Les Anacréontiques/Contre l’Or
LV
CONTRE L’OR
Quand l’or me fuit, et souvent ce perfide
Aux plaisirs décevants
Bien loin s’envole, et son aile est rapide
Comme l’aile des vents ;
Jamais alors, jamais ma voix n’invite
Le traître à revenir :
Mon ennemi fuit le toit que j’habite,
Pourquoi le retenir ?
Des vains soucis sa fuite me délivre.
Les semant par les airs,
Je prends ma lyre et mon esprit s’enivre
A la coupe des vers.
Mais quand il voit quel dédain ma sagesse
A pour ses dons changeants,
Il me revient, l’infidèle, il me presse
D’accueillir ses présents.
Non ! loin d’ici, trompeur fertile en ruses,
Loin de moi pour toujours !
A tous les biens je préfère les Muses,
Ma lyre et mes amours.