Les Chemins de fer atmosphériques

Les Chemins de fer atmosphériques
Revue des Deux Mondes, période initialetome 19 (p. 546-557).

LES


CHEMINS DE FER ATMOSPHERIQUES


EN ANGLETERRE ET EN FRANCE.




Depuis que la vapeur est appliquée à la locomotion sur les chemins de fer, l’attention des savans et des hommes pratiques a dû se porter souvent sur l’énorme consommation de combustible qu’exige l’exploitation d’un rail-way. Trouver un nouveau moteur qui ne nécessitât point ou du moins qui restreignît l’emploi d’une matière coûteuse, indispensable dans beaucoup de circonstances, et dont la rareté ne peut tarder à se faire sentir, tel était, tel est encore le problème à résoudre, et, la question étant ainsi posée, on conçoit sans peine les préoccupations de ceux qui préconisent l’emploi de l’air atmosphérique comme agent de traction. Il est certain qu’au point de vue de l’économie, l’industrie, dans la majorité des cas, aurait l’avantage à se servir de cette force presque gratuite, surtout si elle pouvait arriver à se passer de la houille, dont la consommation, toujours croissante, cessera bientôt d’être en rapport avec le rendement des mines. Comme chacun sait d’ailleurs que l’emploi de la vapeur d’eau est fondé sur la force expansive de ce fluide, chacun comprend aussi qu’il soit possible d’appliquer l’air atmosphérique aux mêmes usages ; la difficulté réside tout entière dans les moyens de mettre en jeu cette puissance dynamique.

Plusieurs tentatives ont été faites depuis quelques années pour mettre à profit l’élasticité du gaz qui entoure notre globe. Parmi les partisans les plus exaltés de l’aérodynamie, nous devons mentionner M. Andraud, qui a célébré avec enthousiasme la toute-puissance du nouveau moteur. Selon lui, le transport des lettres, la culture des terres, la navigation, les sondages, la défense des villes de guerre, ne devraient plus s’opérer qu’à l’aide de l’air comprimé. L’acoustique deviendrait de plus en plus tributaire de cet agent, et l’une des plus grandes surprises réservées à nos descendans serait l’audition des concerts-monstres dont M. Andraud croit nous donner une idée bien attrayante en les comparant aux sublimes roulemens du tonnerre. L’honorable inventeur pense aussi à réaliser la navigation aérienne par son moteur universel ; il rêve même quelque peu le mouvement perpétuel, mais cette fois il emploie l’air dilaté par un petit foyer, ou bien, dans ces pays où le soleil se montre généreux jusqu’à l’insolence, par un assemblage de miroirs auquel il donne le nom de fourneau solaire. Du reste, M. Andraud est logique en ce qu’il propose de ne se servir que de roues éoliques et hydrauliques pour comprimer l’air, et regarderait comme purement transitoire l’emploi de la vapeur d’eau comme agent de compression. Telle est enfin sa puissante conviction qu’il s’exprime ainsi[1] : « Que si je porte ma pensée vers l’avenir, j’estime qu’il arrivera un temps où les autorités municipales établiront dans les villes de vastes réservoirs d’air comprimé, où chacun viendra, avec son vase vide, puiser de la force, devenue d’utilité première, comme nous voyons dans Paris les porteurs d’eau emplir leurs tonneaux aux fontaines publiques. La force deviendra marchandise, qu’on fabriquera et qu’on vendra. Il faut qu’on arrive à ce point, que chacun puisse avoir des forces en magasin, comme on a aujourd’hui des chevaux à l’écurie pour le travail du lendemain. » M. Andraud, on le voit, ne pèche point par défaut d’imagination ; malheureusement de toutes ces belles choses, et de bien d’autres encore dont nous ne croyons pas devoir parler, une seule a été réellement soumise à l’expérience. Il s’agissait d’une locomotive à air comprimé, et, si nous ne nous trompons, tout ce qu’elle pouvait faire était de se traîner elle-même. M. Andraud est évidemment un homme de mérite qui fait fausse route, et qui oublie trop qu’en matière d’invention il y a tout un monde d’illusions entre des hypothèses plus ou moins séduisantes et les applications pratiques.

Cette idée d’une locomotive à air comprimé, qui ne serait qu’une très minime partie des merveilles que M. Andraud ferait surgir de l’aérodynamie, avait été émise, pour la première fois, en 1815, par un Bavarois, et reproduite depuis, à plusieurs reprises, dans divers pays. Ainsi nous nous rappelons avoir vu, il y a une dizaine d’années, chez un horloger de Versailles, M. Roussel, une petite voiture de son invention, qu’il faisait mouvoir, d’après le même principe, sur une table circulaire, au centre de laquelle elle était fixée. Tout récemment un membre de l’Académie des sciences de Berlin, M. Crelle, est venu étayer de son autorité ce nouveau moyen d’opérer la traction sur les chemins de fer, qui, selon lui, seront seulement alors exécutables partout et dans tous les cas avec économie. « En ne renonçant pas aux chemins de fer à vapeur, dit formellement M. Crelle, ou en persistant à vouloir se servir des chemins atmosphériques proprement dits, on s’expose à dissiper des millions, qu’on regrettera douloureusement quand peut-être un jour les véritables et justes moyens de perfectionnement viendront revendiquer leurs droits[2]. » De telles paroles, prononcées par un homme qui est à la fois un savant mathématicien et un habile ingénieur, méritent certainement qu’on les prenne en considération ; mais, avant de leur accorder une pleine confiance, nous devons attendre que la pratique sanctionne les résultats avantageux qu’annonce la théorie. L’essai du système de M. Crelle serait d’ailleurs peu coûteux, puisque tout chemin de fer pourrait servir aux expériences, et que la suppression de la cheminée et la substitution d’un réservoir d’air comprimé à la chaudière seraient, dans les idées actuelles de l’inventeur, les seuls changemens qu’il se proposerait de faire à la locomotive à vapeur pour la transformer en une locomotive aérodynamique.

Trois autres systèmes, pouvant servir à la locomotion par l’air comprimé, mais regardés par M. Crelle comme inférieurs à sa locomotive aérodynamique, sont décrits avec détail dans le mémoire de l’académicien de Berlin. Dans le premier de ces systèmes, la locomotive est conservée ; mais, au lieu de porter avec elle la provision d’air nécessaire pour faire le voyage, elle puiserait incessamment, par un mécanisme convenable, dans un tube placé au milieu de la voie, l’air qui y aurait été préalablement refoulé. Il nous serait moins facile de faire concevoir le moteur bizarre qu’a récemment proposé un ingénieur prussien, et nous devons nous aider d’une comparaison. Qu’on étende sur le sol, en l’attachant par l’une des extrémités, un câble sur lequel une roue peut cheminer verticalement ; qu’on vienne à soulever le câble par l’extrémité libre, on comprend que la roue sera poussée en avant. Qu’on imagine maintenant, au lieu du câble, un tuyau d’une matière molle, plat dans l’état normal, couché entre deux rails d’une voie de fer et sur lequel est placée une roue adaptée à un premier wagon, qui sera ici le remorqueur du train : si, à l’aide d’une machine pneumatique, on introduit, derrière la roue motrice, de l’air dans le tuyau, il se gonflera et mettra évidemment la roue en mouvement par un effet analogue à celui que produisait tout à l’heure le câble. Enfin M. Crelle étudie, avec cette conscience méthodique des Allemands, un système en tous points comparable au système atmosphérique proprement dit ; seulement ce n’est plus le vide fait devant le piston propulseur qui produirait la locomotion : l’impulsion serait donnée au contraire par l’air comprimé derrière ce piston, et le mouvement de la soupape longitudinale, organe essentiel des chemins atmosphériques, serait modifié.

L’idée primitive de la locomotion atmosphérique parait être due à Papin, à cet homme de génie qui indiqua aussi le premier le principe des machines à vapeur et à piston, et l’emploi de la vapeur dans la navigation. Le premier, il pensa que, si on venait à raréfier l’air sur l’une des faces d’un piston qui glisse dans un tube, l’excès de la pression qui continuerait à s’exercer intégralement sur l’autre face ferait mouvoir ce piston. Tel est, en effet, le principe bien simple du nouveau mode de locomotion que nous examinons : Medhurst, ingénieur danois, proposa, en 1810, de l’utiliser pour le transport des lettres et des marchandises. Un canal contenait à la fois le chemin de fer et les wagons qui devaient y circuler. Le mieux est l’ennemi du bien ; Vallance prétendit, en 1824, appliquer ce système au transport des voyageurs, et fit quelques expériences sur la route de Brighton avec un tuyau, provisoirement en bois, d’un diamètre intérieur de deux mètres. Nous n’avons pas besoin d’insister sur les inconvéniens qui firent rejeter cette singulière solution du problème. Medhurst n’accepta pas l’usage de ce tunnel d’un nouveau genre. Le tube, — de dimensions désormais raisonnables, — fut couché entre les deux rails du chemin ; une rainure longitudinale, régnant à la partie supérieure, laissait passer la tige verticale, qui transmettait au premier des véhicules le mouvement imprimé par l’air au piston ; un appareil hydraulique fermait, théoriquement parlant, cette rainure, et ne s’ouvrait, pour ainsi dire, qu’à l’endroit même où était la tige. La soupape à eau avait le désavantage évident d’exiger un chemin constamment horizontal, et elle dut être abandonnée ; malgré cette imperfection, c’est à Medhurst que doit revenir tout l’honneur de l’invention du système atmosphérique, c’est lui qui indiqua nettement les conditions indispensables pour qu’il fut possible et le sens dans lequel devaient être dirigées les recherches.

Dès-lors on s’occupa activement des moyens d’obtenir la soupape qui devait seule assurer la réussite du nouveau système. De nombreux essais furent tentés, parmi lesquels nous citerons la soupape à corde que proposa, en 1834, l’ingénieur américain Pinkus ; mais tous furent infructueux, et ce fut seulement en 1838 que MM. Clegg et Samuda, constructeurs à Wormwood-Scrubs, près Londres, parvinrent à résoudre les principales difficultés du problème. La soupape Samuda se compose d’une lanière de cuir, renforcée sur les deux faces par des lames de tôle ; l’un des longs côtés est maintenu par une pièce en fer fixée au tube et fait charnière ; l’autre plonge dans une entaille tracée au bord de la rainure cette entaille est remplie d’un mastic particulier destiné à rendre la fermeture plus complète. La soupape, au passage de la tige directrice, coudée à dessein, ne se lève pas verticalement, mais seulement sous un angle d’environ 45 degrés. Comme elle constitue un organe délicat qui doit être manoeuvré avec ménagement, l’ouverture en est préparée par des galets d’inégal diamètre attachés à la queue du piston. Le poids même de la soupape la fait retomber ; c’est encore grace à des galets que ce mouvement s’effectue sans brusquerie. Enfin une roue, adaptée à l’arrière du wagon-directeur, comprime fortement la soupape et achève de la remettre dans la position qu’elle occupait avant le passage du convoi. L’usage de ce cylindre compresseur est d’ailleurs d’une utilité incontestable’ pour introduire le mastic dans les interstices, qui, s’ils n’étaient bouchés, donneraient issue à l’air.

L’appareil ingénieux que nous venons de décrire fut d’abord essayé en petit à Chaillot, puis au Hâvre, par M. James Bond ; plus tard les inventeurs l’expérimentèrent sur une grande échelle, en Angleterre, dans leurs ateliers. Les chances de succès que ces diverses expériences semblaient attribuer à la soupape Samuda décidèrent M. Pim, trésorier de la compagnie du rail-way de Dublin à Kingstown, à proposer l’application du système atmosphérique sur le chemin de Kingstown à Dalkey. Le gouvernement anglais accorda l’autorisation, mais avec des restrictions qui rendirent très défectueux le tracé de la voie. Ainsi la compagnie, privée du droit d’expropriation, dut emprunter aux entrepreneurs du port de Kingstown la moitié du chemin qui leur sert à amener les beaux granites des carrières de Dalkey. Ces conditions évidemment désavantageuses, jointes à un parcours qui n’atteint pas trois kilomètres, nuisent beaucoup aux appréciations économiques qu’on serait tenté de faire du système atmosphérique en prenant pour exemple le chemin de Kingstown à Dalkey. Ensuite les rampes y sont très faibles, et, sans la possibilité de gravir des rampes escarpées, il n’y aurait, aux yeux de tous les hommes compétens, aucun avantage à abandonner le système ordinaire de la locomotion à vapeur. Ce que nous venons de dire s’applique également au rail-way atmosphérique de Londres à Croydon, qui fut établi, deux ans après, en Angleterre. Après maintes vicissitudes de tous genres, et bien qu’on ait prétendu que l’exploitation, dès le début, coûtait 22 pour 100 de moins qu’avec des locomotives[3], ce chemin est, dit-on, sur le point d’être démonté. Il présente du reste une particularité que nous ne devons pas passer sous silence, et qui forme un véritable contraste avec le fameux tunnel de la Tamise : c’est un gigantesque viaduc qui traverse, entre Norwood et Croydon, les deux rail-ways ordinaires de Douvres et de Brighton.

Comme il arrive souvent en pareille circonstance, MM. Clegg et Samuda n’avaient pas commencé par ce qu’il y avait de plus simple. Primitivement le mastic destiné à compléter la fermeture de leur soupape était un mélange de cire et de suif, et, pour en maintenir l’indispensable fluidité, un réchaud d’un mètre de longueur, rempli de charbons incandescens et fixé à la tige directrice, glissait avec le piston le long du tube. Ce moyen incommode était aussi, à beaucoup d’égards, insuffisant. Le mastic se gelait en hiver, se liquéfiait en été, et finalement donnait issue à l’air atmosphérique. Plus tard, à Croydon, le réchaud fut supprimé, et on fit usage d’une graisse, — analogue à celle employée aujourd’hui au chemin atmosphérique de Saint-Germain, — et composée d’huile de phoque, de cire végétale, de caoutchouc et d’argile. Malgré les perfectionnemens successifs dont elle a été l’objet, la soupape Samuda laisse s’opérer des fuites considérables[4]. Si donc cette soupape est supérieure à toutes celles qui avaient été proposées d’abord, elle est encore très peu satisfaisante ; aussi de nombreuses tentatives ont-elles été récemment faites pour la remplacer. Un habile constructeur d’Arras, M. Hallette père, avait proposé de fermer la rainure longitudinale des tubes au moyen de ce qu’il appelait des lèvres pneumatiques, c’est-à-dire de deux tuyaux contigus flexibles et gonflés avec de l’air comprimé, que la tige du piston aurait écartés sans effort et qui se seraient aussitôt rejoints. Cette idée séduisante a paru avoir contre elle l’impossibilité de fabriquer des tissus assez solides pour opérer la fermeture sans s’user très rapidement. M. Crelle décrit deux soupapes également sans mastic, dont il est l’inventeur, mais qui n’ont point été expérimentées. Enfin un de nos industriels, M. Hédiard, reprenant un procédé indiqué par l’ingénieur Pinkus, et le modifiant heureusement, emploie deux lames d’acier formant ressort, convenablement maintenues en contact et recouvertes d’un cuir gras qui complète la fermeture. La tige du piston, taillée en coin très aigu, soulève les ressorts par-dessous. Ce dispositif, dont l’essai a été fait sur un rail-way de 1,700 mètres établi près de la gare Saint-Ouen, — première application en France du système atmosphérique, — nous a paru supérieur à la soupape anglaise ; nous regrettons qu’une expérience décisive n’en ait pas été faite au chemin de Saint-Germain.

On se rappelle peut-être l’effet que produisit, en 1840, la première nouvelle de l’apparition du système atmosphérique à Wormwood-Scrubs ; à peine le système locomotif avait-il été connu en France, qu’il semblait destiné à être remplacé par un autre dont on détaillait avec enthousiasme les divers avantages, particulièrement au point de vue de la sécurité. Il n’était plus permis d’ailleurs de reléguer cette merveilleuse invention parmi les théories ; le chemin d’essai.n’avait pas moins de 800 mètres, et M. Teisserenc, qui avait assisté aux expériences, en avait fait l’objet d’un mémoire adressé à l’administration. Quatre ans plus tard, on apprenait qu’une application plus sérieuse encore venait d’être faite dans le royaume-uni, et le ministre des travaux publics envoyait en Irlande un inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaussées, M. Mallet, avec mission d’apprécier quelle influence devait avoir le système atmosphérique sur l’avenir des chemins de fer. M. Mallet, dans un rapport fort remarquable, décrivit avec détail le rail-way de Kingstown à Dalkey, les expériences qu’on y avait faites, et, comparant les dépenses d’établissement et d’exploitation des deux systèmes en présence, indiqua de quelle manière il entendait l’application des chemins atmosphériques. Tout en convenant de la gravité des objections que pouvait soulever le nouveau système, il les détruisait avec un peu d’optimisme. « Présentent-elles, disait l’habile ingénieur, des difficultés insurmontables ? sont-elles de nature à faire abandonner le système atmosphérique ? Je ne le pense pas ; c’est pourquoi je demande un essai. Si tout était parfait dans ce système, l’essai serait inutile, et on n’aurait plus qu’à en faire des applications, certain que l’on serait du succès ; mais, malgré le pas énorme fait en Irlande, de grands perfectionnemens restent à trouver. » Le gouvernement, s’associant au vœu qu’exprimait ainsi M. Mallet, présenta aux chambres législatives un projet de loi par lequel il demandait une allocation de 1,800,000 fr. pour faire appliquer le système atmosphérique. La loi fut votée, et une ordonnance royale confia à la compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-Germain l’exécution de cette entreprise. La ligne primitive, que la situation de Saint-Germain au sommet d’une colline élevée avait obligé, par économie, d’arrêter à la commune du Pecq, devait être continuée jusqu’au parterre. La ville, directement intéressée à la réussite de ce projet, se montra généreuse en ajoutant 200,000 fr. à la subvention de l’état ; mais ces deux sommes réunies ne devaient pas former le tiers de ce que coûtera l’essai du système atmosphérique.

La différence de niveau considérable qui existe entre le Pecq et le plateau de Saint-Germain eût rendu difficile un prolongement réel de l’ancien rail-way. Il a paru préférable de quitter cette voie à 1,500 mètres de la gare d’arrivée du Pecq. Le système atmosphérique sera appliqué de Nanterre à Saint-Germain, c’est-à-dire sur une longueur de 8,770 mètres. Les retards apportés par les maîtres de forges à la livraison des tubes pneumatiques ont empêché la compagnie, dont tous les travaux sont faits, de livrer à la circulation la totalité du nouveau chemin. La compagnie s’est néanmoins décidée à en ouvrir immédiatement une partie, celle qui s’étend entre Saint-Germain et le pont de Montesson, dans le bois du Vésinet. Cette décision de la compagnie a été parfaitement rationnelle, car ces 2,200 mètres, où la pose du tube a seulement pu être effectuée, permettent d’apprécier le nouveau système sous les points de vue les plus dignes d’intéresser le public scientifique. Depuis Nanterre jusqu’au pont de Montesson, le chemin est presque entièrement horizontal et n’ajouterait aucune indication nouvelle à celles que nous possédons sur les chemins de la Grande-Bretagne, établis dans des conditions à peu près identiques. Il n’en est pas de même de la partie qui s’étend du pont de Montesson à Saint-Germain, où une succession de rampes qui croissent progressivement jusqu’à une limite que ne pourrait atteindre une locomotive ordinaire, — et l’emploi d’un tube de grandes dimensions, — sont deux faits qui n’avaient jamais été expérimentés. Cette partie du chemin atmosphérique renferme en outre de remarquables travaux d’art dont l’importance ne saurait être contestée : nous voulons parler d’un pont sur la Seine dont chacune des six arches a une portée de 32 mètres, à l’endroit où l’île Corbière divise cette rivière en deux bras ; d’un beau viaduc de vingt arches dont les fondations ont présenté des obstacles incalculables, à cause de la nature du terrain qui devait les supporter ; enfin du grand souterrain de 305 mètres de longueur, à l’aide duquel on passe sous la terrasse de Saint-Germain et dont le percement a été aussi long que difficile. Après ces belles constructions viennent une tranchée dans la forêt et un petit souterrain de 95 mètres sous le parterre, qui forment une courbe dont le rayon n’a pas 400 mètres, puis l’embarcadère, auprès duquel est le bâtiment des machines pneumatiques. Quant au profil du chemin, la pente continuellement ascendante commence à une petite distance du pont, atteint au milieu de celui-ci 0,020 par mètre, à la fin du viaduc 0,035 et conserve cette inclinaison sur un parcours de 1,000 mètres, jusqu’à l’entrée de la gare, que quelques marches seulement séparent des salles d’attente, situées de plain-pied avec la place même du château.

Après avoir indiqué le principe et tracé en quelque sorte l’historique de la locomotion par la raréfaction de l’air, il convient, puisque ce système vient d’être soumis en France à un commencement d’exploitation, de donner quelques détails sur la manière dont le nouveau mode de transport s’effectue et sur les appareils qu’il exige. Nous prendrons pour exemple le dispositif usité au rail-way de Saint-Germain.

La soupape longitudinale étant la même que celle employée en Irlande, nous n’avons rien à ajouter à ce que nous avons dit de l’invention de MM. Clegg et Samuda, et nous passerons à la description du tube de propulsion. Les dimensions en ont été calculées d’après l’inclinaison de la voie, qu’on a supposée en moyenne de 0,025 par mètre sur la rampe de Saint-Germain. Il a fallu tenir compte encore d’une vitesse de quinze lieues à l’heure imprimée à un convoi ordinaire de 55 tonnes, du degré de raréfaction fixé ici à un tiers d’atmosphère, enfin du frottement que déterminent le piston et les galets dont il est muni, calculé d’après des expériences directes. Le chemin de fer atmosphérique de Nanterre à Saint-Germain, dont une partie seulement est exploitée en ce moment, doit suivre, nous l’avons dit, l’ancienne voie de fer jusqu’à quelque distance du Pecq ; là commence un embranchement qui forme la partie la plus curieuse du chemin. Sur toute la longueur de cet embranchement (3,400 mètres), le tube propulseur aura un diamètre intérieur de 63 centimètres. Sur les 5,200 mètres qui séparent Nanterre de cet embranchement, le tube n’aura que 38 centimètres de diamètre comme à Dalkey. Ce tube se compose de tuyaux partiels convenablement renforcés, au nombre de 850 pour les plus grands pesant 490 kilogrammes le mètre courant, au nombre de 1,800 pour les plus petits pesant seulement 200 kilogrammes, et coûtant tous 29 fr. 50 cent. les 100 kilogrammes. Ces tubes ont la même forme, sauf les deux extrêmes, qui sont évasés en pavillon de cor, pour faciliter l’introduction du piston ; ils peuvent être coulés ouverts, c’est-à-dire qu’on commence par former la rainure destinée à recevoir la soupape et qu’on la régularise ensuite, ou bien ils peuvent être coulés pleins et fendus après coup avec une machine à planer. Ils sont grossièrement lissés et graissés à l’intérieur ; la pose sur la voie en est exécutée avec soin ; chaque tube s’emboîte dans le suivant par l’intermédiaire d’un manchon ; l’espace libre ainsi laissé est rempli avec de la corde et un mastic particulier.

Deux soupapes, dites d’entrée et de sortie, ferment le tube propulseur aux extrémités ; elles s’ouvrent toutes deux dans le sens du vide au moyen d’ingénieux mécanismes et de l’air atmosphérique. Comme à Saint-Germain le tube pneumatique n’est jamais parcouru que dans une direction, — celle de la rampe, — ces soupapes sont suffisantes ; mais, dans le cas le plus général, chaque extrémité devrait être munie d’une soupape d’entrée et d’une soupape de sortie, ou, comme en Angleterre, d’un système unique qui pourrait se mouvoir à volonté dans les deux sens. — Le piston propulseur, organe tout-à-fait secondaire, se compose essentiellement de trois parties enflées sur une même tige : le piston proprement dit, cylindre en bois ou en métal terminé par deux cônes ; derrière celui-ci, la tige qui doit communiquer le mouvement au train, et l’appareil de galets, dont nous avons parlé en décrivant l’invention de MM. Clegg et Samuda ; enfin une masse en bois qui fait contre-poids. Tout cet appareil de traction n’est pas directement lié au wagon conducteur[5] ; il est supporté par un petit chariot, totalement indépendant de ce wagon, auquel il est fixé, pendant la marche, par un système de tenailles, et dont il peut être aisément séparé pour la facilité de quelques manœuvres. Cette disposition servira en outre, à Saint-Germain, à simplifier le passage du petit tube au gros, ou réciproquement. Peut-être aussi adoptera-t-on un piston dit à expansion, susceptible de s’ouvrir en quelque sorte comme un parapluie, et qui prendrait dans chaque tube la dimension convenable. La question est encore indécise.

Il est maintenant aisé de faire comprendre comment s’effectue le trajet du pont de Montesson à Saint-Germain par le système atmosphérique. Le wagon directeur est engagé dans le tube, attendant le train qu’une locomotive amène de Paris au bois du Vésinet ; la soupape d’entrée a été fermée derrière le piston, qui ne peut prendre aucun mouvement. Arrivé à la station de Montesson, le train s’arrête ; au moyen de deux croisemens et d’une voie latérale, la locomotive passe à la queue du train et le pousse de manière à ce qu’il puisse être accroché au wagon directeur. Un signal est donné aussitôt par le télégraphe électrique, et les machines pneumatiques de Saint-Germain commencent à fonctionner. La soupape d’entrée est ouverte, et le convoi, se mettant en marche, arrive, après trois minutes et demie, dans la gare de Saint-Germain. Pour effectuer ce trajet en sens inverse, on se sert uniquement de la pesanteur. À l’aide d’un câble enroulé sur un cabestan, que met en mouvement la raréfaction de l’air produite par l’une des machines pneumatiques, on fait franchir au train le palier horizontal de la gare, on l’amène au bord de la pente, et la descente s’opère alors sans autre manœuvre que de serrer les freins pour empêcher la vitesse de devenir trop considérable. Au moment d’arriver à la station du Vésinet, on sépare par un mouvement de déclanchage le convoi du wagon conducteur, que l’on arrête. Une locomotive, déjà prête à remorquer le train arrivant, y est attachée et l’entraîne à Paris.

Le mode par lequel on descend de Saint-Germain au Vésinet, et qui était également usité à Dalkey, mérite une attention particulière comme indiquant l’un des avantages que comporteraient les rail-ways atmosphériques. Ce mode de descente n’exige, en effet, aucune dépense ; il est vrai qu’il présente de grands dangers en cas de rupture des freins. En admettant qu’on invente un moyen de parer à ce grave inconvénient, il est évident qu’avec une succession de paliers et de pentes disposés de telle sorte que l’accélération de vitesse ne puisse jamais devenir trop considérable, il sera toujours possible d’économiser ainsi la force motrice dans un grand nombre de circonstances. Ce qui rend cette disposition particulière au système atmosphérique, c’est qu’il est le seul qui puisse gravir les pentes fortement inclinées devant lesquelles, au-delà d’une certaine limite, une locomotive ordinaire s’arrêterait et même reculerait. Dans l’établissement des chemins de fer, on est entraîné à de grands frais de déblais et de remblais, de viaducs et de souterrains, pour atteindre un maximum raisonnable. À ce point de vue, on s’est même long-temps abusé en France, et on a fait preuve d’une réserve tout-à-fait exagérée dans les conditions imposées pour le tracé des rail-ways. La pente de 8 millimètres par mètre qui existe à Étampes, sur le chemin d’Orléans, avait paru long temps ne pouvoir être régulièrement dépassée. Plus tard, une inclinaison de 11 millimètres fut adoptée au chemin de Sceaux ; récemment enfin on a vu la locomotive l’Hercule, prudemment construite pour obvier au chômage du chemin atmosphérique, gravir avec aisance le plateau de Saint-Germain. Ce dernier fait est extrêmement important en raison des applications dont il serait susceptible, pour l’avenir, dans un cas donné. Le système atmosphérique présente lui-même dans la pratique des limites qu’on ne saurait outrepasser, à moins de donner au tube propulseur des proportions colossales. En effet, si un piston ordinaire peut toujours monter dans un tube, même vertical, il n’en est plus ainsi s’il vient à augmenter de poids, ou s’il remorque un convoi. Néanmoins les pentes qu’il serait permis d’adopter avec le système atmosphérique suffiraient à modifier notablement les conditions du tracé des chemins de fer, telles qu’on est obligé de les admettre dans le système actuel.

Les machines pneumatiques, dont nous avons négligé à dessein de parler jusqu’ici pour en bien faire comprendre le rôle, n’ont pas seulement pour but de faire le vide avant le départ des trains ; elles sont encore destinées à le maintenir pendant la marche au degré voulu, c’est-à-dire de parer aux rentrées d’air qui s’effectuent par toutes les soupapes diverses que nous avons mentionnées, par les circonférences du piston propulseur et des pistons pneumatiques, et par les joints des tuyaux, enfin d’aspirer l’air que le piston propulseur comprime incessamment devant lui quand il est en marche. Tous ces élémens doivent entrer en ligne de compte pour établir la puissance des machines pneumatiques d’un rail-way atmosphérique. Celles du chemin de Nanterre à Saint-Germain sont au nombre de quatre, une à Nanterre, une à Chatou et deux à Saint-Germain. Chacune de ces machines, dont la force est de 200 chevaux, peut extraire 4 mètres cubes d’air par seconde, et à chacune est associée une petite machine auxiliaire de 20 chevaux pour le service de condensation et d’alimentation des chaudières. Ces puissantes machines sont à condenseur, à détente et à haute pression, à cylindres horizontaux et partant sans balanciers ; les tiroirs y sont remplacés par des soupapes de Cornouailles. Elles ont coûté 180,060 francs chaque. Les pistons, marchant avec une vitesse de 2 mètres par seconde, communiquent par une bielle et une manivelle le mouvement à un pignon, puis à une énorme roue dentée dont le diamètre n’a pas moins de 5 mètres. Cette roue le transmet elle-même également par une bielle et une manivelle aux pistons pneumatiques. La double machine de Saint-Germain fonctionne seule en ce moment pour remonter les trains du Vésinet ; l’aspect en est vraiment grandiose ; elle est établie dans un beau bâtiment, construit tout entier en pierres de taille, dans lesquelles on a tranché à vif la place des diverses pièces. Une élégante charpente, — digne en tous points de celles qu’a déjà établies M. Eugène Flachat, l’habile ingénieur du chemin, — supporte la toiture, qui converge, en s’inclinant, vers une colonne creuse placée au centre de l’édifice, et dans l’intérieur de laquelle s’écoulent les eaux pluviales. Le bâtiment des chaudières, au nombre de trois pour chaque machine, mais servant indifféremment à l’une et à l’autre, est distinct du précédent.

Ordinairement les machines fixes sont continues ; ici elles sont intermittentes et fonctionnent seulement quatre minutes et demie par heure. Ces conditions, ou le conçoit, sont extrêmement désavantageuses et donnent lieu à une grave objection contre le système atmosphérique. Il serait à désirer pour ce système que, suivant l’opinion émise par M. Arago à la chambre des députés, des usines vinssent se grouper autour de ces moteurs pour leur emprunter une force régulièrement disponible. Ces fâcheuses intermittences et les interruptions qui résulteraient d’un accident ont fait penser à un réservoir en maçonnerie ou en briques dans lequel on ferait, pour ainsi parler, une provision de vide à l’aide d’une machine qui pourrait être assez faible, puisqu’elle fonctionnerait toujours. Ce système, dont M. Crelle vante les avantages incontestables, et que M. Andraud voudrait appliquer à l’air comprimé, a été soumis par M. Arnollet à l’Académie des Sciences. La commission chargée de l’examiner a déclaré qu’il n’y avait pas lieu de résoudre la question par une expérience. Quoi qu’il en soit, comme il faut à Saint-Germain que la température de la chaudière se conserve, on laisse tomber le feu pendant trois quarts d’heure ; puis, avec un ventilateur que fait mouvoir le volant d’une des petites machines, on active le tirage pour le rallumer. Cette manière d’opérer est singulièrement facilitée par la forme particulière des chaudières, dans lesquelles la surface de chauffe est, à l’instar des locomotives, augmentée par des tubes à fumée. Néanmoins la dépense en combustible est énorme ; elle atteint quatre tonnes de houille par jour, sur une ligne de 8,770 mètres, Ajoutons, pour faire apprécier ce chiffre, que le service complet des locomotives des deux chemins réunis de Versailles et de Saint-Germain, dont le parcours total est de 39 kilomètres, n’exige par jour que treize tonnes de coke. On voit que le système atmosphérique demande, d’une part, une circulation active, puisque les intermittences des machines fixes seraient plus rares, et, d’autre part, un terrain accidenté, seul cas où il soit préférable au système à vapeur proprement dit. La réunion de ces deux circonstances est presque impossible.

Au nombre des avantages des chemins pneumatiques, on range avec raison l’absence de la locomotive. Au point de vue de la sécurité, cet avantage est d’une grande importance, puisque la locomotive peut déterminer des accidens extrêmement graves. Hâtons-nous de dire cependant que les chances de ces terribles catastrophes, dont on garde encore le souvenir, diminuent chaque jour, et qu’elles seront presque nulles avec un chemin soigneusement établi, une exploitation bien dirigée et des employés régulièrement disciplinés. La suppression de la locomotive permettrait en outre de réduire la hauteur des voûtes de ponts, de diminuer ce qu’on appelle en langage technique le poids mort, puisque cette machine et le tender forment parfois à eux seuls le tiers ou même la moitié du poids du convoi, de diminuer enfin la force des rails qui n’auraient plus à supporter que les voitures à voyageurs et à marchandises : ce dernier avantage n’a point paru assez évident pour qu’on l’utilisât à Saint-Germain, où les rails ont le poids ordinaire de 30 kilogrammes par mètre courant. Sur une ligne atmosphérique, la rencontre de deux trains est impossible, puisqu’ils ne peuvent s’engager à la fois dans le même tube. Une pareille collision pourrait cependant arriver aux croisemens de voies ; mais cette question doit être réservée, ainsi que celle des passages à niveau, comme ne s’étant pas encore présentée et n’ayant conséquemment pas été étudiée. On a dit que le mode de liaison du tube propulseur au wagon directeur serait un obstacle au déraillement. Nous doutons fort, ayant vu le piston brisé en mille pièces, dans une expérience, pour avoir buté contre un obstacle, que ce mode de liaison soit toujours d’une réelle efficacité ; cependant il est évident qu’il permettrait de diminuer notablement le rayon des courbes actuellement en usage dans les rail-ways ordinaires, surtout si on ajoutait un contre-rail comme au chemin de Kingstown à Dalkey.

Avant de terminer l’énumération des avantages qu’auraient les voies pneumatiques, il est bon de rappeler la singulière opinion que nous trouvons consignée dans un écrit[6] où sont résumés les avis des ingénieurs anglais et français sur ce mode de locomotion : « Si, dans les arts et les lettres, dit M. Louis Millot, cité par M. Dubern, le sublime est la plus simple expression du beau, dans la viabilité, le sublime est la plus simple expression de la célérité et des moyens de circulation. La bulle d’air qui anime et met en équilibre tous les sens par son action et réaction de puissance de premier ordre doit assurer et perpétuer avec sécurité toute locomotion sur les artères ferrées ou grands diamètres du monde. » On conviendra avec nous que ce singulier abus d’idées philosophiques méritait d’être signalé ; l’industrie elle-même a ses idéologues !

Au moment où l’attention générale est fixée sur les énormes dépenses qui menacent de retarder la construction de nos chemins de fer, il est indispensable de savoir si des considérations d’économie peuvent militer en faveur du système atmosphérique. Des opinions contradictoires ont été émises à cet égard. Ainsi M. Mallet, plaçant dans les mêmes circonstances les rail-ways desservis par des locomotives et ceux où on emploierait la propulsion pneumatique, concluait que, sous le rapport des frais d’établissement, les derniers présenteraient sur les premiers une économie de 70,000 francs par kilomètre, et que, dans le transport des voyageurs, cette économie serait au moins des deux cinquièmes. D’autre part, nous lisons dans le mémoire de M. Crelle : « Si la voie de Berlin à Potsdam (le premier rail-way exécuté en Prusse et dont M. Crelle a été l’ingénieur), au lieu d’être construite pour l’usage des locomotives, était construite dans le système atmosphérique, les frais de construction différeraient en plus de ceux qui ont été dépensés de 53,000 fr. par kilomètre, et les frais annuels d’exploitation et d’entretien de 20,000 fr. » Nous n’avons pas eu l’intention puérile de mettre en contradiction deux hommes distingués ; nous avons voulu montrer seulement combien, en pareille matière, l’analogie est trompeuse et la part que laissent de tels calculs à l’inconnu et à l’hypothèse. Les deux systèmes exigent des conditions toutes différentes de tracé, et il n’y aurait aucun avantage à établir le système atmosphérique sur les voies déjà faites ou sur celles en cours d’exécution. Nous avons dit l’élément que venait apporter, dans l’appréciation des frais de traction, le chemin de Saint-Germain ; nous ajouterons que la voie y a coûté le double d’un chemin à locomotives sur la partie où le tube a 0,38 de diamètre, et le quadruple sur celle où il a 0,63. Le chemin total est évalué en ce moment à 6,137,633 fr., c’est-à-dire que les frais dépassent de 4,137,633 fr. les sommes allouées par l’état et la ville de Saint-Germain. En résumé, nous croyons exprimer l’opinion de la grande majorité des ingénieurs en disant que, dans l’état actuel des choses, le système atmosphérique n’est pas financièrement applicable.


E. LAME FLEURY.

  1. De l’Air comprimé et dilaté comme force motrice, par M. Andraud. — Chez Guillaumin.
  2. Mémoire sur les différentes manières de se servir de l’élasticité de l’air atmosphérique comme force motrice sur les chemins de fer, par A.-L. Crelle, membre de l’Académie des sciences de Berlin. — 1846, chez Bachelier.
  3. Les avis étaient fort partagés, car nous lisons à ce sujet dans une enquête anglaise :
    « Demande. — Si le principe atmosphérique venait à échouer, ou bien si, par le résultat de l’expérience, il n’avait pas plus de succès qu’en ce moment, ce que je croirais pouvoir prendre la liberté de nommer un échec complet, s’il restait dans l’état où il se trouve à l’égard de l’exploitation artistique, continueriez-vous à demander l’application du système atmosphérique sur la ligne d’Exeter ?
    « Réponse. — Très positivement, oui. »
    Un chemin atmosphérique se construit en effet d’Exeter à Devonshire sur une longueur de 35 kilomètres, dont 21 sont déjà exécutés. Nous n’avons pas de données sur les circonstances du tracé de cette nouvelle ligne.
  4. A Saint-Germain, si on épuise l’air du tube de propulsion jusqu’à un tiers d’atmosphère, il ne faut pas plus de cinq minutes pour que la totalité de l’air soit rentrée.
  5. On nomme ainsi le wagon sur lequel se tient le mécanicien. Ce wagon renferme les leviers qui servent à diverses manœuvres, et particulièrement à celle des freins, et un baromètre qui, en communiquant à travers le piston avec l’intérieur du tube, indique à chaque instant le degré de vide.
  6. De l’application de l’air atmosphérique aux chemins de fer, par H.-A. Dubero. Chez Mathias, 1846.