Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCLVII

Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 556-557).

CHAPITRE CCLVII.


Ci s’ensuit la forme de la lettre sur laquelle le roi de France plus se fonda de faire guerre au roi d’Angleterre et au prince de Galles.


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Sachent tous : que en l’accord et paix finale faite entre notre très cher frère le roi de France sont contenus deux articles contenant la forme qui s’ensuit. Item ; que les dessus dits seront tenus de faire confirmer toutes les choses dessus dites par notre saint père le pape, et seront vallées par serment, sentences, et censures de cour de Rome, et tous autres liens, en la plus forte manière que faire se pourra, et seront impétrées dispensations et absolutions et lettres de la dite cour de Rome touchant la perfection et accomplissement de ce présent traité ; et seront baillées aux parties au plus tard dedans trois semaines après ce que le roi de France sera arrivé à Calais.

Item ; afin que les choses dessus dites traitées et parlées soient plus fermes et stables et valables, seront faites et données les fermetés qui s’ensuivent ; c’est à savoir, lettres scellées des sceaux des rois et des ains-nés fils d’eux, les meilleures qui pourront être faites et ordonnées par le conseil des dits rois : et jureront les dits rois et leurs ains-nés fils et autres enfans, et aussi les autres des lignages des dits seigneurs et autres grands des royaumes, jusques au nombre de vingt, de chacune partie, qu’ils tiendront et aideront à tenir, pour tant comme à chacun d’eux touche, les dites choses traitées et accordées, et accompliront sans jamais venir au contraire, sans fraude et sans mal engin, et sans faire nul empêchement ; et si il avoit aucun du royaume de France ou du royaume d’Angleterre qui fussent rebelles, ou ne voulussent accorder les choses dessus dites, les deux rois ensemble feront tout leur pouvoir de corps, de biens et d’amis, de mettre les dits rebelles en obéissance, selon la forme et teneur du dit traité. Et avec ce se soumettront les deux rois et leurs hoirs et royaumes à la cohercion de notre saint père le pape, afin qu’il puisse contraindre par sentences, censures d’église et autres voies dues, celui qui sera rebelle, selon ce qu’il sera de raison. Et parmi les fermetés et sûretés dessus dites, renonceront les deux rois, pour eux et leurs hoirs, par foi et serment, à toutes guerres et procès de fait. Et si par désobéissance, rébellion ou puissance d’aucuns sujets du royaume de France, le roi de France ou ses hoirs ne pouvoient accomplir toutes les choses dessus dites, le roi d’Angleterre, ses hoirs, ni son royaume, ou aucuns pour eux, ne feront ou devront faire guerre contre le roi de France, ses hoirs, ni son royaume ; mais tous ensemble s’efforceront de mettre les dits rebelles en obéissance, et d’accomplir les choses dessus dites. Et aussi si aucuns du royaume et obéissans du roi d’Angleterre ne vouloient rendre les châteaux, villes ou forteresses qu’ils tiennent au royaume de France, et obéir au traité dessus dit, ou par juste cause ne pourrait accomplir ce qu’il doit faire par ce présent traité, le roi de France ni ses hoirs ou aucuns pour eux ne feront point de guerre au roi d’Angleterre ni à son royaume, mais les deux rois feront leur pouvoir de recouvrer les châteaux, villes et forteresses dessus dites, et que toute obéissance et accomplissement soient faits aux traités dessus dits. Et seront aussi faites et données d’une partie et d’autre, selon la nature du fait, toutes manières de fermetés et sûretés que on pourra et saura l’en deviser, tant par le pape et le collège de la cour de Rome, comme autrement, pour tenir et garder perpétuellement la paix et toutes les choses pardessus accordées. Et nous, désirant avoir et nourrir perpétuelle paix entre nous et notre dit frère et le royaume de France, avons renoncé et par ces présentes renonçons à toutes guerres et autres procès de fait contre notre dit frère, ses hoirs et successeurs, et le royaume de France et ses sujets, et promettons et jurons, et juré avons, sur le corps Jésus-Christ pour nous, nos hoirs et successeurs, que nous ne ferons, ni viendrons, ni faire venir souffrirons par fait ou par parole contre cette présente renonciation et contre aucune des choses contenues ès dessus dits articles. Et si nous faisons ou souffrons être fait le contraire par quelconque manière, ce que Dieu ne veuille, nous voulons être tenu et réputé pour faux, mauvais et parjure, et encourre tel blâme et diffame comme roi sacré doit encourre en tel cas. Et renonçons à impétrer toutes dispensations et absolutions du pape ou d’autres contre le dit serment, et si impétrée étoit, nous voulons qu’elle soit nulle et de nulle valeur, et que nous ne nous en puissions aider en aucune manière ; et pour tenir plus fermement les choses dessus dites, soumettons nous, nos hors et successeurs à la juridiction et cohercion de l’église de Rome, et voulons et conservons que notre saint père le pape confirme toutes ces choses en donnant monitions et mandemens généraux d’icelles contre nous, nos hoirs et successeurs, et contre nos sujets, soient communes, universités, colléges, ou personnes singulières quelconques, et en donnant sentences généraux d’excommuniement, de suspension ou d’interdit, pour être encourus pour nous ou pour eux, sitôt comme nous ou eux ferons ou attempterons le contraire, en occupant villes, forteresses, ou châteaux, ou autres choses quelconques faisant, ratifiant ou agréant, ou en donnant conseil, confort, faveur, ni aide celéement ou en appert contre les choses dessus dites. Et avons fait semblablement par notre très cher et ains-né fils Édouard, prince de Galles, jurer les dites choses, et par nos fils puis-nés, Lyonnel, comte d’Ulnestre, et Jean, comte de Richemont[1], et Aymon de Langley, et nos très chers cousins messire Philippe de Navarre, et les ducs de Lancastre et de Bretagne, les comtes de Stafford et de Sallebery, le sire de Mauny, Gui de Brianne, Regnault de Gobehen, le captal de Buch, le seigneur de Montferrant, James d’Audley, Roger de Beauchamp, Jean Chandos, Raoul de Ferriers, Édouard le Despensier, Thomas et Guillaume de Felleton, Eustache d’Aubrecicourt, Franque de Halle, Jean de Moutbray, Barthélémy de Bruhes, Henry de Persy, Nichole de Tambourne, Richard de Stafford, Guillaume de Grandeson, Raoul Speingreniel, Gastonnet de Grailli et Guillaume de Bourtonne, chevaliers, et ferons aussi jurer semblablement, au plus tôt que nous pourrons bonnement, nos autres enfans et la plus grand’partie des prélats des églises, comtes, barons et autres nobles de notre royaume. En témoin de laquelle chose nous avons fait mettre notre scel à ces présentes. Données en notre ville de Calais l’an de grâce 1360, le vingt quatrième jour du mois de octobre.

  1. Edmond Langley, comte de Cambridge, fils d’Édouard III.