Les Cantilènes/Par la douce pitié

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 117-118).



Par la douce pitié qui s’attendrit au pli,
Pourtant dur, de ta lèvre, inaccessible amante,
Saurais-tu donc effacer la marque infamante
Que la vie imprima sur mon front assoupli !

Sois, au moins, la main qui berce, et lorsque a faibli
Mon orgueil, et ce pendant que geint la tourmente,
Abrite-moi comme d’une magique mante,
Des ténèbres de ta chevelure d’oubli ;


Et que de tes yeux la translucide prunelle
Me verse la fraîcheur et la paix solennelle
De la mare endormie en un lit de roseaux.

Mais surtout garde-toi bien close, et taciturne,
Tel que sous le soleil un augural oiseau.
— Car mon âme frémit de regarder dans l’urne.