurs compagnons qui avoient déconfit messire Jacques de Bourbon.


Encore avoit adonc en France grand’foison de pilleurs anglois et gascons et allemands qui vouloient, ce disoient-ils, vivre ; et y tenoient des forteresses et des garnisons : combien que les commis de par le roi d’Angleterre leur eussent commandé de vider et partir, ils n’avoient pas tous obéi, dont moult déplaisoit au roi de France et à son conseil. Mais quand les plusieurs de ces pilleurs, qui se tenoient en divers lieux au royaume de France, entendirent que leurs compagnons avoient rué jus mon seigneur Jacques de Bourbon et bien deux mille chevaliers et écuyers, et pris maints bons et riches prisonniers, et de rechef pris et conquis la ville du Pont-Saint-Esprit et si grand avoir dedans que sans nombre, et espéroient encore qu’ils conquerroient Avignon, où ils mettroient à merci le pape et les cardinaux, et tout le pays de Provence, chacun eut en propos d’aller celle part, en convoitise de plus mal faire et plus gagner. Ce fut la cause pourquoi plusieurs pilleurs et guerroyeurs laissèrent leurs forts et s’en allèrent devers leurs compagnons, en espérance de plus piller.