LES CAFÉS

Ce sont des lieux qu’on enrichit
Pour charmer les yeux du vulgaire,
Des débris de maint inventaire :
Salons que le marbre embellit,
Qu’avec des lustres on éclaire,
Et que de glaces on remplit ;
Où l’on fait un fort grand débit
De certaine liqueur amère,
Marchandise peu nécessaire,
Dont le bourgeois sortant du lit
Fait son déjeuner ordinaire,
Et que le peuple littéraire
Le plus souvent prend à crédit ;
Où sans cesse l’on entend faire
Sot discours, ennuyeux récit ;
Où l’on voit bien des gens d’esprit
Qui bien souvent n’en montrent guère ;
Où l’Oisiveté salutaire
Près d’un poêle qui l’assoupit,
Enfume son mauvais habit ;
Où le Caustique atrabilaire
Sans respecter le ministère
De tout aveuglément médit ;
Où les savants, d’avis contraire,
S’embrouillent dans leur commentaire,
Font un bruit qui nous étourdit ;
Où l’on blâme mainte chimère,
Où l’on contrôle chaque écrit.