Les Assemblées du clergé en France sous l’ancienne monarchie/02

Les Assemblées du clergé en France sous l’ancienne monarchie
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 32 (p. 509-555).
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LES
ASSEMBLEES DU CLERGE
EN FRANCE
SOUS L'ANCIENNE MONARCHIE

II.[1]
LES ASSEMBLÉES ECCLÉSIASTIQUES SOUS HENRI IV ET LOUIS XIII.

Les assemblées du clergé assurèrent à l’église gallicane l’autonomie administrative, mais elles ne firent pas preuve à toutes les époques d’une égale indépendance. Les députés des provinces ecclésiastiques ne montrèrent pas à chaque session le même degré de fermeté, ne résistèrent pas constamment avec énergie aux exigences du gouvernement royal. Le roi déployait-il dans l’exercice de son autorité de la vigueur, voire de la violence, était-il servi par des ministres résolus et intelligens, l’assemblée du clergé apportait moins de raideur et d’insistance dans ses doléances, devenait plus accommodante pour les demandes de subsides, et, redoutant des entreprises qui eussent compromis la liberté de l’église, elle s’imposait d’elle-même des sacrifices et en passait finalement par les volontés de la couronne. Le roi au contraire s’adressait-il avec quelque timidité au clergé, donnait-il des signes de faiblesse, tergiversait-il dans ses prétentions, l’assemblée élevait la voix et se refusait à toute concession de nature à amoindrir les droits de l’église ; elle attaquait hautement les actes du pouvoir et mettait au roi, comme on dit vulgairement, le marché à la main. De là des vicissitudes dans l’existence de ces assemblées, tour à tour dictant des conditions au gouvernement ou subissant docilement celles qu’il imposait. La conduite des assemblées générales du clergé fut donc le miroir assez fidèle de l’état de la monarchie. Indépendantes et hardies sous Henri III, elles récriminent tout en cédant et font preuve de plus d’obstination que de fermeté sous Henri IV. D’abord hésitantes sous Richelieu, parce qu’elles se flattent de trouver dans ce ministre, qui ne supporte pas leur opposition, toute faible qu’elle soit, un protecteur des immunités de l’église, dont il est l’un des princes, elles s’aguerrirent par degré à lui résister. Elles devinrent presque frondeuses sous la fronde, puis elles se résignèrent peu à peu avec la nation à la sujétion à laquelle les condamnait Louis XIV. Leur indépendance ne se relève que lorsque l’éclat de la puissance de ce monarque s’affaiblit et quand sa dévotion, qui s’augmente avec l’âge, leur fournit une garantie de sa soumission à l’église. Sous le ministère du cardinal de Fleury, elles regagnent en liberté et en crédit, mais vers la fin du règne de Louis XV, sous celui de Louis XVI, elles subissent quelque peu l’influence de l’opinion publique, qui tend à devenir une puissance ; il leur faut rendre les derniers combats pour la défense d’immunités déjà compromises et que le gouvernement menace d’abolir. Les assemblées du clergé n’en obtiennent le maintien que par des votes répétés de décimes qui font rentrer les membres du corps sacerdotal dans les rangs des citoyens obligés de supporter une part de l’impôt et des charges de l’état. D’ailleurs, pour obtenir une protection contre l’hostilité de plus en plus prononcée du parlement, pour s’assurer le concours de l’autorité laïque dans la guerre contre le jansénisme, qui recrutait jusque dans ses rangs, le clergé était obligé sans cesse à de nouvelles concessions envers la couronne. Il s’efforçait souvent, il est vrai, de reprendre ce qu’on lui avait arraché ; il luttait contre les progrès de l’esprit moderne opposé au principe en vertu duquel le sacerdoce se place, au-dessus de la nation, et, quand éclata la révolution de 1789, il venait dans la dernière de ses assemblées de jeter un cri d’alarme en rappelant encore une fois au roi son titre de fils aîné de l’église.

Voilà, en, quelques mots, l’histoire des assemblées du clergé, depuis celle de Poissy jusqu’à celle de 1788, Nous devons maintenant en indiquer plus en détail les phases principales.


I

L’embarras où s’était trouvé le gouvernement royal pour payer les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris avait donné naissance au contrat dont le renouvellement amena la convocation périodique d’assemblées générales du clergé. Les concessions de l’assemblée de Melun ne tirèrent cependant pas la couronne de la fâcheuse situation financière dans laquelle elle se débattait, et quelques années s’étaient à peine écoulées que Henri III s’adressait encore au clergé. Malgré les promesses qu’il lui avait faites, il en réclamait, dès le printemps de 1580, deux décimes extraordinaires, à cause, disait-il, des sept camps qu’il lui fallait entretenir pour ranger les huguenots, et, remarque Pierre de l’Estoile, qui relate ces paroles, il leur aurait fait belle peur, s’il en avait eu seulement un bon. L’agitation et le désordre croissaient tous les jours dans le royaume au préjudice du trésor royal, dont la pénurie avait sa première cause dans la mauvaise administration et de folles prodigalités. La guerre contre les protestans obligeait à des dépenses énormes, et les ressources du pays étaient presque totalement épuisées. L’assassinat d’Henri III et les entreprises de la ligue contre Henri IV mirent le comble à la détresse financière. Chaque parti belligérant levait des impôts et s’appropriait à son tour les décimes dont le clergé avait antérieurement consenti la levée.

Sans cesse les bénéficiers se voyaient contraints de payer deux fois, alternativement rançonnés par les ligueurs et les huguenots, qui se succédaient dans le canton où étaient situés les bénéfices : heureux encore quand tout ne leur était pas enlevé ; les pillards ravageaient tout, églises, champs, habitations personnelles. Nombre d’ecclésiastiques se trouvaient conséquemment hors d’état d’acquitter leur part d’impôt. Ajoutez que ce qui rentrait des décimes dans les coffres du roi était presque toujours détourné de sa destination, et que les rentiers attendaient vainement leur quartier. Une assemblée régulière du clergé s’était tenue en 1586, alors qu’Henri III subissait la domination des Guises, auxquels l’avait livré le traité de Nemours ; il n’était pas alors en situation d’obtenir beaucoup du clergé. La guerre civile empêcha la réunion de toute assemblée générale tant qu’Henri IV ne se fut pas rendu maître de Paris. Une fois reçu dans sa capitale, l’un de ses premiers soins fut de porter remède à la détresse du trésor. Il était urgent d’aviser aux moyens d’en combler l’énorme déficit Pour y arriver, il importait de relever le crédit public, d’assurer le service régulier des rentes de l’Hôtel de Ville et la solde de l’arriéré dû aux rentiers. Le mécontentement était général chez ceux-ci, et il se manifestait de tous côtés. On devança donc l’expiration du terme de dix ans qui devait amener la réunion d’une assemblée générale et, dès le mois de mars 1595, le roi en convoquait une pour cette année même. Elle devait dresser l’état exact des sommes perçues dans la levée des décimes, de celles qui restaient à recouvrer et ouïr les comptes du receveur général du clergé ; tout cela en vue de mettre fin aux réclamations du bureau de la ville de Paris. L’œuvre était difficile. Sitôt réunie dans la capitale[2], l’assemblée voulut, avant de statuer sur les décimes à consentir, se faire une idée précise de ce que les bénéficiers avaient payé depuis la dernière réunion. Elle attendit que le receveur général, qui était alors le sieur Philippe de Castille, fût nanti de toutes les pièces nécessaires à la reddition de son compte ; mais dans le désordre de la guerre les formalités imposées pour l’établissement des pièces de comptabilité étaient fort loin d’avoir été observées, et Philippe de Castille ne parvenait pas adresser l’état complet qu’on lui demandait ; il lui fallait du temps pour mettre le compte sur ses pieds. Les journées s’écoulèrent donc sans qu’on pût procéder à l’audition des comptes du receveur général, et l’assemblée régla, en attendant, diverses questions concernant la discipline et l’administration du temporel de l’église. Les rentiers s’impatientaient. Le prévôt des marchands et les échevins pressaient les députés ; ils se rendirent à plusieurs reprises à l’assemblée afin d’y insister pour que le clergé s’acquittât au plus tôt d’une obligation qu’il avait, suivant eux, contractée, les particuliers n’ayant consenti à bailler leurs deniers que parce qu’ils comptaient sur la garantie de l’ordre ecclésiastique. L’assemblée, tout en assurant les magistrats municipaux qu’elle ne cessait de s’occuper de cette affaire, refusa de se tenir pour engagée à l’avance envers la ville de Paris ; elle fit remarquer que le clergé avait déjà satisfait à la convention passée avec le roi, les décimes accordés ayant été payés par les bénéficiers, sauf les décharges qu’avaient justement obtenues les ecclésiastiques dépouillés. Si ces décimes n’étaient pas tous entrés dans le trésor royal pour y être appliqués au service des rentes, c’est qu’ils avaient été employés à l’entretien des armées par les gouverneurs et commandans des provinces, qui en avaient requis l’acquittement. L’assemblée objectait en outre, à l’égard des arrérages restés dus, que, le roi ayant dispensé ses sujets du paiement de l’arriéré des tailles jusqu’à l’année 1594, le premier ordre de l’état ne devait pas être traité moins favorablement que les deux autres. D’ailleurs certaines villes n’avaient déposé les armes et ne s’étaient rendues au roi que par des capitulations où était stipulée l’exemption des impôts et des décimes arriérés ; ces capitulations devaient être respectées. Quoi qu’il en fût, ajoutait encore l’assemblée, elle ne pouvait rien statuer avant d’avoir examiné les comptes du receveur général, qui n’étaient pas prêts. Le prévôt des marchands et les échevins trouvèrent ces raisons fort mauvaises, et les pourparlers se continuèrent sans qu’on aboutît.

Henri IV, qui faisait en Picardie la guerre aux Espagnols et aux ligueurs, se trouvait alors à Compiègne. Fatigué des lenteurs de l’assemblée, il résolut de la transférer dans cette ville, où il lui serait plus facile de peser sur ses délibérations. Il manda donc aux députés qu’ils eussent à se transporter à Compiègne, où il leur avait fait préparer des logemens ; de cette manière, disait le roi, ils n’auraient plus besoin d’envoyer sans cesse des délégués près de sa personne. Le 6 décembre 1595, une ordonnance datée de Folembray, où le roi avait alors son camp, prescrivit aux députés de venir tenir leurs séances à Compiègne. Ceux-ci reçurent avec beaucoup de déplaisir l’ordonnance ; ils n’avaient nulle envie de quitter Paris. Aussi ne se hâtèrent-ils pas d’y obtempérer, et ils écrivirent au monarque pour lui remontrer les inconvéniens de la mesure ; ils adressèrent de pareilles observations au chancelier, Hurault de Cheverny, et aux trois commissaires du roi, Bellièvre, Villeroy et Ruzé. L’assemblée ne se borna pas à des lettres, elle expédia encore auprès d’Henri IV l’un des agens généraux, l’abbé Prévost, afin d’obtenir le retrait de l’ordonnance de translation à Compiègne. L’abbé insista fort ; il vit par trois fois le roi et employa toutes les supplications pour le faire revenir sur sa décision. Henri IV résistait ; il se plaignait de ce que les députés n’en finissaient pas à Paris. « De même, disait-il, qu’en la création des papes l’on enferme les cardinaux au conclave avec beaucoup d’incommodité pour avoir plus tôt fait, ainsi il est bon que l’assemblée sente quelque incommodité à Compiègne pour mettre plus tôt fin aux affaires. » La réponse du roi n’ébranla pas les députés, qui persistèrent à surseoir à leur départ, et, sans se décourager de l’insuccès de leurs premiers efforts, ils dépêchèrent une nouvelle députation au roi. L’ambassade mit tant d’insistance que Henri IV, ennuyé, céda, et des lettres patentes, datées de son camp de Folembray, du 13 janvier 1596, autorisèrent l’assemblée à demeurer à Paris.

Tandis que ces démarches se poursuivaient, le prévôt des marchands et les échevins, voyant que leurs réclamations n’aboutissaient pas et que la nouvelle échéance des rentes, qui tombait à la Chandeleur, s’approchait, prirent un grand parti. Ils sollicitèrent du parlement un arrêt pour obliger le clergé à payer aux rentiers ce qui leur était dû. Ils pouvaient compter sur l’appui de cette haute cour, généralement peu favorable au clergé ; elle donna en effet satisfaction à la demande. MM. de l’Hôtel de Ville, en vue de nettement établir leurs droits, avaient peu auparavant adressé un Mémoire à l’assemblée où ils lui proposaient un moyen de trouver de l’argent : il s’agissait de faire face au paiement des rentes par l’aliénation de certaines parties des biens du clergé ; mais les députés avaient rejeté la proposition, en objectant qu’outre le préjudice qui résulterait de l’application d’une telle mesure pour l’église et pour le culte, leurs procurations y étaient formellement contraires. C’est sur ce refus que le parlement se fonda pour rendre l’arrêt que réclamait la municipalité parisienne. Le sieur de Castille vint en toute hâte à l’assemblée lui apprendre qu’il avait été appelé devant le parlement, à la requête du prévôt des marchands et des échevins ; cette cour lui avait enjoint de présenter l’état des décimes pour 1595 et signifié qu’examen fait de ses comptes il aurait à bailler 100,000 écus pour un quartier des rentes de la ville, assignées sur le clergé, et cela dans un bref délai, sauf à lui à faire ensuite les diligences, et que, faute de se rendre à la décision de la cour, il serait constitué prisonnier. Castille ajoutait que MM. de la ville s’efforçaient de leur côté de faire ordonner que leur receveur fût autorisé à délivrer des rescriptions sur les receveurs provinciaux et particuliers des décimes, rescriptions que lui, Castille, serait tenu de prendre d’eux pour argent comptant. Le pauvre receveur général suppliait le clergé de venir à son aide en cette rencontre, mais les députés ne se laissèrent pas toucher par sa triste position, et tandis que les pourparlers allaient leur train au sujet des demandes du roi, le parlement, à l’instigation du prévôt des marchands et des échevins, continuait ses poursuites contre le receveur général ; on voulait le contraindre à payer ce qui était dû pour les rentes des années 1594 et 1595. L’assemblée décida qu’elle enverrait une supplique au roi, pour en obtenir que défense fût faite au parlement de connaître des affaires du clergé concernant l’Hôtel de Ville. Mais cette cour, qui voulait pousser les choses à l’extrême, rendit son arrêt définitif contre Castille dans les termes mêmes qu’avait sollicités la municipalité parisienne. Elle le condamnait à payer 24,000 écus. Le malheureux receveur général vint une seconde fois implorer l’appui de l’assemblée ; il lui demanda de supplier le roi qu’empêchement fût mis à l’exécution de l’arrêt, auquel il ne pouvait obéir, n’ayant point dans sa caisse les 24,000 écus dont il était déclaré débiteur. Prise de corps fut décrétée contre lui par le parlement, et l’on vint pour l’arrêter. Castille fit un nouvel appel à l’humanité de l’assemblée, lui demandant de se porter caution pour lui, afin qu’il ne fût pas mis en prison. Les députés restèrent sourds à sa prière ; ils ne consentirent même pas alors à solliciter humblement du roi que le parlement ne connût pas de l’affaire du receveur général, et ils se bornèrent à décider qu’une requête serait adressée par eux à Sa Majesté en vue d’en obtenir un arrêt de règlement interdisant qu’à l’avenir la cour intervînt dans tout ce qui touchait au contrat passé par le clergé avec la couronne en matière de subvention et de décimes. Castille, heureusement pour lui, trouva des amis plus obligeans que n’étaient les députés et qui lui fournirent caution ; en sorte que les huissiers, au lieu de le conduire en prison, se contentèrent de le constituer prisonnier dans sa propre demeure. L’arrêt du parlement n’enjoignait pas seulement à Castille de payer immédiatement les 24,000 écus, il lui imposait encore l’obligation de compter, dans les deux mois, 50,000 autres écus. L’assemblée consentit à se porter caution de son receveur général pour cette dernière somme, mais elle refusa nettement de décharger les amis de Castille de la garantie de la première. La position du receveur général demeurait donc très fâcheuse. Un remords finit par prendre les députés ; ils comprirent qu’ils étaient moralement obligés à défendre Castille contre le parlement, et ils décidèrent que la requête au roi, dont il avait été déjà question et tendant à obtenir l’évocation de l’affaire devant le conseil, serait enfin présentée. Castille obtint de son côté une mise en liberté provisoire, destinée à lui permettre de rendre à l’assemblée ses comptes, reddition toujours ajournée à raison de la difficulté de se procurer les pièces nécessaires.

Ces arrangemens ne se conclurent pas sans de longs pourparlers, d’interminables allées et venues entre tous les intéressés. Le chancelier Cheverny y prit une part active ; il n’avait pas suivi le roi en Picardie, et, comme il le dit dans ses Mémoires, « il était resté à Paris, afin de donner ordre de tous les côtés en son absence et de pourvoir à l’argent et autres choses. » Il persistait à soutenir qu’on ne pouvait réformer l’arrêt du parlement, que c’était seulement pour l’avenir qu’il y avait lieu de prendre des mesures propres à empêcher la cour de connaître de ce qui concernait les décimes. Divers personnages haut placés, le connétable notamment, s’étaient aussi entremis dans la négociation entre l’assemblée, le parlement et l’Hôtel de Ville, afin d’amener un accommodement. Cela eut pour effet de faire consentir la municipalité parisienne à un délai au paiement des 50,000 écus. Mais ce n’étaient là que des atermoiemens, et rien n’était décidé quant au fond. Les députés du clergé s’entêtaient à ne rien concéder pour le paiement des rentes avant d’avoir tiré à clair ce qui avait été levé à titre de décimes depuis l’année 1586 et établi ce que chaque province ecclésiastique avait donné. C’était là une opération difficile dont on ne pouvait prévoir le terme, puisque plusieurs provinces étaient encore en proie à la guerre civile. L’assemblée laissa en conséquence sans réponse officielle le Mémoire de MM. de la ville, et se contenta d’en ordonner le dépôt dans ses archives. Elle persistait d’autant plus dans ses refus que la commission nommée par elle pour examiner les comptes de Castille s’était convaincue que, loin de pouvoir fournir une somme de 100,000 écus, comme le parlement voulait l’exiger du receveur général, celui-ci pouvait tout au plus verser 27 ou 28,000 livres. L’entêtement de l’assemblée ne fit que donner plus d’activité aux pourparlers qui se poursuivaient toujours entre elle, le chancelier et les commissaires royaux, auxquels les députés représentaient perpétuellement la pauvreté du clergé et l’impossibilité où il se trouvait de satisfaire aux désirs de la couronne et d’assurer le paiement des rentes de l’Hôtel de Ville. Henri IV n’entendait pas à ces raisons et continuait de presser les députés d’accorder les sommes nécessaires, leur répétant que le non-paiement des rentes porterait préjudice à des personnages puissans qu’il importait de ne pas mécontenter, et réduirait à la misère une foule de petites gens. La compagnie faisait la sourde oreille à ces objurgations ; elle maintint qu’elle ne pouvait prendre de décision avant d’avoir réglé diverses questions touchant au spirituel et reçu réponse du roi aux remontrances sur les abus et les faits de simonie qui affligeaient l’église et étaient dus à l’ingérence de l’autorité royale. Tout ce que Henri IV put obtenir, ce fut que les députés s’occuperaient immédiatement de l’affaire des rentes de l’Hôtel de Ville. Mais peu de jours après la conférence, l’assemblée répondait encore à Sillery et Bellièvre, qui, au sortir d’une entrevue avec MM. de la ville, étaient venus la presser d’en finir, qu’elle ne se départirait pas de ses résolutions. Le clergé, affirmait-elle, avait, par les années passées, payé beaucoup plus qu’il ne devait, et le contrat invoqué par l’Hôtel de Ville n’avait plus dès lors d’effet. C’était au roi à satisfaire aux réclamations des rentiers. Bellièvre allégua l’impossibilité absolue où se trouvait la couronne de le faire, qu’il s’agissait pour le présent du salut du royaume menacé d’être envahi par l’ennemi ; au lieu d’arguer de nullité le contrat, il était, disait-il, beaucoup plus du devoir de l’assemblée de porter remède à une situation périlleuse. Il ajoutait que l’assemblée devait aviser d’autant plus promptement que le parlement poursuivait l’exécution de l’arrêt qui la condamnait à renouveler le contrat et lui interdisait de se séparer avant de l’avoir fait. L’arrêt avait effectivement été signifié par huissier à l’assemblée, mais celle-ci s’était refusée à recevoir l’exploit, déclinant la compétence du parlement en pareille matière, puisque l’affaire avait été remise à la décision du conseil du roi et que des pourparlers étaient entamés à ce sujet. L’obstination des députés n’était pas faite pour amener à une transaction la municipalité parisienne, irritée de voir toutes ses propositions accueillies par une fin de non-recevoir. Le prévôt des marchands et les échevins s’étaient rendus plusieurs fois au lieu des séances ; ils y avaient fait entendre des paroles fort amères et accusé le clergé de mauvaise foi. Dans une dernière visite à la compagnie, afin de donner plus de poids à leurs réclamations, ils s’étaient fait accompagner d’un grand nombre de gens de qualité. Le président, l’archevêque de Bourges, leur avait répondu d’un ton assez hautain que le clergé n’avait pas pris d’engagement, et il était revenu sur la question, depuis longtemps débattue, de l’origine du contrat. « Le clergé, dit formellement le prélat, n’a valablement contracté qu’avec le roi et par exprès, avec cette clause que Sa Majesté décharge le clergé tant des spoliations et non-jouissances que des interversions de deniers ; la condition et obligation du clergé, qui est un grand corps, le premier état et ordre du royaume, est tout autre que celle des particuliers. Le clergé n’a jamais pensé à convier ceux-ci à bailler leurs deniers et il n’a jamais reçu un sou d’eux. » On le voit, le désaccord demeurait profond entre l’Hôtel de Ville et l’assemblée, et celle-ci n’entendait nullement s’en remettre à l’arbitrage du parlement. Elle concéda que le roi désignerait des juges non suspects, qui prononceraient sur la nature du contrat ; mais elle déclara que le clergé n’était lié, quant à l’avenir, par aucune obligation. Ainsi toute solution amiable semblait impossible, et l’assemblée persistait à liquider l’ancienne dette avant de rien statuer. Elle rejetait absolument l’aliénation du temporel proposé par l’Hôtel de Ville comme un expédient depuis longtemps mis en avant et que les assemblées précédentes avaient toujours repoussé. La demande du roi ne trouva pas près d’elle plus de faveur que la proposition de la municipalité parisienne ; la compagnie dit qu’elle ne voterait aucun nouveau subside avant que réponse fût faite à ses doléances. Henri IV refusait de son côté de recevoir les cahiers ; il chargea le chancelier de répondre en son nom par quelques paroles en l’air qui furent loin de contenter la députation, qui l’était venue trouver, et, les députés ayant laissé percer leur mortification, Cheverny avait répliqué d’un ton presque menaçant, que, si le clergé ne consentait pas au renouvellement du contrat, il pourrait lui en arriver malheur, tant l’irritation était grande à l’Hôtel de Ville. Il s’était pourtant ensuite radouci, et comprenant que, pour arracher à l’assemblée le vote indispensable au renouvellement en question, il fallait faire au moins quelques concessions, il promit au nom du roi l’interdiction des saisies et arrêts qu’avait ordonnés le parlement et la défense pour l’avenir à la cour de connaître des affaires concernant les décimes. L’assemblée obtenait ainsi gain de cause sur un des points qu’elle avait le plus à cœur, car il touchait à l’autonomie de l’église ; elle se montra en retour plus conciliante, et rédigea sans délai les lettres royaux qui devaient être accordées pour les envoyer à la signature du roi. Le chancelier mettait pour condition à cette concession que le clergé fournît 1 million d’écus afin d’acquitter l’arriéré des rentes à partir de l’année 1593 ; quant à ce qui restait dû des décimes pour l’intervalle compris entre 1588 et 1593, le gouvernement y renonçait. Après bien des discussions, l’assemblée accepta de renouveler le contrat, se réservant d’en rédiger elle-même les termes, pour être sûre qu’aucune atteinte n’y serait portée à ses droits. Un projet de rédaction fut en conséquence soumis au chancelier. Les députés ne faisaient toutefois pas grand fond sur les promesses de la couronne, et ils dirent qu’ils ne signeraient le contrat qu’autant que le roi s’engagerait préalablement à délivrer les lettres défendant au parlement de connaître des décimes. Ils n’avaient pas tort de prendre leurs sûretés, car la municipalité parisienne se refusait à la transaction consentie par le roi. MM. de l’Hôtel de Ville déclaraient ne pas vouloir donner leur signature tant que le clergé n’aurait pas pris l’engagement de payer ce qu’ils en réclamaient pour l’arriéré. L’appui du parlement les encourageait dans cette prétention. Mais le gouvernement était trop heureux d’avoir arraché une concession à l’assemblée pour soutenir de telles exigences du côté de l’Hôtel de Ville. Aussi le chancelier manda-t-il le prévôt des marchands et les échevins afin de leur faire entendre raison. La volonté du roi, leur dit-il, est de prononcer lui-même souverainement sur cette affaire. Pendant ce temps-là, on expédia de Paris à Henri IV un courrier qui lui apportait les lettres d’interdiction et le contrat tout rédigés dans la teneur proposée par le clergé, de façon qu’il n’avait plus qu’à y apposer sa signature. Les communications étaient alors, comme on sait, difficiles, non-seulement à cause du mauvais état des routes et de l’insuffisance des relais, mais par suite de la guerre : il ne fallait pas moins de quatre jours pour que ce courrier fût de retour. Les choses ne pouvaient donc être arrangées avant ce délai. L’assemblée avait au reste bonne volonté d’en finir et elle se chargea elle-même des frais du voyage. Par malheur le courrier fut fait prisonnier par les Espagnols. Les pièces ne revinrent pas signées du roi, et, comme le parlement persistait dans l’exécution de son arrêt, comme l’agitation continuait parmi les rentiers, on dut recourir à de nouveaux pourparlers avec l’Hôtel de Ville. Le temps s’écoulait, et le 4 mai 1596 on n’était point encore sorti d’embarras. D’autres dépêches expédiées à Henri IV lui parvinrent à la fin. Le clergé obtint la signature des lettres royaux et les arrêts du conseil qu’il sollicitait. Le parlement se voyait interdit de connaître des contrats en litige et de poursuivre le receveur général. Les bénéficiers exemptés de la clause de solidarité ne se trouvaient plus obligés de payer pour ceux qui étaient dans l’impossibilité de le faire ou que les engagemens antérieurs du roi avaient déchargés. Le parlement vérifia les lettres touchant ces exemptions. Quant à celles qui concernaient l’interdiction, les députés en agirent avec prudence pour ne point blesser la cour, ils ne les lui firent porter à enregistrer que lorsque toute l’affaire eut été définitivement arrangée avec l’Hôtel de Ville.

Ainsi s’acheva ce long débat, dont les phases montrent quelle était la ténacité du clergé. Il parvint, tout en cédant finalement, à maintenir son droit. Quoique l’œuvre de l’assemblée fût loin d’être épuisée, il lui fallut bientôt clore une session qui s’était prolongée au delà de la durée ordinaire ; les députés avaient d’ailleurs hâte de partir. Une députation alla, suivant l’usage, haranguer le roi, qui était alors à Coucy. L’évêque du Mans, Claude, qui prit la parole, résuma les doléances que l’assemblée avait déjà portées au pied du trône. C’était en grande partie la reproduction de celles présentées sous le précédent règne. Le prélat remontra au prince les choix indignes que faisaient les collateurs des bénéfices, dont quelques-uns avaient embrassé l’hérésie, le nombre croissant des abbayes tenues en commende, possédées quelquefois par de simples laïques, ou même par des gens mariés. Il en résultait que les maisons religieuses demeuraient souvent sans règle et finissaient par être abandonnées des moines eux-mêmes. L’évêque du Mans dénonça la lenteur qu’apportaient nombre d’évêques nouvellement nommés à se faire pourvoir à Rome de leurs lettres de provision afin de toucher les revenus de leur évêché sans être obligés de se rendre dans leur diocèse. Il dénonça pareillement la multiplicité de ces contrats simoniaques qu’on appelait confidences, et par lesquelles les bénéficiers faisaient passer une partie de leurs revenus à des personnes étrangères à l’église et dont ordinairement le crédit avait fait obtenir le bénéfice à celui qui s’engageait à en donner secrètement une part. Le prélat n’oublia pas de parler des empiétemens de l’autorité laïque sur les droits sacrés de l’église, que rendait plus faciles l’absence de tant d’évêques de leur siège, empiétemens qui allaient, disait-il, à ce point que les gouverneurs des province prétendaient, par mesure de police, et au mépris de l’autorité épiscopale, désigner les prédicateurs.

Nicolas L’Angelier avait formulé les mêmes plaintes lors de l’assemblée de Melun, et l’esprit de la réponse d’Henri IV ne différa guère de celui que respiraient les paroles d’Henri III. Le fils d’Antoine de Bourbon n’était pas plus disposé que le dernier des Valois à rendre à l’église le droit d’élection, qui l’eût dépouillé d’un puissant moyen d’influence ; il tenait fort au concordat de 1517. Il donna à entendre, comme l’avait fait Henri III, qu’il avait le droit de nommer aux évêchés et aux abbayes, que ses prédécesseurs en avaient joui du consentement du pape et de l’église, et qu’il ne s’en voulait pas dépouiller. Suivant lui, les élections ne se faisaient que par brigues, par factions et par simonie, avant que les rois nommassent aux bénéfices. Prenant occasion de ce que l’évêque du Mans avait dit du progrès de l’impiété et de la nécessité d’y mettre un terme pour conjurer la colère de Dieu, Henri IV, après avoir assuré le clergé de ses bonnes dispositions et de son désir de faire cesser les maux à lui signalés, opposa aux doléances de l’évêque des critiques assez mordantes qu’on trouve rapportées dans les procès-verbaux de l’assemblée générale de 1595. Il dit « qu’il était bien certain que Dieu était courroucé contre le royaume pour nos fautes et dérèglemens, mêmement pour les désordres qui étaient en l’église, lesquels n’avaient commencé de son temps et depuis son avènement à la couronne, mais longuement auparavant ; qu’ils étaient accrus et augmentés par ces dernières guerres, desquels il rejette la faute principale sur les ecclésiastiques. » Puis, ayant assez amplement discouru « des malheurs et ruines que les guerres avaient apportés en ce royaume, et comme elles y avaient donné entrée et admis l’étranger, ce qui entretenait la guerre, dont il donna la faute et en accusa comme principaux auteurs lesdits ecclésiastiques ; » le roi dit après « que le mauvais gouvernement de la plupart en leurs charges avait été cause des désordres, les blâmant du peu de devoir qu’ils faisaient, ayant peu de soin de l’honneur de Dieu, de l’instruction du peuple et du gouvernement spirituel de ceux qui leur étaient commis en charge, pensant plutôt à leur intérêt et commodités particulières, à se donner du bon temps, et à leurs plaisirs et voluptés, dépensant en cela les biens et revenus de l’église, et ne s’acquittant pas mieux du gouvernement de leurs bénéfices que les gentilshommes et personnes laïques qui en jouissent, que même aux distributions des bénéfices qui étaient de leurs collations, ils n’avaient guère d’égards à la capacité des personnes, mais les baillaient à qui en offrait le plus ; que ces fautes et autres désordres desdits ecclésiastiques, et leur ignorance, avaient été cause de la diversité de religions qui s’est introduite en ce royaume et l’y entretient. » Henri IV finit en exhortant les ecclésiastiques à faire ce qui était de leur charge, et « pendant que la noblesse et gens de guerre combattaient les ennemis, qu’ils rebâtissent le temple, se réformant entre eux et montrant les premiers l’exemple de bien faire. »

Cette mercuriale humilia fort l’évêque du Mans, qui dut avouer que le clergé avait beaucoup à se reprocher. Il ajouta que c’était précisément pour porter remède aux désordres rappelés par le roi que le clergé s’était assemblé et sollicitait l’intervention de la couronne pour la stricte exécution de ses décisions. Henri IV repartit que les assemblées du clergé s’étaient malheureusement montrées plus soucieuses de ses intérêts temporels que du spirituel ; qu’il aviserait dès qu’il aurait près de lui son conseil. La députation ne revint donc qu’à moitié contente. Le différend avec l’Hôtel de Ville fut arrangé à l’amiable. On convint de part et d’autre que, pour payer ce qui restait dû de l’arriéré des rentes, il serait procédé à une revente aux enchères de la portion du domaine ecclésiastique aliénée, du consentement du pape, depuis un certain nombre d’années. On devait rembourser les précédens acquéreurs, accusés d’avoir acheté ces biens à vil prix. On comptait de la sorte réaliser un bénéfice suffisant à l’amortissement d’une partie des rentes de l’Hôtel de Ville. Le clergé dut se trouver encore heureux de s’en tirer à tel prix, car le gouvernement avait été d’abord beaucoup plus exigeant. Il est vrai que celui-ci s’empressa de lui faire payer les lettres d’interdiction au parlement qu’il concédait. Il proposa à l’assemblée, afin d’en tirer un autre subside, de faire revendre, après remboursement des titulaires, les offices de receveurs particuliers des décimes qui avaient été, disait-on, naguère vendus trop bon marché. Elle accueillit assez mal cette ouverture, repoussa par deux fois la proposition et n’y souscrivit qu’après que M. de Lagrange, le commissaire royal, lui eut déclaré qu’une réponse négative offenserait sa majesté, qui, à son regret, se trouverait ainsi forcée de prendre contre le clergé des mesures extraordinaires. La clôture de l’assemblée eut lieu dans les premiers jours de juin 1596 ; elle se sépara sans avoir arrêté les comptes de Castille et conséquemment établi le chiffre exact de ce dont le clergé se trouvait débiteur envers l’Hôtel de Ville. Il fallut deux ans après, en 1598, tenir une nouvelle assemblée exclusivement en vue de cette opération. Mais l’évaluation de toutes les sommes perçues ne pouvait se faire sans inquiéter bien des intérêts, tant ceux des bénéficiers que ceux de l’Hôtel de Ville. Aussi y eut-il de part et d’autre nombre de réclamations. Castille ne put obtenir son quitus complet, et son fils, qui lui succéda, se vit sans cesse exposé aux réclamations de l’Hôtel de Ville touchant le montant des sommes qu’il avait à fournir pour le service des rentes[3]. Lors de l’assemblée de 1617 des contestations de cette nature se produisaient encore, et les députés se plaignaient de la rigueur que montraient les sieurs de la ville à l’égard du receveur général du clergé, à tout instant menacé par eux de prise de corps. Le clergé prit occasion de la réunion de 1598 pour renouveler les doléances auxquelles il n’avait point été donné satisfaction. L’archevêque de Tours, François de La Guesle, adressa à Henri IV des remontrances peu différentes de celles qui lui avaient été faites deux années auparavant à Coucy.

La question des rentes de la Ville paraissait enfin vidée. Le contrat était définitivement accepté par le clergé comme un engagement au renouvellement duquel il semblait ne plus devoir se soustraire. Les mesures financières adoptées par Henri IV sur les conseils de Sully promettaient d’ailleurs pour l’avenir, à cet ordre, l’allégement de ses charges, car elles tendaient à réduire la dette de l’état envers l’Hôtel de Ville de Paris. Le grand ministre travaillait à diminuer la masse des rentes qu’avait à servir le trésor public et pour le paiement desquelles on avait déjà si souvent fait appel aux assemblées. En même temps qu’il réduisait l’intérêt du denier douze, devenu usuraire, au denier dix-huit, au denier vingt et même au denier vingt-cinq, il opérait le remboursement du principal d’un grand nombre de créances. Dans les 5 millions de rentes qui furent ainsi éteintes, les rentes de l’Hôtel de Ville entrèrent pour un chiffre d’environ 1,390,000 livres. On sait que ce ne fut pas sans rencontrer de vives résistances que Sully exécuta, en partie du moins, le projet d’amortissement et de réduction des rentes qu’il avait conçu. Il voulait soumettre à une révision les titres que faisaient valoir les rentiers. La bourgeoisie parisienne était ainsi menacée de voir supprimer une fraction notable de son revenu, et le prévôt des marchands, François Miron, qui a attaché son nom à tant d’embellissemens de la capitale, se fit, avec le jurisconsulte Jacques Leschassier, l’interprète de ses plaintes. Henri IV, qui avait intérêt à ménager sa bonne ville de Paris, se rendit à leurs remontrances ; il sursit à l’application des idées de son ministre ; au moins la mesure ne reçut qu’une exécution partielle. Il resta à servir un chiffre assez considérable de rentes ayant titre certain et qui n’avaient point été amorties. Il fut pourvu à l’acquittement périodique de cette dette par le renouvellement du contrat avec le clergé. Mais les assemblées furent loin de s’y prêter toujours docilement, et aux réunions où il s’agissait d’en débattre les conditions, il y fut plus d’une fois vivement attaqué. A l’assemblée de 1645, l’archevêque de Toulouse se plaignit de ce que le clergé, qui n’avait cessé de remplir ponctuellement ses obligations envers l’état, se vît mis à chaque échéance dans la nécessité de renouveler ce contrat sans obtenir les grâces qui lui étaient promises en retour. Il y avait, disait-il, près de quatre-vingts ans que ce contrat avait été passé pour la première fois, et cependant les rentes n’avaient point été amorties, de façon à libérer l’ordre ecclésiastique ; il ajoutait qu’il était temps de le dispenser d’une telle charge pour l’avenir. Les mêmes plaintes se reproduisirent avec plus de force encore en 1655.

L’époque de la réunion de l’assemblée avait été différée cette année-là jusqu’en octobre ; il en était résulté un retard dans le paiement des rentes. Aux réclamations qui s’étaient élevées à ce sujet, plusieurs députés répondirent en mettant en question la validité d’un engagement qu’on semblait vouloir rendre perpétuel. Informés de leur opposition, les rentiers s’étaient émus ; des attroupemens s’étaient formés dans Paris, et une foule menaçante pénétra dans le cloître du couvent des Grands-Augustins, où se tenait l’assemblée. Bref, on vit alors se répéter ce qui s’était passé en 1579 et en 1595. MM. de l’Hôtel de Ville ne parlaient rien moins que de faire saisir les revenus des bénéficiera. L’assemblée se plaignit au gouvernement de l’intimidation qu’on essayait d’exercer sur ses résolutions, et elle déclara que, si les Parisiens gardaient leur attitude hostile, elle se verrait forcée d’interrompre ses séances ou de les tenir secrètement en lieu sûr. Le gouvernement était à ce moment trop faible pour entrer en lutte avec les députés ; il n’avait pas moins peur d’une population qui, quelques années auparavant, élevait des barricades et contraignait la reine mère et le roi à fuir. Il prit le meilleur parti ; il paya lui-même aux rentiers le quartier en retard, et Mazarin a assuré avoir fait de sa propre bourse les frais du paiement.

Aux assemblées de 1675 et de 1680, on revint encore sur le point de droit que soulevait un contrat que le gouvernement représentait comme n’étant que la continuation de la convention de Poissy. On contesta même les termes dans lesquels ce dernier contrat avait été rédigé. L’assemblée de 1675 confia au promoteur Cheron, savant canoniste, le soin d’examiner la question, et il en fit l’objet d’un long mémoire à l’assemblée. Louis XIV s’en formalisa, et il nomma lui-même des commissaires pour prendre connaissance de la matière et lui en adresser un rapport. Ces commissaires, qui étaient Hotman, Desmarets et Ranchin, semblent ne pas avoir porté par leur travail la conviction dans l’esprit des députés du clergé, car, à l’assemblée générale de 1705, le contrat de Poissy donna encore lieu à de vives discussions ; les agens généraux furent priés de rechercher tout es qui pouvait en éclairer les origines. Le principe du renouvellement périodique du contrat des rentes de l’Hôtel de Ville était néanmoins généralement accepté, et dans les assemblées on ne se refusa plus, à partir de la fin du XVIIe siècle, à accorder les décimes nécessaires au service des arrérages de cette créance ; mais le prévôt des marchands et les échevins durent continuer à chaque assemblée décennale à venir solliciter en personne des députés le vote qui renouvelait cet ancien engagement.

II

Le règne d’Henri IV s’acheva sans que la représentation ecclésiastique eût créé à la couronne de nouvelles difficultés et soulevé des contestations dangereuses entre l’église et l’état. Tout se borna aux réclamations particulières qui accompagnaient inévitablement le vote des décimes et la vérification des comptes. Au commencement du règne de Louis XIII, ce ne fut pas dans l’assemblée spéciale du clergé, mais aux états-généraux du royaume que l’ordre ecclésiastique aborda les plus graves des questions qui tenaient aux rapports de l’autorité spirituelle et de l’autorité laïque. M. G. Picot a exposé dans son excellente Histoire des états-généraux ce que fit le clergé aux états de 1614. Dans cette assemblée, qui devait d’abord se tenir à Sens et que le gouvernement de Marie de Médicis appela à Paris dès qu’il eut l’assurance que la majorité était acquise au parti de la cour, le corps ecclésiastique joua un rôle très important. Il prit au début une attitude sage et vraiment patriotique, conduit qu’il était par des prélats éminens et habiles, les cardinaux de Joyeuse, du Perron, de Sourdis, de La Rochefoucauld. Comptant dans ses rangs des hommes tels que l’éloquent évêque de Belley, Camus, l’ami de saint François de Sales, et ce jeune évêque de Luçon dont les talens attiraient déjà l’attention, le clergé se posa en médiateur entre la noblesse et le tiers-état, animés l’un envers l’autre de sentimens fort hostiles ; il s’efforça de rapprocher par la communauté de vœux les députés respectifs de ces deux ordres ; il proposa qu’avant de procéder à la rédaction des cahiers, on dressât des articles généraux sur les doléances communes à tous les représentans de la nation, ce qui donnerait plus de force à leurs remontrances et en assurerait les effets, la couronne ne pouvant guère se refuser à faire droit à ce qui serait l’expression des sentimens du pays entier. Malheureusement le tiers, qui apportait dans l’assemblée contre les ordres privilégiés une défiance bien concevable, qui était humilié de la place à lui faite, de la distance maintenue entre ses mandataires et ceux du clergé et de la noblesse, qui voyait par exemple son orateur obligé de parler à genoux devant le roi, quand les orateurs des deux autres ordres parlaient debout, fit difficulté pour souscrire à cette sage proposition. Après une séance tumultueuse que ne parvint point à dominer son président Robert Miron, frère du prévôt des marchands François Miron, la chambre du tiers se sépara sans s’être arrêtée à aucune résolution. Le roi ou plutôt la reine mère, qui gouvernait en son nom, se hâta d’interdire aux députés la rédaction de ces articles généraux qui menaçaient d’être fort gênans pour la couronne. Tandis que le tiers-état, abusé par les assurances de Marie de Médicis, rejetait les articles où étaient formulées les remontrances communes aux trois ordres, le clergé persistait dans une proposition dont il lui était facile de faire ressortir les avantages ; il tenta de rapprocher les deux ordres laïques entre lesquels avait lieu un échange de provocations et d’insultes. L’éloquence persuasive du jeune Richelieu rappela aux mandataires de la bourgeoisie les égards qu’ils devaient aux députés de la noblesse ; il ne réussit à en obtenir qu’une protestation par écrit dans laquelle ils déclaraient n’avoir point voulu offenser les gentilshommes. La confiance que le clergé avait su inspirer au tiers ne dura pas longtemps, et la diversité des tendances amena bientôt un dissentiment. Le tiers gardait toutes ses défiances à l’endroit de l’église, dont il redoutait les aspirations théocratiques ; il s’inquiétait, pour la royauté et pour l’exercice de la justice, des prétentions du saint-siège ; aussi voulut-il, en tête de son cahier, rappeler le principe de l’indépendance du roi à l’égard du pape. La chambre ecclésiastique des états s’en émut ; mais, n’osant tout d’abord combattre ouvertement l’espèce de manifeste que le tiers entendait faire, elle supplia la reine mère d’intervenir en prohibant une déclaration qui pouvait rallumer dans le pays la guerre religieuse. Marie de Médicis hésita et, ne recevant pas de réponse, la chambre ecclésiastique décida d’envoyer deux de ses membres à la réunion du tiers pour lui demander de ne prendre aucune résolution touchant des matières intéressant le clergé sans la lui avoir précédemment communiquée. Les députés du premier ordre s’engageaient en retour à en user de même à l’égard du tiers dans les affaires le concernant. Le troisième ordre refusa d’abord d’obtempérer à cette demande, faite pourtant avec adresse et dans les termes les plus modérés ; mais il finit, après de nouvelles instances, par se rendre aux éloquentes paroles de l’évêque de Montpellier. L’article en question fut donc communiqué à MM. du clergé ; ils ne pouvaient en approuver ni l’esprit ni la teneur. Ils en donnèrent leur avis, qui fut présenté à la chambre du tiers par le cardinal du Perron dans un discours aussi remarquable par la science que par le style et où était combattu le principe contenu dans l’article. Le dissentiment était donc bien accusé entre le premier et le troisième ordre, et, pour être désagréable à ce dernier, la noblesse donna son assentiment à la doctrine que défendait le clergé. L’union, qui avait paru s’établir entre les mandataires de la bourgeoisie et ceux du corps ecclésiastique, devenait impossible. Les deux ordres privilégiés se séparaient ouvertement de celui qui représentait en fait la France, et, au lieu de faire cause commune avec la nation, le clergé rentrait dans cette existence politique à part qui en faisait un peuple distinct au sein du grand peuple. La couronne vit avec satisfaction éclater une division qui affaiblissait l’autorité que pouvaient prendre les états-généraux. Cependant le tiers, qui s’effrayait à l’idée d’un schisme, hésitait à s’engager dans la voie où le poussait son président Robert Miron. Plus résolu dans son hostilité au clergé, le parlement chercha à s’emparer de l’affaire et rendit un arrêt qui déclarait les maximes gallicanes au-dessus de toute controverse. Le conseil du roi, voyant que la querelle s’envenimait et en vue d’empêcher un conflit dangereux, évoqua la cause. Le clergé, profitant habilement de ce que le tiers se sentait quelque peu blessé de l’intervention du parlement, exhortait cet ordre à protester contre l’ingérence de la haute cour. Il s’efforçait de faire purement et simplement supprimer l’arrêt pour ne pas laisser juger la question par le conseil qui avait évoqué l’article du cahier et l’arrêt en des termes dont il n’était nullement satisfait. Il y eut de la part des députés des deux ordres privilégiés redoublement de sollicitations près de la reine mère ; ils en obtinrent une ordonnance enjoignant au tiers de ne point insérer dans son cahier l’article qui soulevait tant de réclamations. Les députés du tiers n’étaient pas d’accord sur l’attitude à prendre. Une délibération fort agitée eut lieu, et ceux qui se rangeaient à l’autorité du roi enlevèrent un vote favorable à ce qu’avait proposé le clergé. Le premier ordre de l’état l’avait donc encore une fois emporté sur le pouvoir laïque ; il avait empêché des résolutions de nature à compromettre ses immunités, car la proclamation de l’indépendance absolue de la couronne à l’égard du saint-siège eût amené l’ingérence de l’autorité civile dans tout ce qui touchait au temporel de l’église gallicane. Le clergé sortit de la sorte des états-généraux de 1614 politiquement plus fort qu’il n’était auparavant, et dans son assemblée particulière de 1617 il obtint le rétablissement des droits de l’église catholique en Béarn et la restitution des biens qu’elle y avait possédés.

En retour de l’appui qu’il trouvait près du trône contre les revendications de l’autorité laïque, le corps sacerdotal dut lui prêter un concours pécuniaire plus en rapport avec ses immenses revenus. Les dépenses de la couronne s’étaient prodigieusement accrues par les grandes entreprises qu’elle poursuivait. Louis XIII avait à soutenir la guerre contre les calvinistes ; il était certes bien fondé à réclamer du clergé des subsides extraordinaires pour en assurer le succès, tous les coups qu’il portait aux religionaires ne relevaient-ils pas d’autant la puissance de l’église catholique mise en péril par les efforts de l’hérésie. Les assemblées du clergé qui suivirent les états-généraux de 1614 auraient donc été mal venues à repousser les demandes que leur adressait le roi. D’ailleurs, une fois Richelieu arrivé au ministère, elles en subirent l’ascendant. Le cardinal n’entendait pas placer les immunités de l’église au-dessus des intérêts de l’état ; ses principes comme ministre n’étaient plus ceux qu’il avait soutenus étant député aux états-généraux de 1614, alors qu’il disait : « N’est-ce pas une honte d’exiger des personnes consacrées au vrai Dieu ce que les païens n’ont jamais désiré de ceux qui étaient dédiés à leurs idoles ! » Placé à la tête de l’état, il pensait que le clergé, en possession de tant de bénéfices, devait porter sa part des charges publiques et payer aussi des impôts. Malgré la puissance dont il disposait, il ne réussit pas à assujettir le clergé à la condition des autres ordres ; il rencontra toujours dans les assemblées une résistance, qui devint plus manifeste à la fin du règne. La preuve de cette opposition constante du clergé aux vues du cardinal nous est fournie par ce qui se passa aux assemblées de 1623 et de 1625. Dans cette dernière, Richelieu compta plus d’un rude contradicteur ; il eut à lutter contre les cardinaux de La Valette et de Sourdis, il lui fallut surmonter bien des obstacles pour remporter la victoire. Louis XIII, conduit par son ministre, ne parvint à se débarrasser des réclamations du clergé que par des promesses qu’il n’avait pas l’intention de tenir et à la réalisation desquelles il eut soin de n’assigner aucune époque précise. Le clergé veillait à ne point laisser entamer ses immunités, mais il finissait par concéder les subsides, sans cependant donner toujours autant qu’on lui demandait. Il fallut lui arracher en quelque sorte écu par écu. Ce n’est pas que le clergé se refusât en principe à aider l’état, mais il tenait serrés les cordons de sa bourse et il ne les déliait avec empressement que lorsqu’il s’agissait de se rendre maître des boulevards du protestantisme, de Montauban et de La Rochelle. Louis XIII se mettait d’ailleurs en garde contre des velléités de refus ; il tint à avoir les assemblées du clergé toujours assez voisines de sa résidence pour pouvoir exercer sur elles une pression. Durant ses campagnes, il leur ordonna plusieurs fois de se transporter loin de Paris et d’aller établir leur siège dans des localités à proximité des lieux où il campait. C’est ainsi que l’assemblée de 1621 dut, de Paris, se rendre à Poitiers, puis de Poitiers à Bordeaux ; que l’assemblée de 1628 eut ordre de quitter Poitiers pour se rendre à Fontenay-le-Comte : elle ne put étouffer les réclamations d’un grand nombre de députés qui n’obéirent que malgré eux à l’injonction royale. En ces temps-là, on ne demandait guère aux mandataires du clergé que de l’argent ; on ne les laissait pas traiter les grandes affaires de l’église, agiter des questions où leur intervention eût gêné l’exercice de l’autorité royale. Les députés, tout en se mettant en défense contre un ministre qu’ils redoutaient, demeuraient pour lui pleins de condescendance et ne négligeaient aucun moyen de capter sa bienveillance. Il fallut que les exigences de Richelieu devinssent, on ne saurait dire excessives, elles ne semblent que justes si on les compare à ce que payait le menu peuple, mais lourdes, pour que la représentation ecclésiastique y résistât sérieusement. Elle ne cédait alors qu’à la crainte que la monarchie ne portât atteinte aux immunités de l’église. Durant la première moitié du gouvernement de Richelieu, les demandes ayant été modérées, l’opposition le fut aussi dans les assemblées ; elle devint plus accusée durant la seconde.

La convocation de l’assemblée de 1635 ayant été annoncée comme faite en vue d’obtenir des subsides extraordinaires, le clergé s’émut ; une agitation s’en suivit dans les diocèses, surtout dans ceux du Languedoc, où plus d’un ecclésiastique avait été favorable à la révolte du duc d’Orléans. Richelieu jugea nécessaire d’exercer sur les élections une forte pression, car il entendait avoir des députés à sa dévotion. Dans la province de Narbonne, l’assemblée provinciale avait voulu nommer des prélats quelque peu compromis dans le parti de Gaston : c’étaient les évêques de Lodève, de Saint-Pons et d’Alet. Louis XIII écrivit à la réunion provinciale qu’il n’acceptait pas de tels choix, et elle dut procéder à de nouvelles désignations ; mais, comme elle n’élut pas ceux que le roi avait indiqués, à savoir les évêques de Montpellier et de Nîmes, elle dut par injonction royale procéder une troisième fois aux nominations, et les deux évêques que Louis XIII avait désignés furent élus. En beaucoup de provinces, la lutte électorale fut si vive que des scissions se produisirent dans les collèges, et lors de l’examen des procurations l’assemblée générale se vit parfois fort embarrassée pour décider qui devait être reçu. Plusieurs provinces avaient nommé trois députés de chaque ordre, et il fallut, ainsi que je l’ai déjà noté, un commandement formel du roi pour que ce nombre fût réduit à deux, et quand on ne parvenait pas à s’entendre sur celui des trois qui devait être éliminé, on en était réduit à le tirer au sort. Il tardait à Louis XIII d’obtenir de l’assemblée les 600,000 livres dont il avait besoin : il lui dépêcha en conséquence ses commissaires ; mais le clergé ne se pressa pas ; il s’occupa de la rédaction des remontrances a présenter au monarque. Les commissaires revinrent et insistèrent pour qu’il fût procédé au vote dans le plus court délai. Les députés ne voulaient rien accorder avant qu’on eût donné satisfaction au contenu des cahiers. La colère s’empara alors du roi, et, contrairement à ce qui se pratiquait d’ordinaire, il adressa directement à l’assemblée une lettre qui n’avait pas passé par le conseil des dépêches, dont le garde des sceaux avait la présidence. Loin de réduire ses exigences, Louis XIII y ajoutait encore ; c’était maintenant une subvention annuelle de 600,000 livres qu’il réclamait du clergé. La lettre royale était conçue en des termes qui blessèrent la compagnie. Au rapport du journal manuscrit de l’abbé de Saint-Josse, le président, Henri de Sourdis, archevêque de Bordeaux, pour convaincre ses collègues de l’impossibilité de différer le vote, leur apprit que quelques jours auparavant le roi lui avait dit, devant plusieurs prélats faisant partie de l’assemblée : « Vous êtes bien longs à délibérer du don que vous voulez me faire ; cela m’ennuie bien fort. » Les évêques présens avaient cherché à expliquer ces lenteurs et dit qu’ils attendaient une réponse favorable aux cahiers, et qu’ils seraient alors heureux de faire ce qui serait le plus agréable au roi. Mais celui-ci répliqua sèchement : « Mes armées ne vivent pas de cahiers, et je vous prie d’en finir. » C’était parler en vrai monarque absolu, et la réponse ressemblait fort à celle qui était sortie de la bouche de Charles IX à l’époque de la prise du Havre. S’adressant aux évêques, ce prince dit qu’il lui fallait de l’argent, qu’il n’avait pas le temps d’attendre l’autorisation du pape pour le subside que devait fournir le clergé. Les députés se le tinrent pour dit, et sachant bien que Richelieu, qui n’avait point été moins impératif dans ses paroles, était derrière Louis XIII, ils cessèrent d’atermoyer davantage. L’assemblée mit à son prochain ordre du jour les moyens de réaliser la somme de 600,000 livres exigée par la couronne ; mais on ne s’entendait pas sur celui qui était à préférer, et, malgré les efforts des nombreuses créatures que le cardinal comptait dans la compagnie, on repoussa successivement divers expédiens proposés, les uns comme trop onéreux, les autres comme engageant pour une part énorme le patrimoine ecclésiastique ou chargeant outre mesure les bénéficiers. On se décida résolument à recourir, comme moyens plus innocens, à une élévation de la taxe payée par les Rhodiens, et de la valeur imposable de plusieurs monastères qui étaient restés taxés à la cote des rôles de 1616. Il fut de plus arrêté qu’on ferait financer les receveurs et officiers des décimes, quoique le nombre s’en fût singulièrement accru par la création d’offices nouveaux vendus pour réaliser de nouvelles ressources. À ces deux mesures, on en ajouta d’autres, d’où l’on espérait encore quelques gros deniers. Tout cela ne paraissait pas suffire au montant de la subvention annuelle demandée. On chercha vainement les moyens d’obtenir ce qui manquait encore. Impatient, Richelieu gourmanda les députés ; bientôt il prit un ton presque menaçant. Il malmena la députation qui l’était venue trouver, avec M. de Sourdis à sa tête, lui témoigna en termes pleins de hauteur son mécontentement, et, pour le mieux marquer à la compagnie, il refusa, malgré le titre de président honoraire qu’elle lui avait décerné, de paraître à aucune des séances. « Il n’entendait pas, disait-il, se compromettre et compromettre les intérêts du roi. » L’assemblée tenait bon cependant dans son droit de n’accorder une subvention qu’après en avoir déterminé elle-même et le chiffre et la nature. Le premier ministre dut céder et laisser le clergé décider par quelle voie on parferait les 600,000 livres ; mais, soit qu’il cherchât à l’aide d’un moyen détourné à s’assurer une plus forte somme, soit qu’il voulût parer à la diminution de la subvention qu’amèneraient les non-valeurs, Richelieu exigeait que les sommes que fourniraient les diverses mesures adoptées par le clergé fussent intégralement versées au trésor royal. L’assemblée n’était nullement de cet avis. Agir ainsi c’était ouvrir plus large la porte aux violences, aux abus fiscaux dont se plaignaient précisément les cahiers et qui s’étaient fort accrus depuis quelques années. Les officiers et commis auxquels la levée des impôts était confiée prétendaient soumettre les bénéficiers à des contributions et des taxes qu’ils ne devaient pas. Quoique l’assemblée de 1625 eût obtenu un arrêt du conseil consacrant pour les ecclésiastiques l’exemption de la taille à laquelle on avait essayé de les assujettir, les agens du fisc ne renonçaient pas à leurs tentatives ; ils molestaient de mille façons le clergé pour le contraindre à payer une foule d’impôts réclamés de lui par une interprétation abusive des édits bursaux. Il importait à l’assemblée que ce don de 600,000 livres, qui dépassait tout ce qui avait déjà été acquitté en décimes extraordinaires, ne procurât pas au gouvernement le moyen d’exiger encore davantage. Au train dont allaient les choses, disaient les députés, le clergé se trouverait à tout jamais engagé à servir à l’état la subvention qu’on ne lui demandait que temporairement, comme cela était arrivé pour celle qui garantissait les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris et les rentes de la ville de Toulouse accordées par des assemblées précédentes. Ils remontrèrent donc au cardinal ce qu’avaient d’intolérable l’oppression à laquelle les partisans soumettaient les bénéficiers sous couleur de droits de francs-fiefs et de nouveaux acquêts, les vexations des officiers du roi, qui faisaient force procédure pour obliger les ecclésiastiques à la garde et arrière-ban, les agissemens du parlement qui condamnait les évêques et les privait de leurs revenus, sous prétexte qu’ils n’avaient point obtenu leurs bulles du saint-siège. Richelieu ne s’en émut pas et ne revint pas sur sa détermination. Il assura seulement l’assemblée de son attachement à l’église, et de son intention de veiller à l’avenir à ce qu’on n’accablât pas le clergé. Les députés durent se contenter de ces assurances et de celles que le roi leur donna de son côté ; elles ne faisaient point au reste illusion aux plus clairvoyans, et voici les réflexions que consigne à ce sujet l’historien de cette assemblée, l’abbé de Saint-Josse : « Je ne puis celer mes sentimens pour tristes et funestes que je les aie, et quand j’ai entendu la lecture des articles 32, 33 et 34 du nouvel édit du règlement des tailles, où le roi rompt bras et jambes aux immunités et privilèges du clergé, tant de fois accordés aux ecclésiastiques, et principalement l’exemption des tailles pour leurs biens patrimoniaux et acquêts, par tant de contrats, de dix ans en dix ans, renouvelés par tant de lettres vérifiées au grand-conseil, même à la cour des aides, avec quelques modifications à la vérité… Et aujourd’hui, pour fasciner les yeux et flatter les courages des députés de l’assemblée et tirer d’eux tout ce qu’on veut, on les leurre de ces lettres patentes, on les pare, on les orne, on les embellit des soins et complimens de monseigneur l’éminentissime cardinal de Richelieu… C’est un présent, certes, bien riche et de bonnes mains ; mais quand l’assemblée, après avoir satisfait le roi de tout ce qu’il aura désiré, sera rompue, tous les privilèges accordés par lesdites lettres se fracasseront aussi aisément et par les mêmes voies qu’un si grand nombre de précédentes, par ces édits nouveaux de 1634 dont on se plaint à l’entrée de cette séance. »

Pour qu’elle ne regimbât pas contre la pression qu’il exerçait sur elle, le roi donna à l’assemblée un témoignage au moins apparent d’une déférence toute particulière en la consultant sur une question dont la solution avait pour lui une grande importance. Il s’agissait de savoir « si les mariages des princes du sang qui peuvent prétendre à la succession au trône et spécialement ceux qui en sont plus proches et plus présomptifs héritiers peuvent être valables et légitimes s’ils ont été contractés non-seulement sans le consentement du monarque, mais au mépris de sa volonté. » Ce point de droit avait été déjà tranché dans un sens favorable au pouvoir du roi par le parlement. Le 5 septembre 1634 il avait déclaré de telles unions nulles ; mais l’arrêt ne suffisait pas à Louis XIII, qui à l’autorité de la plus haute magistrature voulait ajouter celle plus respectable encore du clergé, auquel appartenait d’ailleurs alors la connaissance des contestations touchant la légitimité des mariages. Le roi désirait faire prononcer la nullité du second mariage que Gaston, duc d’Orléans, avait conclu avec Marguerite, sœur du duc Charles III de Lorraine. Ce n’était pas trop de la double décision du parlement et de l’assemblée générale du clergé pour faire rompre des liens que l’église avait bénis. Les sentimens violens de haine envers Gaston que respirait la sentence du parlement en avaient compromis l’effet moral. Une déclaration du corps ecclésiastique devait avoir infiniment plus de poids. En poursuivant la cassation du mariage, Louis XIII était en complet accord avec son ministre ; Richelieu voulait rompre à tout prix une union qui s’opposait au projet par lui caressé de faire épouser au duc d’Orléans sa nièce, Madeleine de Vignerot, veuve de Combalet, et qui fut depuis duchesse d’Aiguillon. Le mariage s’était fait à l’insu de Louis XIII et avec le seul consentement de Marie de Médicis ; il se rattachait aux intrigues que celle-ci, de concert avec Gaston, ourdissait contre la France, et avait été le gage d’une alliance de ce prince avec les ennemis du royaume, tout prêts à l’envahir. La réalisation de cet hymen avait été d’abord traversée par la situation que faisait au duc de Lorraine l’attitude menaçante de la France à son égard. Le cardinal ne pardonnait pas à Gaston les offenses qu’il en avait reçues. Charles III, qui s’était rendu à Metz près de Louis XIII, alors occupé au siège de Moyenvic, n’avait pas osé avouer que le mariage était consommé ; il en avait nié l’existence, et le roi n’en reçut la notification officielle que deux années après par le duc d’Elbeuf, que Gaston, retiré à Bruxelles, avait chargé du message. La colère de Louis XIII fut grande, et dès ce moment il mit tout en œuvre pour obtenir la cassation du mariage. Il était nécessaire au reste de se hâter, car, de Bruxelles, Marguerite faisait agir de son côté ; elle entendait demeurer la femme de Gaston, malgré la rude leçon infligée par l’armée française à son frère, le duc de Lorraine. Les Espagnols, sous la protection desquels s’était mise la jeune princesse, soutenaient ses prétentions. Ce qu’il y avait de plus grave, c’est qu’aux Pays-Bas le clergé donnait raison à Marguerite. L’archevêque de Malines l’avait déclarée épouse légitime. Richelieu devait craindre que le pape ne sanctionnât la décision épiscopale. Gaston avait en effet dépêché pour Rome sa créature Passart, qui fut arrêté sur le territoire français par ordre du cardinal et envoyé à la Bastille. Il importait donc d’opposer au plus tôt à l’opinion de l’archevêque de Malines, à la consultation qu’avaient donnée dans le même sens l’université de Louvain et divers théologiens, la déclaration des représentans de tout le clergé français, et tel était le motif qui avait fait saisir l’assemblée du point de droit énoncé ci-dessus dès que Louis XIII se fut convaincu de l’impossibilité d’amener son frère à une répudiation. Ouvertures conciliantes, puis menaces, avances aux amis du prince, puis emprisonnement de quelques-uns d’entre eux, tout avait échoué. Gaston, qui, séduit par des promesses, avait eu l’imprudence de revenir en France, s’était finalement retiré à Blois, sans vouloir rien accorder.

Les commissaires du roi exposèrent en un langage respectueux la question à l’assemblée. Ils n’eurent pas grands efforts à faire pour s’en concilier les bonnes dispositions. Les députés, mus par un sentiment patriotique, n’étaient pas en général favorables à Gaston. Ils hésitaient pourtant à prononcer dans un sens que paraissait repousser la jurisprudence canonique. A l’invitation de son président Henri de Sourdis, archevêque de Bordeaux, l’assemblée désigna une commission pour examiner préalablement le point de droit. Cette commission fut autorisée à prendre l’avis des théologiens le plus en renom tant réguliers que séculiers. Richelieu ne manqua pas d’agir, et l’évêque de Montpellier, qui lui était tout dévoué, fut chargé du rapport. Invoquant les opinions d’un grand nombre de docteurs, il conclut à l’invalidité des mariages des princes du sang contractés dans les termes mentionnés plus haut et déposa sur le bureau de l’assemblée les nombreuses consultations auxquelles il se référait[4]. On alla aux voix et, à l’unanimité, la réunion déclara que les coutumes des états peuvent faire que les mariages soient nuls et non valablement contractés, quand elles sont raisonnables, anciennes, affermies par une prescription légitime et autorisées de l’église. Sans doute que la commission avait eu soin de ne point s’adresser à des théologiens soupçonnés de penser comme l’université de Louvain. Montchal, dans son Journal, assure que Richelieu dut user de bien des artifices et même de violences pour amener l’assemblée à une telle décision. Quoi qu’il en soit, Louis XIII tira en cette circonstance du clergé ce qu’il voulait ; mais, le point de droit décidé, restait une grosse difficulté. Il fallait obtenir du pape la confirmation de ce que les représentans du clergé français avaient déclaré. Ceux-ci étaient d’avis que l’on envoyât l’archevêque de Toulouse pour solliciter le saint-père. Richelieu entendait avoir un ambassadeur plus à sa dévotion, et, sans tenir compte de la désignation des députés, il expédia à Rome l’évêque de Montpellier. Le pape ne jugea pas comme l’assemblée ; il se refusa à prononcer la nullité du mariage. Vif fut le déplaisir du ministre ; mais dans son orgueil blessé il ne voulut pas convenir qu’il était été battu ; il prétendit n’avoir point eu le désir de faire casser le mariage et soutint qu’il avait dépêché l’évêque de Montpellier pour donner au saint-siège connaissance de ce qui s’était passé sans songer le moins du monde à peser sur la détermination du souverain pontife.


III

Les concessions faites en 1635 par le clergé aux demandes du roi ne le mirent pas pour longtemps à l’abri des demandes d’argent, et ce ne fut pas seulement de la fréquence des appels à sa bourse qu’il eut à se plaindre, ce fut aussi de la rigueur apportée dans l’application des mesures fiscales. Toutes les doléances qu’il avait fait entendre par le passé demeuraient à peu près lettre morte. Les bénéficiers avaient à acquitter les tailles, à payer pour les emprunts, la subsistance et le logement des gens de guerre, le ban et l’arrière-ban, les droits de francs-fiefs et de nouveaux acquêts ; on les poursuivait pour le paiement des gabelles. En un mot, ils étaient, suivant leur expression, victimes d’une foule d’exactions, au mépris des immunités de l’église. Le gouvernement royal ne tenait aucun compte des charges que leur imposait la cour de Rome qui les taxait pour les annates et les expéditions de bulles à des sommes dont l’énormité ne soulevait pas moins leurs plaintes. Ajoutons que les officiers ou fonctionnaires laïques du clergé étaient également surimposés et molestés. Le fisc réclamait sans cesse d’eux de l’argent, sous prétexte de rehaussement dans la valeur des monnaies, de droit d’hérédité des offices et pour cent autres motifs. La couronne, pour justifier ses nouvelles exigences, alléguait l’accroissement du patrimoine de l’église. Chaque jour en effet la dévotion des fidèles valait à celle-ci quelques legs, et une masse de biens de plus en plus considérable sortait de la circulation et échappait aux charges dont étaient frappées les propriétés roturières, souvent même sans que le droit d’amortissement fût acquitté. Le fisc avait dû à diverses reprises réclamer ce dont il s’était trouvé frustré et faire pour ce motif étendre fort loin en arrière la recherche des amortissemens, mais les fraudes ne s’en étaient pas moins continuées, et sous le ministère de Richelieu des mesures sévères et assez vexatoires avaient été prescrites à cet égard. On dut s’assurer si l’on n’avait pas dissimulé la valeur des biens donnés au clergé ou achetés par lui, en vue de payer un moindre droit. On institua en conséquence une chambre spéciale, dite chambre des amortissemens, qui fonctionna avec une grande activité. Le clergé vit dans cette création une atteinte à son autonomie administrative et se plaignit. Bullion, le surintendant des finances, que Richelieu mettait habilement en avant, ne s’arrêta pas à ces réclamations, il prétendit que les biens ecclésiastiques appartenaient au roi, lequel était tenu seulement d’assigner aux membres du clergé ce qui était nécessaire à leur honnête subsistance. C’était là l’opinion de bon nombre de magistrats d’alors, et elle rencontra même des partisans au sein de l’assemblée du clergé tenue à Mantes. L’évêque d’Autun, Claude de la Magdeleine de Bagny, la développa, au grand scandale de ses collègues, dont Montchal, archevêque de Toulouse, exprima les sentimens. Richelieu évita de laisser croire par ses paroles qu’il allait aussi loin que Bullion ; mais il ne cachait pas qu’il entendait obliger le clergé à prendre une plus forte part des charges de l’état.

Tout cela avait amené dans le clergé un sourd mécontentement, qui donna bientôt lieu à une certaine agitation ; mais elle aigrit le cardinal, plus encore qu’elle ne l’affligea, parce qu’elle devenait un obstacle au projet qu’il avait formé de se faire le chef de l’église en France. Richelieu songeait en effet à faire instituer pour lui une dignité qui l’eût rendu presque indépendant du saint-siège. Montchal, dans son curieux Journal de l’assemblée de Mantes, rapporte là-dessus des faits qui paraissent concluans, quoiqu’il faille tenir compte chez l’archevêque de Toulouse de l’hostilité dont il était animé envers le cardinal. Si l’on ne peut contester sans injustice les services considérables que Richelieu a rendus à son pays, l’on doit cependant reconnaître qu’il n’oubliait jamais ses intérêts particuliers. Tout en travaillant à la grandeur de la France, il se préoccupait fort de sa propre grandeur et de la fortune de sa famille. Il fit servir sa dignité de prince de l’église plus à ses vues d’ambition qu’au bien de celle-ci. Comme il en connaissait l’esprit envahissant, il ne négligea rien pour la tenir dans sa dépendance, et cette préoccupation lui dicta sa politique à l’égard des assemblées du clergé, politique où il servait ses intérêts et ceux de l’état.

Il porta dans ses rapports avec elles ses habitudes de dissimulation, et, selon sa façon d’agir avec ceux qu’il voulait assujettir, il cherchait à les gagner avant de recourir à des coups d’autorité. Prompt à se débarrasser de ceux qui ne pouvaient plus lui être utiles, il faisait dans ses relations preuve de plus d’habileté que de grandeur d’âme. C’est ainsi qu’il nous apparaît dès le début de sa carrière politique. Richelieu se retrouve le même dans ses rapports avec les dernières assemblées ; il y joua le plus ordinairement un double jeu, sacrifiant fréquemment ceux qu’il avait d’abord entourés de ses prévenances. Montchal rapporte dans son journal qu’il en avait ainsi usé envers le marquis de La Vieuville, surintendant des finances ; il lui avait juré amitié, lui promettant de n’aller jamais sur ses brisées. Confiant dans cet engagement, le marquis le servit activement près de Louis XIII ; mais, loin de reconnaître ses bons offices, Richelieu, qui avait dû bien vite s’apercevoir du peu de valeur et du caractère inconsidéré de La Vieuville, le desservit tant qu’il put et le fit attaquer en dessous main par un certain écrivain du nom de Faucon, qui l’avoua dans la suite. Il mit pareillement tout en œuvre avec ses procédés peu scrupuleux pour abaisser les assemblées du clergé, dont les velléités d’indépendance traversaient ses visées. Il fut en cela secondé par les parlemens, alarmés des prétentions d’un corps qui était toujours prêt à revenir sur ses concessions parce qu’elles ne le lient jamais à ses yeux. Richelieu n’avait plus à craindre après la prise de La Rochelle et le traité de Nîmes de résistance de la part des protestans ; il se préoccupa de parer au danger qui pouvait naître du côté de leur plus implacable adversaire, le clergé. Or il ne pouvait réussir à le mettre complètement dans sa dépendance sans être muni d’une délégation de pouvoirs, au moins apparente, du saint-siège. Il eut d’abord l’idée de se faire nommer légat du pape près la cour de France. C’était un titre que le cardinal d’Amboise avait jadis porté, tout en restant ministre du roi Louis XII. Il rencontra à Rome une résistance absolue à ce dessein. Il chercha alors à se faire nommer archevêque de Reims, par ce motif que le titre purement honorifique de légat du saint-siège attaché à cet archevêché pourrait prendre en sa personne une valeur effective et lui permettre d’exercer l’autorité à laquelle il aspirait, mais il fallait obtenir la démission du titulaire. Le refus qu’opposa le cardinal de Guise, en possession de ce siège, à une telle combinaison, la fit échouer. Il semble que Richelieu ait alors caressé le projet de se faire constituer une sorte de patriarchat de l’église gallicane qui aurait mis dans sa main tout le clergé. Comme ministre et dispensateur d’une foule de bénéfices, il tenait déjà sous sa dépendance une grande partie du clergé séculier. Pour pouvoir assujettir le clergé régulier, il entreprit de se faire attribuer le généralat des ordres religieux les plus riches et les plus influens. En possession depuis plusieurs années des abbayes de Cluny et de Marmoutiers, chefs d’ordre, il rendit bientôt dépendans de lui, sous l’autorité d’un brevet, tous les biens de la congrégation de Chezal-Benoît sur lesquels, sans aucune autorisation de l’église, il s’établit une pension d’une somme considérable. Recourant tour à tour à l’intimidation ou à la ruse, il se fit élire général de l’ordre de Cîteaux et de celui de Prémontré. Mais il se heurta alors contre un sérieux obstacle : il lui fallait obtenir des bulles de Rome, et l’on y avait pour maxime qu’un cardinal ne pouvait être général d’ordre, et que, dès qu’un général d’ordre était promu au cardinalat, il devait se démettre, que de plus deux généralats d’ordre ne pouvaient être cumulés. Aux objections du saint-siège vint s’ajouter l’opposition des procureurs généraux des divers ordres. Richelieu eut beau faire agir l’ambassadeur de Louis XIII auprès du pape, M. de Noailles, employer mille autres moyens, il ne put triompher de la résistance du souverain pontife. Il n’en continua pas moins d’administrer en France de son autorité privée le spirituel de ces deux ordres et d’en prendre le temporel ; et comme les maisons de ces ordres situées en pays étrangers s’étaient opposées à sa prétention, il obtint à force de démarches des moines français placés sous la même règle, qu’ils sollicitassent en cour de Rome le droit d’avoir chez eux des vicaires généraux, ce qui eût mis dans sa dépendance tous les religieux français, puisque les vicaires généraux se seraient trouvés sous sa main. Quant aux jésuites, comme ils lui devaient des faveurs spéciales, ils étaient à sa dévotion. Richelieu maintenait également dans l’obéissance la plupart des autres ordres par les réformes qu’il y faisait introduire. Son titre de proviseur de Sorbonne lui assurait sur cet aréopage théologique une domination qu’on n’osait guère lui contester.

Tandis qu’il préparait ainsi l’assujettissement du clergé français, Richelieu tenait en respect le saint-siège en lui suscitant des adversaires dans la presse d’alors. Il faisait attaquer les doctrines ultramontaines dans des libelles, des pamphlets, par des écrivains qu’il subventionnait en secret. Il se servit plus d’une fois à dessein de la plume de protestans auxquels il accordait des pensions, des gratifications, ou en faisait espérer. La religion des auteurs éloignait le soupçon qu’il en pût être le complice. Entre les écrits dont le cardinal fut accusé d’avoir suscité la publication, on doit surtout citer le livre composé en 1636, en réponse à un ouvrage d’un sieur de La Milletière, sur la Nécessité du pape, et qui avait pour titre le Nonce du peuple français. Il y est dit que le roi de France n’est pas tenu de se soumettre aux décisions du souverain pontife. L’auteur proposait de faire sortir celui-ci de Rome, sinon d’établir en France un représentant spécial du saint-siège, afin d’arracher le pays à l’oppression de la curie romaine. Une circonstance assez piquante trahit la part que Richelieu devait avoir eue dans la publication du pamphlet. Grisset, l’imprimeur qui l’avait imprimé, se voyant poursuivi à la demande du nonce du pape, Bolognetti, affirma que le manuscrit de l’ouvrage lui avait été remis par un domestique du cardinal. Richelieu ne dit mot, et il laissa mettre en prison le pauvre Grisset, qui criait qu’il avait bon garant. Quant à l’auteur, le gouvernement favorisa sa fuite, tandis que l’imprimeur resta six mois sous les verrous.

Le cardinal avait contre le saint-siège des armes plus redoutables. Il imposait un frein à ses prétentions de régler sans contrôle la discipline dans l’église de France, en soutenant la magistrature dans les conflits incessans qui s’élevaient entre elle et l’autorité ecclésiastique. Ainsi il avait provoqué l’arrêt rendu par le parlement en décembre 1639 et interdisant de faire devant le nonce du pape des informations de vie et mœurs pour ceux que le roi avait nommés aux évêchés ou aux abbayes, malgré le décret du saint-siège qui le prescrivait, décret contre lequel au reste l’épiscopat français avait réclamé. La cour de Rome s’émut fort de cet arrêt, et Richelieu s’efforça vainement par l’envoi d’un long mémoire de le lui faire accepter. Le projet qu’avait formé le ministre de se fortifier contre les envahissemens de la puissance pontificale en usurpant à son profit une partie de l’autorité papale était d’une exécution difficile. Il fallait pour cela lutter contre le saint père et contre l’église de France, qui, souvent divisés dans leurs prétentions respectives, étaient toujours prêts à s’unir pour tenir tête au despotisme de Richelieu. Les mesures fiscales qu’il avait fait édicter ne pouvaient qu’augmenter dans le clergé l’esprit de résistance aux exigences de la couronne et enhardir les évêques qui en étaient les interprètes. Il eût été dangereux pour Richelieu de les traiter sans ménagement. En abaissant leur autorité, il aurait élevé d’autant celle du pape, qu’il ne voulait pas moins contenir. Voilà pourquoi il cherchait d’ordinaire plus à acheter les évêques qu’à les dompter. Il avait peuplé les sièges épiscopaux d’hommes sur lesquels il comptait, mais la majorité des prélats ne s’était pas laissé séduire, et les assemblées du clergé lui échappaient souvent au moment même où il croyait en être le plus sûr.

Les prélats que les diocèses y députaient n’entendaient rien lâcher de leurs privilèges et portaient aussi haut leur dignité que Richelieu portait la sienne. La voix de ces évêques indépendans avait beaucoup d’écho et ne restait pas muette. Ce n’était qu’à force de menées et à l’aide de stratagèmes que le gouvernement parvenait à en annuler l’effet. Ainsi s’explique le mauvais vouloir de moins en moins déguisé de Richelieu pour ces diètes ecclésiastiques qui contrariaient ses vues. Il eût bien voulu les supprimer et les traiter comme les états-généraux, qu’il se gardait de convoquer. Il ne fallut rien moins que l’impossibilité de se procurer sans l’assentiment du clergé les sommes dont l’état avait un besoin pressant pour le faire consentir, vers la fin de son ministère, à convoquer une nouvelle assemblée. Il était à bout de moyens de tirer de l’argent du clergé sans recourir au vote de ses mandataires, sans demander, comme il l’avait encore fait en 1636, un don gratuit ou de nouveaux décimes. On a vu que le principal expédient qu’il avait imaginé était la recherche des amortissemens faits au préjudice du trésor royal, c’est-à-dire des biens entrés dans le patrimoine de l’église, sans que les droits dus à l’état eussent été acquittés. L’édit du roi étendit la recherche à une période de cent vingt années, contrairement à tous les principes de la prescription. Une telle mesure indigna le clergé ; elle dut d’autant plus blesser les bénéficiers qu’elle les contraignait de payer pour des dettes plus que séculaires et prononçait une exception pour certains monastères et fondations de date plus récente.

Les mêmes vues fiscales avaient fait rendre une autre ordonnance non moins préjudiciable aux intérêts matériels de l’église : elle soumettait les officiers du clergé à la taxe du dixième denier, établie sur les charges héréditaires pour confirmation du droit d’hérédité, et avait été immédiatement exécutée avec une extrême rigueur. On avait contraint les receveurs des décimes à payer, non-seulement par la saisie de leurs gages, suivant le procédé mis en pratique, à la suite de l’édit des amortissemens, pour le temporel des évêchés et des chapitres, mais par prise de corps. Les diocèses ne tardèrent pas à former opposition à la taxe du dixième denier et à enjoindre à leurs officiers de ne la point acquitter. Les évêques écrivirent aux agens généraux de solliciter pour ceux-ci décharge du lourd impôt dont on prétendait les frapper ; mais le surintendant des finances se refusa à l’accorder, et les agens généraux répondirent qu’il n’y avait d’autre moyen pour échapper à ces nouvelles exigences que le remboursement des offices et la continuation des oppositions. Nonobstant ces dernières, un arrêt du conseil du roi intervint le 22 juin 1639 portant contrainte contre les officiers. Le gouvernement ne s’en tint pas là et, revenant sur la question des tailles, il prétendit y soumettre les ecclésiastiques. En janvier 1640 parut une déclaration du roi obligeant à la taille ceux qui en avaient été auparavant tenus pour exempts, tels que)curés, prêtres et autres membres du clergé. Les mesures les plus rigoureuses leur furent appliquées. Il y eut commandement et saisie. « Le clergé gémit de cette vexation, écrit l’archevêque Montchal ; les agens s’en plaignent, les prélats qui se trouvent à la suite de la cour s’assemblent à Paris, font des remontrances au cardinal, car c’était un crime de parler au roi de ces affaires, desquelles toute la rigueur s’exerçait en son nom, et les adoucissemens se faisaient au nom du cardinal, qui par ce moyen attirait à soi la reconnaissance et rejetait contre le roi tout l’ennui. »

L’agitation croissait chaque jour dans le clergé, qui faisait représentations sur représentations au surintendant de Bullion. Tout ce qu’on put obtenir, après six mois de démarches, ce fut qu’il serait sursis à l’exécution de la mesure en ce qui touchait les ecclésiastiques. Les cours de justice n’en poursuivirent pas moins l’exécution de l’arrêt du conseil et des ordonnances sur les amortissemens. Courtin, commis du receveur général du clergé, fut emprisonné pour n’avoir pas voulu signer les quittances. Les prélats présens à la cour s’assemblèrent et convinrent d’en écrire au cardinal. En attendant la réponse, ils se mirent en relation avec les évêques des provinces. Une active correspondance s’établit entre eux. On prépara ainsi l’action commune de tous les diocèses. La réunion des prélats engagea leurs collègues des provinces à assembler les bénéficiers et à se donner au plus tôt mutuellement avis de leurs griefs ; ils devaient prêter leur appui à ceux qui seraient en butte aux vexations de l’autorité laïque, les indemniser à frais communs des pertes et dommages qu’ils auraient pu souffrir et tout endurer plutôt que de laisser porter atteinte aux immunités de l’église. La petite assemblée ajoutait qu’il fallait adresser à Dieu des prières spéciales afin d’obtenir sa protection contre les oppresseurs. Si ces remèdes se trouvaient insuffisans, disait la circulaire envoyée aux diocèses, on devait recourir au saint-siège, présenter en même temps au roi des remontrances et ordonner des prières publiques destinées autant à fléchir le Très-Haut qu’à encourager la population à défendre ses pasteurs. Les prélats exhortaient les ecclésiastiques à tenir bon contre les mesures que l’on prétendait leur appliquer, à laisser plutôt vendre leurs surplis et leurs calices même que de donner les mains à une exaction qui foulait aux pieds l’honneur et les biens du clergé. La circulaire produisit son effet, au moins en divers cantons du royaume. Plusieurs évêques de la Provence s’assemblèrent et se prononcèrent dans le même sens que le conciliabule des évêques de cour ; ils écrivirent pour protester à Richelieu, au secrétaire d’état Des Noyers, qui était l’homme du cardinal, et aux agens généraux. Les évêques du Languedoc qui siégeaient aux états de cette province, alors assemblés à Pézenas, imitèrent cet exemple. Les évêques de la Guyenne se joignirent à eux par lettres. Tout cet ensemble de prélats fit parvenir des remontrances à Louis XIII et à son ministre. Non pas qu’ils se refusassent absolument à venir en aide au trésor royal, mais ils n’entendaient le faire qu’à la suite d’une décision librement prise par le clergé ; ils s’élevaient contre toute contrainte exercée envers eux, contre toute main mise sur leurs biens, lesquels, répétaient-ils, étaient après tout ceux des écoles et des pauvres. Le gouvernement ne pouvait avoir facilement raison d’une opposition si habilement concertée. Les évêques demandaient la convocation de l’assemblée générale, qui aurait dû se tenir en 1640, et n’avait point été réunie faute de convocation. Le roi en avait prorogé, par lettres du 5 mars 1640, la session jusqu’en 1645, et pour tirer en attendant de nouveaux subsides du clergé, il avait décidé qu’on prendrait annuellement 200,000 livres sur les décimes votés pour dix ans par l’assemblée de 1635 et qu’on les donnerait à la ville de Paris. En agissant ainsi, la couronne dépassait les droits que lui conférait le contrat. Il ne restait plus en effet que cinq années à courir de l’annuité fournie par le clergé, et c’était pour dix ans qu’elle aliénait cette annuité à la municipalité parisienne. Le retard apporté à la réunion de l’assemblée inquiéta les évêques. Richelieu chercha à leur persuader que, s’il en remettait à une époque ultérieure la convocation, c’était pour l’avantage de l’église, vu qu’il connaissait les prétentions excessives des gens de finances ; mais les prélats n’étaient pas dupes de cette explication, ils pressaient pour qu’on réunît l’assemblée. Le cardinal dut se rendre. L’évêque de Chartres, Léonor d’Estampes, l’y détermina en se portant fort que l’assemblée se prêterait à ses désirs. Il n’y avait plus au demeurant d’autre moyen d’obtenir du corps ecclésiastique les ressources qu’on en voulait tirer. En effet, la recherche des amortissemens ne produisait pas ce qu’on avait pensé. Dès le mois de janvier 1640, il avait fallu réduire à 1,200,000 écus la somme pour laquelle on devait adjuger le recouvrement à réaliser en vertu de la mesure. On était donc dans la nécessité de frapper de nouveaux décimes, et le roi s’était formellement engagé à ne le point faire sans le consentement du clergé, ayant accepté lors du vote des derniers décimes la condition faite par l’assemblée qu’il n’imposerait aucuns francs-fiefs, nouveaux acquêts et autres droits quelconques, tant sur le clergé que sur les officiers de cet ordre.

Le gouvernement ainsi acculé annonça son intention de convoquer les mandataires des provinces ecclésiastiques, et il suspendit les mesures fiscales qui avaient soulevé de si vives réclamations. Mainlevée fut donnée des saisies opérées sur les biens d’église ; des lettres royaux du 11 décembre 1640 autorisèrent la réunion d’une assemblée générale du clergé, en déclarant qu’elle était appelée poulies nécessités urgentes de la guerre et pour statuer sur la demande d’une somme de 6,000,000 livres, payables en trois ans. Le roi n’avait, par l’édit des amortissemens, parlé que de 1,200,000 écus ; mais sachant par expérience que le clergé n’accordait jamais tout ce qu’il réclamait de lui, il avait grossi le chiffre, et en demandait maintenant 6,000,000, destinés à tenir lieu du produit de la recherche des amortissemens. Il prenait toutefois l’engagement, si la guerre se terminait promptement, de se contenter d’une somme moindre ; au contraire se continuait-elle au delà du laps de trois années, il ne devait rien demander en sus. Des termes mêmes dans lesquels les lettres étaient conçues, il résultait que l’assemblée était seulement convoquée pour approuver l’impôt mis par le roi sur le clergé. On se flattait, sur l’assurance qui avait été donnée par la réunion des prélats de la cour, de rencontrer toute bonne volonté chez les députés. Les lettres royaux dictaient donc à l’avance leur devoir aux mandataires de l’église. La seule liberté à eux laissée en apparence, c’était l’option entre les deux moyens qui s’offraient pour satisfaire à la demande du roi. Ils devaient se décider entre le versement direct des 6 millions et un impôt du tiers sur les revenus des bénéfices que le gouvernement pourrait affermer ; le produit d’un tel impôt, charges et non-valeurs déduites, était estimé pouvoir être adjugé à des traitans pour une somme montant environ à ces 6 millions. Au cas où l’assemblée s’arrêterait à ce second moyen, le roi voulait que les curés, hôpitaux, jésuites, carmélites et religions établies depuis trente années fussent exempts de l’impôt. Mais même sur ce point, l’assemblée n’était pas libre complètement. Richelieu affectait de laisser le moyen à sa discrétion afin d’avoir l’air de condescendre aux observations du saint-père, qui était intervenu dans l’affaire des amortissemens et avait insisté pour qu’on ne chargeât pas autant le clergé. Disons que l’impôt du tiers semblait devoir faire moins payer à celui-ci que l’acquittement direct du subside réclamé. Le clergé fut loin de se tenir pour satisfait du choix à lui laissé par l’édit. Il trouvait, de plus, mauvais que le gouvernement maintint les exemptions qui avaient été blâmées pour l’édit des amortissemens. Il y voyait la preuve que tout avait été manigancé par le cardinal, qui cherchait par ces exceptions à introduire la division dans le clergé, à mettre en opposition d’intérêts le clergé séculier et les jésuites, pour lesquels il avait toujours eu beaucoup de ménagemens.

Les dispositions étaient donc, dans l’église, peu favorables aux demandes du roi, quand l’assemblée fut convoquée au 15 février 1641. Les élections ne répondirent pas partout aux désirs de Richelieu. Malgré la pression qu’il exerçait sur les assemblées provinciales, plusieurs de ses candidats furent repoussés, et l’un de ses hommes de confiance, Léonor d’Estampes, évêque de Chartres, ne réussit pas à se faire élire. Cet échec détermina le cardinal à choisir pour lieu de la réunion de l’assemblée Mantes, ville qui faisait alors partie du diocèse de Chartres. De la sorte l’évêque de cette dernière ville put avoir, à titre d’évêque diocésain, entrée aux séances et se mêler aux délibérations. Elles ne s’ouvrirent que le 23 février. Les évêques arrivés à la date primitivement assignée avaient tenu une conférence à Paris. Ils s’étaient empressés d’aller rendre leurs hommages au cardinal, dont ils avaient reçu un accueil bienveillant. Richelieu, qui voulait les gagner, s’était montré pour eux plein de prévenances, faisant luire à leurs yeux promotions, charges et faveurs ; mais les prélats se tenaient sur la réserve. L’évêque de Chartres n’avait pas leurs sympathies. Ils lui reprochaient ses intrigues dans les élections et son avidité. On le représentait comme ayant tout fait pour empêcher qu’on députât à l’assemblée des archevêques afin de s’assurer, s’il était élu, la présidence. Richelieu connaissait les sentimens des prélats à l’égard de Léonor d’Estampes ; il eut soin de leur promettre que cet évêque ne paraîtrait pas aux séances. Il supposait que bon nombre de ces prélats, gens du monde et hommes de plaisir, seraient flattés d’être invités aux fêtes brillantes qu’il donnait plus à la façon d’un prince profane que d’un prince de l’église. Il les fit assister à l’un de ses divertissemens favoris, à un grand ballet intitulé l’Histoire de Bouquinquant, et qui s’exécuta au Palais-Royal. « L’appareil, écrit Montchal, fut si magnifique qu’on l’estima des sommes immenses, et il fut dit que le cardinal, ayant voulu que les prélats fussent invités par les agens, entendait qu’elle fût jouée aux dépens du clergé. L’évêque de Chartres y parut rangeant les sièges, donnant les places aux dames, et finalement se présenta sur le théâtre à la tête de vingt-quatre pages qui portaient la collation, lui étant vêtu de velours, en habit court, disant à ses amis, qui trouvaient à redire à cette action, qu’il faisait toutes sortes de métiers pour vivre. » Les prélats quittèrent Paris sans s’être rien laissé arracher par ces cajoleries, et, comme je viens de le dire, évêques et députés du second ordre réunis à Mantes se trouvèrent peu en humeur d’accorder beaucoup au roi. Le mécontentement de la majorité se manifesta dès la première séance. L’archevêque de Sens, Octave de Bellegarde, l’ouvrit par un discours où il représenta à la compagnie les vexations exercées contre le corps ecclésiastique depuis deux années, vexations qui n’avaient même pas cessé après l’expédition des lettres de convocation de l’assemblée. On n’entendait en effet parler à Mantes que des exactions commises à l’égard des bénéficiers, dont les pétitions affluaient, et malgré les mainlevées annoncées, les poursuites et les saisies allaient leur train contre les officiers du clergé, qui réclamaient pour ce motif ou le remboursement de leurs charges ou des indemnités. Pour faire sentir le peu de confiance que devait inspirer le gouvernement, l’archevêque de Sens rappela le dessein que celui-ci avait eu d’abord de retarder la convocation régulière de la compagnie. Il s’étendit sur l’opportunité de la réunion d’une telle assemblée. Il s’éleva contre la promesse qu’avaient faite sans mandat les évêques de cour que le clergé accorderait les 6 millions de livres demandés par le roi. La plupart des députés présens désavouèrent comme Bellegarde l’engagement. On passa ensuite à la vérification des procurations, dont quelques-unes affectaient un caractère plus impératif que de coutume. L’assemblée s’étant définitivement constituée, on remit sur le bureau un billet de Richelieu qui, contrairement aux assurances qu’en avaient reçues les prélats lors de leur visite, insistait pour l’admission de l’évêque de Chartres en qualité d’évêque diocésain. Les termes du billet sentaient fort le commandement. On eut peur d’irriter le cardinal en refusant à Léonor d’Estampes ce à quoi les précédens lui donnaient droit, et l’on consentit à le laisser prendre part aux délibérations.

Une question plus grave que cette admission ne tarda pas à être agitée : c’était celle du choix des nouveaux agens généraux. J’ai déjà raconté, dans la première partie de ce travail, comment Richelieu prétendait imposer sa créature, l’abbé Berland, qui s’était mis en possession de vive force de ses fonctions et s’était saisi des papiers afin de livrer au cardinal le secret des ressources du clergé. Nonobstant ses efforts, le ministre de Louis XIII n’eut pas le dessus dans le débat. L’affaire vidée, venait celle qui primait en importance toutes les autres : la demande de fonds du roi. La situation faite à la compagnie était telle, comme je l’ai noté, que celle-ci semblait n’être appelée qu’à prononcer entre les deux modes offerts par Richelieu. La majorité inclinait visiblement pour l’imposition du tiers sur les revenus des bénéfices, dont le cardinal ne voulait point, mais qu’il avait au début de la session évité de repousser afin de ne pas paraître vouloir dicter ses volontés. Informé des dispositions de la compagnie, il travailla à la convaincre qu’il était plus dans l’intérêt de l’église et de l’état de faire directement le fonds des 6 millions, et c’est dans ce sens qu’agirent les commissaires chargés de présenter et de soutenir la demande de la couronne. Ces commissaires ne furent pas alors des personnages d’aussi grande importance que ceux qu’on avait coutume d’envoyer aux assemblées générales. Ils étaient au nombre de deux : Léon Brulart, conseiller d’état, et un intendant des finances, Michel Particelli, sieur d’Emery, qui devait au temps de la fronde acquérir une triste célébrité comme surintendant des finances. Les députés remarquèrent cette circonstance et quelques-uns y virent la preuve que le gouvernement ne témoignait plus au premier ordre de l’état le respect qui lui était dû. Brulart rappela, en commençant son discours, les services que le roi avait rendus au clergé. Le but de cet exorde était de justifier la forte demande d’argent qu’il apportait. Six millions, la couronne n’avait jamais tant réclamé d’un coup. Aussi Brulart ne manqua-t-il pas de dépeindre en termes pathétiques la détresse du pays, l’épuisement de la bourse de la noblesse et du tiers. Il termina en disant que sa majesté reconnaîtrait le témoignage que le clergé lui donnerait de sa fidélité en donnant cette somme, par les démonstrations de sa bienveillance et en relevant le premier corps du royaume de tous les ornemens d’honneur et d’autorité qu’il pouvait désirer. L’assemblée demeura assez froide devant toute cette éloquence. Il y avait longtemps que le clergé savait le compte qu’il fallait faire de telles promesses. Le roi en était prodigue quand il s’agissait d’obtenir de l’argent. L’archevêque de Sens répondit à Brulart par une de ces harangues laudatives dans le goût du temps, mais où perçait l’impression fâcheuse que faisait sur l’ordre ecclésiastique la demande qui lui était adressée. Les plaintes qu’elle contenait sur les atteintes portées aux immunités de l’église provoquèrent du commissaire royal une réplique où il exhortait les députés à l’esprit de concorde, ce qui signifiait clairement qu’ils devaient accorder ce que le roi réclamait d’eux. L’assemblée mit à son ordre du jour l’examen de la demande. Plus d’un des assistans marqua son étonnement que le gouvernement parût avoir oublié les engagemens pris solennellement en 1636 et en violation desquels avaient été édictées les mesures fiscales dont se plaignaient les bénéficiers. On s’accorda pour ne point admettre la restriction contenue dans la lettre de cachet qui convoquait l’assemblée et laisser aux députés pleine liberté d’adopter, en vue du subside au roi, les voies qui leur sembleraient les meilleures. La compagnie n’entendait pas être mise en demeure de statuer à ce sujet, toute affaire cessante. Pour le montrer elle s’occupa préalablement de la rédaction des cahiers où devaient être formulées les doléances. On devait y inscrire en première ligne la demande d’exemption, tant au présent qu’à l’avenir, du ban et de l’arrière-ban, pour tous les bénéficiers, quelle que fût la durée de la guerre, la révocation de deux déclarations royales, portant que les ecclésiastiques non nobles seraient taxés à raison des domaines par eux possédés en fief ou en roture, qu’ils leur fussent échus par succession, donation ou autrement. La délibération sur le subside ne fut reprise que les cahiers achevés. Si l’assemblée repoussait la demande dans les termes où elle était libellée, elle reconnut cependant qu’il lui était impossible d’échapper à une subvention plus considérable que de coutume. Ne sachant par quel autre moyen la fournir, la majorité se rallia à l’impôt du tiers du revenu, parce que cet impôt paraissait devoir moins charger le clergé que le paiement direct des 6 millions, et j’ai dit que c’était précisément là le motif qui le faisait peu goûter par Richelieu. Dans sa conférence avec les évêques, le cardinal, tout en protestant de l’égal dévoûment qu’il avait pour le roi et pour les privilèges d’un ordre dont il était membre, avait songé bien plus aux intérêts du premier qu’à ceux du second ; il avait représenté aux prélats que l’impôt du tiers entraînerait trop de frais et de non-valeurs et né satisferait ni l’une ni l’autre des parties. Cette insistance n’avait fait que fortifier les évêques dans leur préférence pour le moyen que Richelieu condamnait. L’assemblée devait au reste d’autant plus pencher pour l’impôt du tiers que bon nombre de procurations prescrivaient aux députés de le voter, plutôt que la subvention directe de 6 millions. La discussion fut animée ; l’archevêque de Sens y prit la parole et déplora qu’on se vît réduit à ne choisir qu’entre deux moyens, presque également onéreux. Il remontra l’oubli qu’on faisait des droits du sacerdoce et rappela l’exemption de l’impôt dont auraient dû jouir les ministres de Dieu. « L’usage ancien de l’église, dit-il, pendant sa vigueur, était que le peuple contribuât par ses biens, la noblesse par son sang et le clergé par ses prières, aux nécessités de l’état et aux occasions de la guerre, et c’est une chose étrange de voir que maintenant on ne demande plus de prières au clergé, qui, selon l’Écriture sacrée, sont le propre et unique tribut qu’on doit exiger des prêtres ; mais on veut extorquer la part que Dieu s’est réservée pour la sustentation de ses ministres, afin qu’ils puissent sans distraction vaquer à son service et intercéder pour les peuples. » Malgré les intentions d’abord manifestées par la majorité, l’impôt du tiers fut rejeté, tant les affidés de Richelieu avaient manœuvré. Mais quand il fut question d’approuver le procès-verbal de la résolution prise, Bellegarde, et son collègue à la présidence, Montchal, archevêque de Toulouse, soutinrent que pour voter une demande aussi lourde que celle que faisait le roi, l’unanimité des suffrages était requise, et ils refusèrent en conséquence de signer le procès-verbal, ce qui empêchait la décision d’avoir force d’exécution. La déclaration des deux prélats produisit une grande agitation dans l’assemblée. Les membres dévoués à Richelieu contestèrent la légalité d’un tel procédé et interpellèrent vivement l’archevêque de Sens. On s’échauffa fort, et, pour mettre un terme à la dispute, ce prélat, usant de son droit de président, leva précipitamment la séance, annonçant qu’il allait se rendre près du cardinal afin de lui exposer les motifs de son refus. On eût pu croire qu’avec son caractère entier et ses habitudes autoritaires, Richelieu aurait simplement passé outre à la protestation des deux archevêques ; mais en même temps qu’il tenait à ménager un prélat aussi haut placé que l’archevêque de Sens, il voulut d’abord se donner les apparences de la modération dans ses exigences, tenter d’obtenir par une voie indirecte la totalité des 6 millions. Dissimulant donc son ressentiment contre Bellegarde, il eut l’air en lui parlant d’approuver sa conduite ; mais il prit soin de lui dire qu’il n’interprétait pas le rejet de l’impôt du tiers comme un refus de l’assemblée d’accorder au roi un subside extraordinaire et proportionné à ses besoins, qu’elle l’avait repoussé à raison de l’élévation de la somme qu’un tel impôt ferait payer au clergé. Peu après il écrivait à l’archevêque que le roi réduisait sa demande à 4 millions de livres. Il ajouta toutefois que sa majesté ne renonçait pas pour cela aux deux autres millions, et qu’elle comptait que l’assemblée arriverait à les réaliser par quelque mesure particulière sans charger le clergé. Le cardinal en recommandait une : c’était la vente de la charge de receveur général du clergé, qu’il représentait comme devant rapporter une somme considérable. Cette proposition fut communiquée par l’archevêque de Sens aux députés, qui représentèrent la difficulté qu’il y aurait à lever ces 4 millions, s’ils venaient s’ajouter aux décimes ; le nombre en plusieurs provinces des bénéficiers payant décimes étant fort petit, il en résulterait une surélévation excessive d’impôts pour les provinces déjà accablées, sur lesquelles retomberait le gros de la charge. Richelieu répondit que, pour parer à cet inconvénient, on ne répartirait pas les 4 millions d’après les décimes qu’acquittait le clergé en vertu du dernier département, mais qu’on se reporterait au département de l’année 1588. C’est sous cette condition que Bellegarde souscrivit au rejet du tiers, et, de retour à Meulan, consentit à signer le procès-verbal qui le relatait.

Les députés accordèrent sans difficulté les 4 millions auxquels Richelieu semblait s’être rabattu ; mais, goûtant peu les moyens insinués par le cardinal, pour réaliser, les deux autres millions, ils décidèrent qu’ils prieraient le roi de vouloir bien y renoncer ou, s’il persistait, d’indiquer lui-même les voies pour obtenir la somme. Ils se flattaient du succès de la démarche, sachant que Louis XIII n’avait eu dans le principe l’idée que de tirer du clergé 1,200,000 écus, que c’était en prévision que l’assemblée n’accorderait pas autant, qu’il demandait qu’il avait élevé le taux de la subvention, à 6 millions de livres. Cette espérance fut déçue. Le roi persista à réclamer les deux millions et fit dire à l’assemblée que c’était à elle à découvrir comment ils pourraient être réalisés. La réponse était conçue en des termes tels qu’elle ne souffrait pas de refus. L’assemblée dut donc s’exécuter et s’occuper des moyens de trouver une si forte somme. Diverses propositions furent faites et successivement repoussées. Enfin l’on s’arrêta à l’établissement d’un droit du huitième denier sur les biens aliénés, quoique on eût déjà par le passé maintes fois écarté pareille mesure. On ne voyait rien de moins onéreux à imaginer ; mais, comme on comprenait que cela ne pouvait donner deux millions de livres, on décida, pour parfaire la somme, de réduire du denier douze au denier quatorze le supplément de gages qui avait été attribué en 1635 aux officiers du clergé. Il fut résolu en outre qu’on prendrait avec les traitans certains arrangemens de nature à ménager au profit du clergé la rentrée de fonds qu’on comptait aussi affecter au paiement des deux millions en question. Malheureusement ces arrangemens ne faisaient pas le compte des hommes de finances, qui manœuvrèrent de façon à les faire repousser par le gouvernement, dont on avait obtenu l’agrément pour les deux autres expédiens. En rejetant les arrangemens proposés avec les traitans, le conseil du roi voulait obliger l’assemblée à en passer par la vente de la recette générale du clergé. Richelieu y tenait beaucoup parce qu’elle aurait eu pour conséquence de faire définitivement de cette charge un office de la couronne ; celui qui en aurait été ainsi pourvu se serait trouvé entièrement sous la main du ministre, auquel il eût été alors facile de connaître exactement le chiffre des revenus ecclésiastiques ; or, c’est ce que le clergé redoutait fort parce qu’il savait qu’on s’en servirait pour lui demander davantage. Aussi, malgré les instances qui lui étaient faites, l’assemblée persista à ne point recourir à un tel expédient. Le gouvernement se mit alors en devoir de la contraindre, et les commissaires royaux lui vinrent déclarer que, si elle s’obstinait à ne point accepter la vente de la recette générale, le roi se verrait obligé de surimposer tous les bénéficiers jusqu’à concurrence de ce qui manquerait des 6 millions, défalcation faite du produit approximatif des deux autres mesures adoptées, à savoir le huitième denier et la réduction des gages des officiers. Ce langage provoqua les protestations des députés ; ils se plaignirent hautement qu’on les voulût violenter, qu’on les traitât comme un bureau d’élus, c’est-à-dire de répartiteurs chargés simplement de faire le département des sommes que le conseil d’état avait imposées ; et dans leur colère ils déclarèrent qu’ils n’accorderaient rien au delà des 4 millions votés. Richelieu eut beau continuer son système de pression, user tour à tour de douceur et de menaces, les députés ne sortirent pas de leur non possumus. Pour ne pas rester sous le coup d’un échec, la couronne n’avait plus qu’à recourir à la force ouverte, elle ne l’osa pas ; elle préféra temporiser et elle finit par faire savoir qu’elle réduisait de 500,000 livres la somme réclamée en plus des 4 millions. Toutefois, elle ne voulait consentir à cette réduction qu’à la condition que les députés accepteraient divers arrangemens qu’elle indiquait et qui avaient été imaginés pour rendre la réduction illusoire ; en sorte qu’elle aurait repris d’une main autant, plus même qu’elle abandonnait de l’autre. Le moyen consistait à adopter comme évaluation du produit du huitième denier un chiffre fort inférieur à celui que cet impôt promettait de rapporter, et à réduire notablement la somme que le clergé était autorisé à retenir pour frais de recouvremens, en mettant en outre à sa charge les non-valeurs. Les députés s’aperçurent du piège qu’on leur tendait et reçurent assez mal ces nouvelles propositions. Pour couper court aux objections qu’ils prévoyaient, les commissaires royaux cherchèrent à enlever rapidement le vote et ils demandèrent qu’on délibérât sur-le-champ. Il y avait plusieurs jours que Richelieu préparait tout pour s’assurer la victoire. Aux uns, il avait promis les faveurs qu’ils sollicitaient, aux autres il avait arraché, en les intimidant, des engagemens par écrit. La délibération s’ouvrit le 15 mai. Un émissaire du cardinal se tenait dans une pièce contiguë au local des séances et de là il manœuvrait pour rallier sa majorité. Richelieu redoutait surtout l’influence de l’archevêque de Toulouse, l’éloquent Montchal, et au moment où celui-ci se disposait à prendre la parole, l’émissaire le manda par un billet ; il fit près du prélat toutes les instances imaginables pour lui arracher l’engagement d’opiner en faveur des propositions de la couronne. Montchal fut inflexible, et tout ce que l’agent du cardinal put tirer de lui fut la promesse de se prononcer absolument soit pour, soit contre ces propositions et de ne point présenter d’amendement. Montchal rentra dans la salle et, comme c’était précisément sa province qui était ce jour-là la prérogative, il opina le premier et se déclara nettement contre la demande du roi. Cette demande se réduisait à une somme de 700,000 livres, parce que l’évaluation faite de ce que devaient rapporter le huitième denier et la réduction des gages des officiers, il ne restait que cela pour parfaire les deux millions.

Le suffrage de la province de Toulouse, dont l’archevêque métropolitain s’était fait l’organe, entraîna la majorité. Les 700,000 livres furent refusées. Ce résultat déconcerta d’autant plus les amis de Richelieu qu’ils s’y étaient moins attendus, car l’émissaire du cardinal avait montré un papier où étaient pointés les noms des membres sur lesquels il comptait et dont le nombre dépassait celui des opposans. La colère des battus se tourna contre l’archevêque de Toulouse. Ils s’étaient persuadé que le prélat finirait par céder. Aussi, dès qu’il eut émis son avis, fut-il apostrophé par les évêques de Chartres et d’Auxerre, Léonor d’Estampes et Pierre de Broc, âmes damnées de Richelieu ; ils lui reprochèrent tout haut de manquer à l’engagement pris par lui envers le premier ministre. Montchal répliqua sans s’émouvoir qu’il n’avait jamais promis de voter l’allocation des 700,000 livres ; alors les interpellations redoublèrent. Les deux prélats dévoués au cardinal n’épargnèrent pas davantage l’évêque de Vabres, qui avait voté comme Montchal ; ils l’accusèrent en termes plus offensans encore d’avoir forfait à l’honneur. Le prélat repoussa avec indignation ces injures, et la querelle se prolongea, au grand scandale de la majorité. Les choses en vinrent au point que Léonor d’Estampes et Pierre de Broc, s’approchant de l’évêque de Vabres, le menacèrent de lui faire un mauvais parti ; l’un des deux alla jusqu’à dire que, s’il était hors de l’assemblée, il l’étranglerait. On peut juger du tumulte que de telles paroles causèrent dans l’assistance. C’était de tous côtés un échange d’interpellations. Les évêques de Chartres et d’Auxerre s’en prenaient également aux députés du second ordre qui avaient opiné comme Montchal. Le président dut lever la séance au milieu d’un désordre difficile à peindre. Cependant l’assemblée reprit le lendemain ses travaux et, à l’ouverture de la séance, lecture fut donnée du procès-verbal où était relatée la décision prise la veille. Comme le président s’apprêtait à le signer, l’évêque de Nîmes se leva pour déclarer, au nom de la minorité, qu’il faisait opposition à la décision, demandant que sa protestation fût annexée au procès-verbal, faute de quoi lui et ses amis n’y apposeraient pas leurs signatures.

Le prélat invoquait une disposition du règlement d’après laquelle la minorité avait le droit lors du vote d’un impôt de faire insérer au procès-verbal l’opposition qu’elle y mettait ; le président soutint que l’article n’était pas applicable dans le cas présent, parce qu’il s’agissait du rejet et non de l’établissement d’un impôt. L’évêque de Nîmes répliqua que, si l’on ne faisait pas droit à sa demande, lui et tous ceux qui partageaient son sentiment quitteraient l’assemblée. Ce n’était pas, ajoutait-il, qu’il refusât d’une manière absolue de mettre son nom au bas du procès-verbal mentionnant la décision prise, il était tout prêt à le signer même de son sang s’il le fallait, mais c’était sous la réserve que la décision aurait préalablement l’approbation royale. On devait, disait-il, consulter sa majesté, car ce refus des 700,000 livres était capable d’aliéner au clergé ses bonnes grâces et de nature à troubler les provinces. Ce discours causa de l’émoi dans l’assistance. L’archevêque représenta le tort que le procédé de l’évêque de Nîmes faisait à la dignité de la compagnie. On vit alors se reproduire les mêmes altercations que la veille, et le président dut pareillement rompre la séance sans qu’on eût rien statué touchant la réclamation des opposans. De tels orages n’étaient pas faits pour amener Richelieu à des concessions. Les députés s’inquiétaient des conséquences qu’ils pouvaient entraîner. Ils craignaient que le roi n’envoyât à l’assemblée l’ordre de se dissoudre, et, le procès-verbal de la séance du 15 mai n’ayant point encore été revêtu de toutes les signatures requises, le rejet des 700,000 livres se serait alors trouvé sans effet. Il se tint chez l’archevêque de Sens une réunion privée, où se rendirent un grand nombre de députés ; l’on y arrêta pour le procès-verbal en litige une rédaction nouvelle qui fut signée par chacun des membres présens ; mais on n’y inséra pas la protestation de l’évêque de Nîmes. Aussi, à la séance de l’assemblée qui suivit, lecture ayant été donnée de ce procès-verbal, le prélat déclara-t-il formellement qu’il ne le signerait pas. Le tumulte des jours précédens recommença, et l’on se sépara sans avoir pu s’entendre. Durant quatre séances successives, de semblables scènes eurent lieu, et l’on n’aboutit à rien. Les fêtes de la Pentecôte étaient arrivées, elles suspendirent la dispute ; le président en profita pour aller à Paris avec l’intention de voir le cardinal ; il tenait à lui exposer l’état des choses, à se justifier des reproches que lui adressaient les amis du ministre. Richelieu, déjà informé de tout, pressa Bellegarde d’agir de façon à ce que l’assemblée revînt sur un vote qui était cause de si regrettables querelles ; mais l’archevêque s’y refusa : il ne voulait consentir à faire rapporter par la compagnie la décision qu’elle avait prise que si elle en manifestait unanimement le désir. Ne pouvant rien tirer de plus du prélat, Richelieu prit le parti demander à Paris l’assemblée tout entière, se flattant que, placée sous sa main, elle céderait à ses objurgations. L’ordre fut donné, et les députés quittèrent momentanément Mantes pour aller se réunir dans la capitale, au couvent des Feuillans ; mais le cardinal avait trop présumé de son ascendant. La majorité persévéra dans sa résolution antérieure de né point accorder les 700,000 livres. La seule concession qu’elle fit fut une subvention de 100,000 livres en plus des 4 millions et elle signifia à Richelieu qu’elle ne donnerait rien au delà. La somme votée, les députés reprirent la route de Mantes sans s’arrêter à Rueil pour rendue leurs devoirs au cardinal, qui y était allé respirer l’air des champs. Le ministre en fut profondément offensé et vit là un grave manque d’égards à sa personne.

Les séances reprirent leur cours. L’évêque de Nîmes jugea à propos de renoncer à son opposition, mais il en résulta une discussion où perçait l’aigreur des deux partis. Ils ne s’entendaient pas sur les formes dans lesquelles le retrait de la réclamation du prélat devait avoir lieu. Tandis que les choses se passaient à Mantes en discussions misérables, les colères, s’amassaient dans le conseil royal contre les fauteurs du refus de l’assemblée. Louis XIII, poussé par son ministre, résolut d’agir d’autorité, et il envoya à la compagnie un nouveau message dont le ton impérieux témoignait de son mécontentement. Loin d’apporter une concession, ce message annonçait de nouvelles exigences. Ce n’étaient plus 700,000 livres, mais 1,200,000 qu’il réclamait. D’Émery déclara qu’il ne fallait pas moins pour compléter le chiffre des 6 millions que sa majesté avait entendu recevoir. Le commissaire royal fit au nom de son maître les plus sanglans reproches à l’assemblée et lui déclara qu’elle devait se trouver fort heureuse que le roi n’exigeât pas davantage. Il ajouta que, si sa majesté essuyait encore un refus, elle se ferait justice elle-même, sa volonté étant qu’on statuât le jour même sur sa demande. L’archevêque de Sens essaya encore quelques représentations ; il insinua que la conscience du, roi ne consentirait pas à s’approprier les biens de l’église et à en user ainsi avec une assemblée qui avait fait pour la couronne plus qu’aucune autre. D’Émery demeura inflexible et il dit tout haut en sortant, à l’évêque de Nantes, qui le reconduisait jusqu’à la porte, qu’il avait une lettre du roi pour faire suivre l’assemblée au camp d’Aire, où se trouvait sa majesté, afin de mettre un terme à tout ce mauvais vouloir. Il devenait trop clair que Louis XIII était résolu à réduire les députés à l’obéissance. La position de ceux-ci était perplexe. La peur gagna le plus grand nombre. Diverses propositions furent agitées. L’évêque d’Auxerre, voyant la majorité s’ébranler, chercha à l’entraîner en promettant ses bons offices près du cardinal pour obtenir une modération des 1,200,000 livres une fois qu’elles auraient été votées, mais il représenta qu’il importait avant tout de s’en remettre au bon plaisir du roi.

Malgré ses efforts, les présidens repoussèrent ce qu’ils qualifiaient d’acte de servilité. Les débats se prolongèrent plusieurs jours durant lesquels Richelieu faisait activement agir ses affidés. Il manœuvra si bien qu’une majorité finit par se former de son côté. Alors le président, Bellegarde, usant du dernier moyen qui lui restait pour empêcher l’assemblée de se déjuger, déclara que la décision qui serait prise n’aurait pas sa signature tant que le procès-verbal de la séance du 15 mai demeurerait sans la sanction nécessaire à sa validité, c’est-à-dire sans être revêtu de toutes les signatures, et tant que la protestation que l’évêque de Nîmes avait voulu retirer n’aurait point été déposée aux archives. Ces moyens dilatoires n’eurent pas d’effet. La résistance était aux abois. La somme fut donc votée, sous la réserve qu’on solliciterait le cardinal d’intervenir près du roi, afin d’obtenir une modération. Mais les opposans luttèrent jusqu’à la fin, et le vote ne fut point enlevé sans une discussion où l’indignation des récalcitrans s’exhala en paroles violentes. Les partisans du pouvoir royal ne se firent pas faute d’attaquer les prétentions des cléricaux. « Il fut dit alors des choses, rapporte Montchal, contre les droits de l’église qui firent hérisser le poil de ceux qui avaient les sentimens vraiment ecclésiastiques. » Les deux archevêques présidens et sept députés qui persistaient comme eux à repousser la demande de la couronne refusèrent de signer la délibération et sortirent avec éclat de la salle des séances, en protestant contre les moyens qu’avait employés le gouvernement pour arracher le vote. Il y avait parmi eux quatre évêques, ceux d’Évreux, de Maillezais, de Bazas et de Toulon. Les trois députés du second ordre étaient le doyen de Bordeaux, l’archidiacre d’Arles et le sacristain de Nîmes. Les neuf dissidens allèrent se réunir en un lieu séparé et dressèrent procès-verbal de ce qui s’était passé. Bellegarde, plus résolu que jamais dans son opposition, transmit au commissaire royal pour être présentés au roi, les motifs de sa conduite. Il espérait ménager à l’assemblée, qui avait toujours trouvé Richelieu entre elle et Louis XIII, le moyen d’être enfin admise à faire entendre au monarque ses remontrances. Le cardinal para le coup, il sut s’arranger pour que les présidens n’obtinssent pas l’audience royale ; il fit dire qu’il se chargeait de toute la négociation, se faisant fort d’amener sa majesté à une réduction de 300,000 livres sur la somme qu’avait accordée le clergé. Il engagea en conséquence les députés dissidens à aller reprendre leur siège. Ceux-ci se laissèrent persuader et reparurent aux séances suivantes, où l’on poursuivit avec plus de calme l’expédition des affaires. Bientôt le commissaire royal se présenta de nouveau à Mantes et fut introduit. Il commença son discours par remercier l’assemblée au nom de son maître de l’allocation qu’elle avait accordée à l’état ; puis, prenant un tout autre ton, il déclara que le roi avait été informé de l’opposition faite à ses volontés par plusieurs prélats qui étaient sortis de la salle lors d’une des dernières délibérations. Par un tel acte, disait-il, ces députés avaient renoncé de fait à leur mandat, et sa majesté leur commandait en conséquence de se retirer sans délai en leur diocèse. Comme les deux archevêques et les quatre évêques étaient là présens, d’Émery leur intima l’ordre de quitter sur-le-champ la salle. Montchal ayant déclaré qu’il se conformerait à la décision que l’assemblée jugerait à propos de prendre, le commissaire repartit qu’il ne s’agissait pas d’une décision à prendre, mais d’un ordre du roi à exécuter, et, descendant du siège élevé où on l’avait fait asseoir selon l’usage, il alla se poster à la porte de la salle et exigea que les députés dissidens sortissent devant lui. Puis, cette expulsion opérée, il se retira en assurant l’assemblée des bonnes dispositions du roi à son égard. Un tel traitement infligé à d’éminens prélats remplit de douleur et de confusion toute l’assistance, qui se sentait profondément atteinte dans sa dignité. Richelieu ne permit même pas aux évêques si brutalement chassés de s’arrêter quelques instans à Paris pour mettre en règle leurs propres affaires ; défense leur fut faite de passer par cette ville. Vainement l’assemblée décida d’envoyer au roi une députation afin de le prier de révoquer l’ordre qu’il avait donné et d’autoriser les six évêques à revenir prendre leur place aux séances. Louis XIII se trouvait alors à Abbeville, où la petite ambassade dut l’aller joindre. L’évêque d’Auxerre avait eu soin de s’en faire nommer avec celui de Chartres, et, de concert avec Richelieu, ils firent manquer la démarche. Le roi ne voulut rien entendre, comme l’avaient bien pressenti les prélats expulsés, car ils avaient déjà pris le chemin de leur diocèse. On n’épargna à ceux-ci aucune avanie, et le cardinal de Retz, rappelant dans ses Mémoires cette triste affaire, écrit : « M. le cardinal de Richelieu avait donné une atteinte cruelle à la dignité et à la liberté du clergé dans l’assemblée de Mantes, où il avait exilé, avec des circonstances atroces, six de ses prélats les plus considérables. » L’assemblée dut achever sa session étant ainsi mutilée, elle procéda au département des sommes votées, et ceux qui étaient dévoués au cardinal n’eurent plus à redouter l’opposition de ses adversaires sur diverses questions que soulevait cette répartition. L’évêque de Chartres, dont rien ne balançait plus l’influence, fit régler les décharges et les rémunérations pécuniaires à sa guise. Les députés qui avaient le mieux servi Richelieu ne manquèrent pas d’obtenir des gratifications. L’assemblée statua sur diverses contestations qui touchaient aux prérogatives de l’église, et pour le règlement desquelles le ministre, satisfait de ce qu’il avait obtenu, n’entreprit pas de contrecarrer les prétentions ecclésiastiques. De ce nombre était la surveillance des petites écoles que les évêques diocésains entendaient s’attribuer exclusivement et que leur disputaient les présidiaux.

L’assemblée se sépara. Richelieu avait eu en somme le dessus, car les concessions qu’il avait dû faire étaient légères, mais il avait sali sa victoire par des actes arbitraires et l’emploi d’une violence sans exemple à l’égard du clergé. Maître, par cette sorte de coup d’état, des affaires ecclésiastiques, il poursuivit sans obstacle, pendant quelques mois, son projet de tirer de l’église toutes les ressources dont le gouvernement avait besoin. Il introduisit à son gré des changemens dans le département des décimes ; il s’appropria des deniers versés à la recette générale ; il communiqua au conseil du roi les comptes dont le clergé entendait garder le secret. Loin d’arrêter la recherche des amortissemens, il la fit poursuivre, comme si l’impôt destiné à les remplacer n’avait point été voté. Il étendit la contribution du huitième denier mise sur les aliénations. Il disposa, en un mot, du budget du clergé et grossit ainsi, outre mesure, le chapitre des frais communs. Les députés étaient impuissans à empêcher ces envahissemens. L’assemblée pas plus que l’église n’avait ni sergens ni exempts pour faire respecter ses décisions et défendre par la force ses immunités. Elle devait s’en remettre au bras séculier, et ce bras était précisément celui qui le frappait. Les députés s’en retournèrent dans leurs provinces aigris et humiliés : ils pouvaient penser à organiser une résistance passive et, en échauffant le zèle religieux des populations, opposer la sédition à l’arbitraire ; mais Richelieu avait fait dire aux évêques expulsés de Mantes qu’ils répondaient sur leur tête des émotions qui viendraient à se produire dans leurs diocèses. Toutefois, si les âmes pieuses témoignaient aux prélats, aux ecclésiastiques si durement traités, de la compassion, si quelques hommes indépendans louaient la fermeté qu’avaient montrée plusieurs évêques, le gros de la nation demeurait indifférent à des mesures qui ne l’atteignaient pas, le clergé s’étant toujours regardé comme formant un corps à part. Il arrivait que ceux qui faisaient alors le plus d’opposition au gouvernement du cardinal s’appuyaient sur le saint-siège et demandaient à des brefs la protection que leur refusait la couronne ; or la curie romaine était après tout une cour étrangère, et les partis qui ont fait appel à l’étranger, en France, se sont promptement aliéné les sympathies de la nation. La résistance aux ordres de Richelieu ne trouva donc pas d’écho dans la bourgeoisie, qui souffrait moins que les deux autres ordres du despotisme du cardinal et qui achetait volontiers, au prix de ses franchises municipales, une administration meilleure et une prospérité intérieure dont elle avait sa part. Le clergé dut se résigner et attendre que ce régime, qui ne supportait pas de contradicteurs, pût finir avec l’homme qui en était l’âme. Il n’attendit pas longtemps. Les jours du ministre étaient comptés, et la blessure qu’il avait faite à l’église ne resta ouverte et saignante que quelques mois. En mourant, Richelieu se repentit-il d’avoir ainsi traité le corps auquel il appartenait et qui l’avait porté aux plus grands honneurs ? Il ne le semble pas. Interrogé par le curé de Saint-Eustache, qui l’assistait à son heure suprême, pour savoir s’il pardonnait à ses ennemis, le fier cardinal répondit qu’il n’avait eu d’autres ennemis que ceux de l’état. Il avait peut-être raison, car l’état c’était alors, ce devait être surtout par la suite un régime d’autorité absolue qui remettait au roi et à son conseil toute la direction des affaires, qui les investissait d’un pouvoir sans appel et soumettait tous les sujets à une constante unité d’activité et d’obéissance. Les membres du clergé qui résistaient aux exigences de la couronne ne comprenaient pas ainsi leur rôle ; ils n’acceptaient la monarchie absolue qu’à la condition qu’elle se subordonnât à l’autorité de l’église, et ne pas commander là où ils prétendaient que devait s’exercer cette autorité, c’était pour eux la servitude. Ils n’acceptaient pas de milieu entre la domination et le martyre, et ils se résignaient plus facilement à le subir qu’à se ravaler au rang des autres sujets ; ils maintenaient que, quelles que fussent les formes de l’état, l’église gardait toujours ses droits, droits d’une nature infiniment supérieure à ceux que concèdent les conventions humaines parce qu’ils viennent de Dieu. Ramener les ecclésiastiques au rang de simples sujets, imposer à leur corps les mêmes devoirs politiques qu’aux profanes, c’était à leurs yeux un sacrilège, et le mot le disait, c’était profaner ce qui devait demeurer saint. Il était donc impossible au monarque de réduire le clergé, dans lequel il ne voyait que des auxiliaires, au joug sous lequel se courbait peu à peu toute la nation. Le gouvernement royal ne parvenait à affaiblir dans cet ordre l’esprit d’indépendance qu’en multipliant les attaches temporelles qui retenaient les ecclésiastiques à son bon plaisir, en remplissant les évêchés et les bénéfices d’hommes qui y cherchaient la considération et le bien-être plus qu’ils n’y travaillaient à l’accomplissement du devoir sacerdotal. Il se trouvait ainsi condamné à abaisser moralement le clergé, pour le contenir, et à faire dans les affaires de la religion une part de plus en plus large aux intérêts mondains.

Voilà comment l’église gallicane, en devenant plus docile aux exigences de la couronne, perdait de son autorité religieuse. Sans la dépouiller de ses richesses, et, pour l’amener à contribuer davantage à soutenir les charges matérielles de l’état, le roi travaillait à l’éloigner de plus en plus de sa mission. Les biens qui avaient fait jadis sa force étaient devenus la cause de sa déchéance morale.


ALFRED MAURY.

  1. Voyez la Revue du 15 février 1879.
  2. Citons, parmi les députés qui y siégèrent, le cardinal de Gondi, évêque de Paris, de Villars, archevêque de Vienne, de Pontac, évêque de Bazas, de L’Aubespine, évêque d’Orléans, et le célèbre Pierre Charron, l’auteur du Traité de la sagesse, envoyé par la province de Bourges.
  3. Philippe de Castille avait été durant quarante-cinq ans receveur général du clergé, son fils François se démit de sa charge en 1621 et eut pour successeur Vincent d’Aguesseau.
  4. Ces curieuses consultations ont été conservées en original dans les procès-ver-abux de l’assemblée.