Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCXIX

Livre I. — Partie I. [1344]

CHAPITRE CCXIX.


Comment les Anglois assaillirent Bergerac par terre, où ils gagnèrent peu ; et puis eurent conseil qu’ils l’assaudroient par eau.


Quand vint lendemain, le comte Derby fit sonner ses trompettes et armer toutes ses gens, et mettre en ordonnance de bataille, et approcher la ville pour assaillir, et dit qu’il n’étoit mie là venu pour séjourner. Adonc s’arroutèrent bannières et pennons par devant les fossés, et vinrent jusques au pont. Si commencèrent à assaillir fortement, et dura cet assaut jusques à nonne. Mais petit y firent les Anglois, car il avoit adonc dedans Bergerac bonnes gens d’armes, qui se défendoient de grand’volonté. Adonc, sur l’heure de nonne, se retrairent eux arrière et laissèrent l’assaut ; car ils virent bien qu’ils perdroient leur peine. Si allèrent à conseil ensemble les seigneurs, et conseillèrent qu’ils enverroient quérir sur la rivière de Gironde des nefs et des bateaux, et assaudroient Bergerac par eau, car elle n’étoit fermée que de palis. Si y envoyèrent tantôt le maire de Bordeaux, lequel obéit au commandement du comte de Derby, ce fut raison ; et envoya tantôt par la rivière plus de quarante, que barges que nefs, qui là gissoient à l’ancre au hâvre devant Bordeaux. Et vint lendemain au soir cette navie, de quoi les Anglois furent tous réjouis. Si ordonnèrent cette nuitée leur besogne pour assaillir lendemain.