Les Bains de Loèche, Suisse, Canton du Valais/Phénomènes naturels

PHÉNOMÈNES NATURELS


Parmi les scènes imposantes que l’étranger en séjour à Loèche est appelé à contempler, un orage survenu subitement occupe sans contredit une des premières places. L’aspect en est d’une solennité indescriptible, lorsque tout à coup des masses de gros nuages obscurcissent le ciel ; que le tonnerre éclate et gronde à une faible distance ; que les éclairs se succèdent pour ainsi dire sans interruption, déchirent le sombre voile et éclairent les parois de rochers d’une lueur incandescente ; qu’une pluie diluvienne vient fondre sur la vallée et inonde les flancs des montagnes, métamorphosant chaque ravin en torrent impétueux dont les flots bondissent dans l’espace, pour retomber en chutes fumantes ; que la Dala, naguère encore paisible ruisseau au doux murmure, est changée en rivière sauvage et entraîne dans sa course folle l’humus des prairies, ou se brise avec un fracas inutile contre les murs calcaires, pour se précipiter avec une nouvelle rage vers les gorges par lesquelles elle va se déverser dans le Rhône.

Mais le charme redouble pour tous nos sens lorsque après ce choc terrible nous apercevons de nouveau la voûte azurée ; lorsque nous absorbons à pleine poitrine l’air rafraîchi et purifié de la montagne ; lorsque la fureur des éléments s’est en quelque sorte épuisée et que cette pompeuse nature alpestre s’offre à nos yeux dans ses habits de fête ; lorsque l’Altels découvre sa tête blanchie, éclairé par les rayons de pourpre du soleil couchant, et en projette les reflets sur toute la contrée. Sur ces entrefaites, tout un monde de baigneurs, un instant confiné dans ses cellules, s’empresse d’accourir au grand air pour admirer cette transformation. Les terrasses des hôtels, les promenades se garnissent de spectateurs curieux ; ni la fraîcheur du soir, ni les approches de la nuit ne parviennent à les faire rentrer. Quelle douce émotion ce spectacle n’éveille-t-il pas chez un être sensible ! Le cœur est débordé par toutes les impressions que cette journée a fait naître. C’est le moment pour chacun de se débarrasser du fardeau qui lui pèse, de communiquer ses observations, de causer, de donner essor, par la parole ou par le chant, à tous ces sentiments divers qui agitent et remuent l’âme jusque dans ses replis les plus intimes.




La fantaisie la plus vive d’un paysagiste n’a peut-être jamais reproduit un tableau comparable à celui que présente la vallée des bains pendant les mois de décembre, janvier, février et mars. Une personne qui n’a visité la contrée que pendant la belle saison, ne s’y reconnaîtrait que difficilement, tant l’aspect en est différent. Toutes les dépressions de terrain ont été nivelées par les neiges que le vent a chassées ; les précipices ont été comblés par les avalanches ; au lieu de cascades, l’on voit d’énormes glaçons suspendus comme des stalactites aux parois du roc ; les sentiers sont déserts, la grande route de Loèche elle-même n’offre qu’un sillon étroit et profond ; seules, la Dala et les sources thermales se sont creusé leur lit dans la couche épaisse qui recouvre le sol. Au village même, les hôtels et les établissements de bains sont inhabités ; à peine quelques traces de pas y conduisent à travers la place déserte. Les petites constructions ont presque disparu ; les toitures des maisons ont dû être déchargées de la neige qui les recouvre, de peur qu’elle ne s’affaissent sous la pression ou que des masses congelées, venant à se détacher tout à coup, ne retombent sur la voie publique au grand préjudice des passants.

En avril, c’est un spectacle à la fois grandiose et terrible, lorsque aux approches du printemps, par suite de l’élévation de la température, le dégel arrive subitement et que les avalanches se précipitent de tous côtés avec un fracas épouvantable ; on voit alors ces immenses amas de neige descendre presque perpendiculairement les flancs des montagnes et envelopper leurs contours de tourbillons de poussière qui retombe vers les profondeurs comme un épais brouillard.

On pourra se faire une idée de la quantité considérable de débris amoncelés par une seule avalanche qui se produit sur un long parcours, quand on saura que, même au fond de la vallée, un été chaud ne suffit pas toujours pour les liquéfier. Comme le lecteur a pu le voir dans la partie historique de cette notice, des accidents de ce genre sont le fléau le plus redoutable qui soit venu assaillir les bains ; heureusement que sa fureur a été domptée, vu que depuis nombre d’années il ne s’est plus reproduit, grâce aux travaux considérables qui ont été exécutés pour préserver Loèche-les-Bains de nouveaux désastres.

Une tournée aux bains de Loèche pendant la froide saison doit présenter un attrait tout à fait particulier au citadin et à l’habitant de la plaine en général, lesquels y trouveront des émotions inaccoutumées. Les excursions de montagne en hiver devenant de plus en plus à la mode, la vallée des Bains serait, sous tous les rapports, un but bien attrayant pour les amateurs de semblables promenades.