Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXXVI

Livre I. — Partie I. [1340]

CHAPITRE CXXVI.


Comment le roi Philippe envoya très notable chevalerie en la cité de Tournay pour la garder et garnir de pourvéances, pour ce que le roi anglois la devoit assiéger.


Or sçut le roi Philippe, assez tôt après le département de ces seigneurs qui à Vilvort avoient été, la plus grand’partie de l’ordonnance de ce parlement, et tout l’état et comment le roi anglois devoit venir assiéger la cité de Tournay. Si s’avisa qu’il la conforteroit tellement et y envoieroit si bonne chevalerie que la cité seroit toute sûre et bien conseillée. Si y envoya droitement fleur de chevalerie, le comte Raoul d’Eu, connétable de France, et le jeune comte de Ghines son fils, le comte de Foix et ses frères, le comte Aymeri de Narbonne, messire Aymart de Poitiers, messire Geoffroy de Chargny, messire Girard de Montfaucon, ses deux maréchaux messire Robert Bertrand et messire Mathieu de Trie, le seigneur de Cayeux, le sénéchal de Poitou, le seigneur de Chastillon et messire Jean de Landas. Cils avoient avec eux chevaliers et écuyers preux en armes et très bonnes gens. Si leur pria le dit roi chèrement qu’ils voulsissent si bien penser et soigner de Tournay que nul dommage ne s’en prît, et ils lui enconvenancèrent.

Adonc se partirent-ils d’Arras et du roi de France, et chevauchèrent tant par leurs journées, qu’ils vinrent à Tournay. Si y trouvèrent messire Godemar du Fay, qui par avant y avoit été envoyé, qui les reçut liement ; et aussi firent tous les hommes de la ville. Assez tôt après qu’ils furent venus, ils regardèrent et firent regarder aux pourvéances de la cité, tant en vivres comme en artillerie, et en ordonnèrent bien et à point, selon ce qu’il convenoit ; et y firent amener et charrier du pays voisin grand’foison de blés et d’avoines et de toutes autres pourvéances, tant que la cité fut en bon état, pour la tenir un grand temps. Or retournons au roi d’Angleterre qui se tenoit à Gand, de-lez la roine sa femme, et entendoit à ordonner ses besognes.