Les Chants de la Forêt/Les grands rochers moussus que les arbres caressent

Les Chants de la ForêtLibrairie de France (Collection Joachim Gasquet) (p. 10).

 

III

Les grands rochers moussus que les arbres caressent
Sont la table embaumée ou s’assoient les saisons ;
Pour les errants du ciel les aurores y dressent
Un quotidien festin de fleurs et de rayons.

À la table des rocs les oiseaux viennent boire,
Mais moi Je n’ose pas, lorsque je vois le soir
Les couvrir lentement d’une nappe de gloire,
À ce divin banquet, homme, venir m’asseoir.

Les mets spirituels qu’à ce repas on mange
Les cœurs purs et les dieux peuvent seuls s’en nourrir.
On y boit le pardon dans la coupe de l’Ange,
Le martyre d’aimer, la splendeur de mourir.

Moi que mens sens épais retiennent à la terre,
Vierge enfant que j’adore, ah ! prends-moi par la main.
Fais-moi communier aux coupes du mystère, —
Redonne-moi, Forêt, le goût du pain humain.