Les Caffieri
Œuvres de Sully Prudhomme, poésies 1872-1878, Alphonse Lemerre, éditeur, s.d., Poésies 1872-1878 (p. 205).
Les caffieri
Sonnet
Sur le livre de J. Guiffrey
Dans les maîtres anciens, dont les mœurs ont péri,
L’artiste et l’artisan ne se séparent guère :
Le sculpteur sait dorer, n’estimant trop vulgaire
Aucune tâche utile à son œuvre chéri.
Tels, aux lois d’un goût sûr, les premiers Caffieri
Domptent le bronze et l’or aussi bien que la terre ;
Le dernier, consommant la lutte héréditaire,
Attaque enfin le marbre en athlète aguerri !
Mais le ciseau légué, dont il grandit l’usage,
Pour modèle prend moins les dieux au froid visage
Que les mortels épris du laurier des Neuf Sœurs ;
À l’oisive beauté, fleur d’une vie heureuse,
Il ose préférer, sur le front des penseurs,
Le pli laborieux qu’une âpre veille y creuse.