Les Chansons des trains et des gares/Le temps des bouillottes

Édition de la Revue blanche (p. 62-64).


LE TEMPS DES BOUILLOTTES


Il est revenu, le temps des bouillottes,
Le temps des frimas,
Des pieds qui grelottent :
Encore une année qui s’en va,
Ah ! ça ne nous rajeunit pas…
Il est revenu, le temps des bouillottes.

Dans des couvertures de laine,
— Hygiène ! —
Dans des couvertures pareilles
À des douillettes,
Nous nous envelopperons des pieds à tête,

Et nous rabattrons notre casquette,
Soigneusement, sur nos deux oreilles.

Et nous ne nous ferons pas faute,
Car on ne prend jamais trop de précautions,
De prendre en outre quelque chose
Dont notre estomac se réchauffe,
Aux stations :
— Bouillons, — bouillottes, —
Bouillottes, — bouillons.

Que si maintenant notre botte
Frileuse frôle la bottine
De notre mignonne voisine,
Que personne ne s’en chagrine :
C’est le vrai jeu de la bouillotte ;

Chères confidences des souliers,
Entre deux gares roman d’une heure,
(C’était peut-être le bonheur…) —
Et si l’hiver est dans nos pieds,

Le printemps germait dans nos cœurs…

Il est revenu le temps des bouillottes
Le temps des frimas,
Des pieds qui grelottent :
Encore une année qui s’en va, —
Mais nos cœurs ne vieillissent pas…

Il peut revenir le temps des bouillottes.