Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre LXXXII

Livre I. — Partie I. [1339]

CHAPITRE LXXXII.


Comment le roi d’Angleterre se partit de Haspre et s’en vint mettre le siége devant Cambray ; et comment le duc de Brabant y vint.


Quand le roi d’Angleterre eut été deux jours à Haspre et que jà moult de ses gens étoient passés et venus à Nave et là environ, il s’en partit et s’envint devers Cambray, et se logea à Yvuis, et assiégea la cité de Cambray de tous points ; et toujours lui croissoient gens. Là lui vint le jeune comte de Hainaut à très grand arroy, et messire Jean de Hainaut son oncle ; et se logèrent assez près du roi ; après, le duc de Guerles et ses gens, le marquis de Juliers et sa route, le marquis de Brankebourch et ses gens, le marquis de Mise et d’Eurient, le comte de Mons, le comte de Saumes, le sire de Fauquemont, messire Arnoul de Blakehen, et ainsi tous les autres ; et toujours leur croissoient gens.

Au sixième jour que le roi anglois et tous ces seigneurs se furent logés devant Cambray, vint le duc de Brabant en l’ost, moult étoffément et en grand arroy ; et avoit bien neuf cents lances, sans les autres armures de fer, dont il y avoit grand’foison, et se logea devers Ostrevant sur l’Escaut ; et fit-on un pont sur la rivière pour aller de l’un ost à l’autre.

Lorsque le duc de Brabant fut venu, il envoya défier le roi de France qui se tenoit à Compiègne, de quoi messire Louis de Cranehen, qui toujours l’avoit excusé, en fut si confus qu’il en mourut de deuil, dont ce fut dommage pour ses amis. Ce siége durant devant Cambray, il y eut plusieurs assauts, escarmouches et paletis[1]. Et chevauchoient, par usage, messire Jean de Hainaut et le sire de Fauquemont ensemble, dont ils ardirent et foulèrent durement le pays de Cambrésis ; et vinrent ces seigneurs, à leurs routes où il avoit bien cinq cents lances et mille autres combattans, un jour, devant le châtel d’Oisy en Cambrésis, et y livrèrent un très grand assaut ; et si ne fussent les chevaliers et écuyers qui dedans étoient, ils l’eussent pris par force : mais si bien le défendirent ceux qui dedans étoient, de par le seigneur de Coucy, qu’ils n’y eurent point de dommage ; et retournèrent les dessusdits seigneurs et leurs routes en leurs logis.

  1. Combats, surtout ceux qui se donnaient aux palissades de villes.