Anonyme
Traduction par Pierre Jannet.
À l’enseigne du pot cassécoll. Scripta Manent, n°44 (p. 233-234).
Appendice

CHAPITRE CIV.


Comment Ulespiègle entra au service d’un paysan.



Une fois le paysan voulut aller au bois avec Ulespiègle chercher une charretée de bois. Ulespiègle était monté sur le cheval, et le paysan sur la charrette. Celui-ci vit un lièvre traverser le chemin devant eux, et dit à Ulespiègle : « Retourne, retourne ! c’est mauvais signe quand un lièvre coupe le chemin à quelqu’un. Nous ferons autre chose aujourd’hui. » Ils s’en retournèrent. Le lendemain, ils se mirent en route pour le bois. Comme ils en approchaient, Ulespiègle s’écria : « Maître, voilà un loup qui vient de traverser le chemin. – Va toujours dit le paysan ; c’est signe de bonheur quand on rencontre un loup sur son chemin. » Étant arrivés, ils dételèrent le cheval et le mirent à paître dans la prairie ; puis ils s’en allèrent faire du bois. Quand ils eurent fini, le maître envoya Ulespiègle chercher le cheval et la charrette pour charger. À l’issue du bois Ulespiègle vit le cheval étendu par terre, et un loup qui avait la tête cachée dans son ventre et le dévorait. Il en fut content intérieurement, et courut vers son maître en criant : « Venez vite, maître ! le bonheur est dans le cheval ! – Que dis-tu là ? – Venez vite, ou vous manquerez le bonheur ! » Le paysan le suivit, et vit le loup qui dévorait son cheval. Alors Ulespiègle lui dit : « Maître, si nous étions venus hier, le lièvre que nous avions rencontré n’aurait pas mangé votre cheval. Je ne veux plus rester avec vous, parce que vous êtes superstitieux. »