Les Cantilènes/La chevauchée de la mort

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 199-200).


LA CHEVAUCHÉE DE LA MORT


La mort chevauche dans la nuit, à travers la plaine.
Le vent de la nuit à travers la plaine halène ;

le vent halène dans les ajoncs et sur les prêles.
La mort monte un hongre pie et borgne aux jambes grêles.

Et les trépassés sont pendus par la chevelure,
Sont pendus par les pieds, à la queue, à l’encolure,


L’encolure du hongre borgne qui caracole.
La mort chevauche à travers la nuit, comme une folle.

Les vieillards disent : bonne mort, cesse un peu ta course.
Nous boirons, dans le creux de nos mains, à cette source.

Et nous — disent les beaux garçons et les belles filles —
Pour faire des bouquets nous cueillerons des jonquilles.