Les Chansons des trains et des gares/Postes

Édition de la Revue blanche (p. 39-42).


POSTES


Trop humbles mes chansons et timide ma lyre,
Pour dire
Les grands wagons
Couleur marron,
Où fastueusement s’étale
Notre télégraphique, à la fois, et postale
Administration ;

Mon ambition est moins haute,
Et, c’est tout au plus si je l’ose,
Lecteurs, je ne vous parlerai
Que du petit compartiment de deuxième classe,

Qu’une plaque, ou une simple bande collée à la glace
Orne de cet avis discret,
Sans le faire à la pose :
POSTES.

Un vieil homme est dans le compartiment, la barbe grise,
Une casquette
Sur la tête,
Et, très fréquemment, des lunettes ;
Souvent, usant de libertés
Bien permises, en vérité,
Surtout l’été,
Il est en bras de chemise ;

Et, dans son compartiment de deuxième classe,
L’homme classe, classe, classe.

Il paraît que ce n’est pas une sinécure :
Que de fois l’ai-je aperçu, le camarade,
Boire, pour reprendre des forces, à la régalade ;
Mais les besognes dont il s’occupe sont obscures ;

(Et puis vous me direz aussi,
Pour moi, du moins, c’est ma pensée,
S’il ne ferait pas bien mieux tout ça chez lui,
Tranquillement, à tête reposée ?)

À chaque station, sur le quai,
Quelqu’un l’attend avec des sacs et des paquets :
L’homme aux sacs serait-il un marchand de chiffons ?
Mais non :
Saluons son muscle crural.
C’est le vaillant facteur rural !

Le facteur et le postier
Échangent un bonjour rapide et familier,
Et des impressions intimes ;
Puis, avant de se séparer :

— Dans mon sac, aujourd’hui, pas de lettre anonyme ;
De l’argent que Monsieur Benoît
Envoie
(Quarante-huit francs) à sa tante ;

Enfin, cela ne peut durer,
L’institutrice écrit encore à son curé
Dites au député que je lui parlerai, —

Cette fille est dégoûtante. —