Les Barques d’or du bel été

Mercure de France (p. 121-122).

XXVI


Les barques d’or du bel été
Qui partirent, folles d’espace,
S’en reviennent mornes et lasses
Des horizons ensanglantés.

À coups de rames monotones,
Elles s’avancent sur les eaux ;
On les prendrait pour des berceaux
Où dormiraient des fleurs d’automne.

Tiges de lys au beau front d’or,
Toutes vous gisez abattues ;
Seules, les roses s’évertuent
À vivre, au delà de la mort.


Qu’importe à leur beauté plénière
Qu’Octobre luise ou bien Avril :
Leur désir simple et puéril
Boit, jusqu’au sang, toute lumière.

Même aux jours noirs, quand meurt le ciel,
Sous la nuée âpre et hagarde,
Sitôt qu’une clarté se darde
Elles s’exaltent vers Noël.

Vous, nos âmes, faites comme elles ;
Elles n’ont pas l’orgueil des lys,
Mais détiennent, entre leurs plis,
L’ardeur sacrée et immortelle.