Les Amours de Tristan/La Pitié cruelle


LA PITIÉ CRVELLE.

SONNET.



PVisqu’on ne peur rien voir d’eſgal à ta beauté,
Et que le Ciel t’a faite außi fiere que belle ;
Prend ce poignard, Clorinde, & par ta cruauté
Donne de ta clemence vne preuue nouuelle.

Fais vn acte au iourd’huy d’vne Diuinité
Sans faire de contrainte à ton humeur cruelle ;
Et monstrant ta douçeur dans l’inhumanité,
Gueris d’vn coup mortel vne atteinte mortelle.

Ah Perfide ! tu crains de me preſter ta main ;
Tu ne penſerois pas faire vn acte inhumain
D’afranchir mon eſprit d’vne peine ſi grande :

Ô Dieux ! l’ingrat Obiect pour qui ie meurs d’amour
Me refuſe vne mort quand ie la luy demande,
Pour m’en faire ſouffrir plus de mille en vn jour.