Les Aventures de Til Ulespiègle/LXXXIV

Anonyme
Traduction par Pierre Jannet.
À l’enseigne du pot cassécoll. Scripta Manent, n°44 (p. 199-200).

CHAPITRE LXXXIV.


Comment Ulespiègle mit une aubergiste le dos tout
nu sur la cendre chaude.



Les mauvais propos attirent des ennuis. Comme Ulespiègle revenait de Rome, il arriva dans un village où il y avait une grande auberge. L’hôte était absent. Ulespiègle demanda à l’hôtesse si elle connaissait Ulespiègle. L’hôtesse répondit : « Non, je ne le connais pas, mais j’ai bien entendu parler de lui, et dire qu’il est un fieffé mauvais sujet. – Chère hôtesse, dit Ulespiègle, pourquoi dites-vous qu’il est un mauvais sujet, puisque vous ne le connaissez pas ? – Qu’est-ce que cela fait, dit l’hôtesse, que je ne le connaisse pas ? Cela importe peu. On dit que c’est un mauvais garnement. — Chère dame, dit Ulespiègle, vous a-t-il jamais fait de la peine ? Qu’il est un mauvais sujet, vous le dites d’après des bavardages ; mais vous ne savez rien de particulier contre lui. – Je dis, répliqua la dame, ce que j’ai entendu dire par les personnes qui viennent ici. » Ulespiègle ne dit rien. Le lendemain, il se leva de bonne heure, écarta les cendres chaudes, s’en alla près du lit, prit l’hôtesse, qui dormait, l’alla placer le dos tout nu sur les cendres chaudes, qui la brûlèrent cruellement, et dit : « Voyez, l’hôtesse ; maintenant vous pouvez bien dire d’Ulespiègle qu’il est un malicieux ; vous le sentez maintenant, et vous l’avez vu, maintenant vous pourrez le reconnaître. » La femme se mit à crier à l’aide ; cependant Ulespiègle sortit de la maison, et dit : « C’est ainsi qu’on doit terminer le voyage de Rome. »