Les Cantilènes/La lune se leva

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 125-126).
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LA LUNE SE LEVA


La lune se leva bizarrement cornue
Parmi les tulipiers au bout de l’avenue,
Ce soir. O la villa proprette et ses blancs murs,
Et son balcon de bois chargé de raisins mûrs.

O la brise d’été qu’embaumaient les ramures
En fleurs, qu’embaumaient les pins et la haie aux mûres
L’air de violon qui s’est plaint soudain : connu,
Air connu, très doux et comme ressouvenu.


Le vin que nous buvions sentait la peau de l’outre.
Je vous pris les deux mains, mais vous passâtes outre,
Ce soir, sur le balcon où grimpaient des muscats.

Pire que bonne vous fûtes et je fus sage.
Vous aviez un bouquet de cassie au corsage,
Et votre cou cerclé d’un collier de ducats.