Les Chansons de Bilitis, suivies de Chansons modernes/Les Chansons de Bilitis/28

Slatkine reprints (p. 46).


LA QUENOUILLE


Pour tout le jour ma mère m’a enfermée au gynécée, avec mes sœurs que je n’aime pas et qui parlent entre elles à voix basse. Moi, dans un petit coin, je file ma quenouille.


Quenouille, puisque je suis seule avec toi, c’est à toi que je vais parler. Avec ta perruque de laine blanche tu es comme une vieille femme. Écoute-moi.


Si je le pouvais, je ne serais pas ici, assise dans l’ombre du mur et filant avec ennui : je serais couchée dans les violettes sur les pentes du Tauros.


Comme il est plus pauvre que moi, ma mère ne veut pas qu’il m’épouse. Et pourtant, je te le dis : ou je ne verrai pas le jour des noces, ou ce sera lui qui me fera passer le seuil.