Les Aventures de Til Ulespiègle/CIV
CHAPITRE CIV.
ne fois le paysan voulut aller au bois avec
Ulespiègle chercher une charretée de bois.
Ulespiègle était monté sur le cheval, et le paysan sur la charrette. Celui-ci vit un lièvre
traverser le chemin devant eux, et dit à Ulespiègle :
« Retourne, retourne ! c’est mauvais signe quand
un lièvre coupe le chemin à quelqu’un. Nous ferons
autre chose aujourd’hui. » Ils s’en retournèrent. Le
lendemain, ils se mirent en route pour le bois. Comme
ils en approchaient, Ulespiègle s’écria : « Maître,
voilà un loup qui vient de traverser le chemin. – Va
toujours dit le paysan ; c’est signe de bonheur quand
on rencontre un loup sur son chemin. » Étant arrivés,
ils dételèrent le cheval et le mirent à paître dans la
prairie ; puis ils s’en allèrent faire du bois. Quand
ils eurent fini, le maître envoya Ulespiègle chercher
le cheval et la charrette pour charger. À l’issue du
bois Ulespiègle vit le cheval étendu par terre, et un
loup qui avait la tête cachée dans son ventre et le
dévorait. Il en fut content intérieurement, et courut
vers son maître en criant : « Venez vite, maître ! le
bonheur est dans le cheval ! – Que dis-tu là ? –
Venez vite, ou vous manquerez le bonheur ! » Le
paysan le suivit, et vit le loup qui dévorait son
cheval. Alors Ulespiègle lui dit : « Maître, si nous
étions venus hier, le lièvre que nous avions rencontré
n’aurait pas mangé votre cheval. Je ne veux plus
rester avec vous, parce que vous êtes superstitieux. »