Les Amours de Charlot et Toinette


[S. l.] MDCCLXXIX (p. Ill.-8).


GÉNÉROSITÉ FRATERNELLE
On fabrique un Succeẞeur.

LE CONGRÈS.
La faculté le déclare impuissant.
LES
AMOURS
DE
CHARLOT et TOINETTE
Piece dérobée A V.......
Scilicet is ſuperis labor eſt, ea cura quietos ſollicitat.......
Virg. Æneid.
Les Amours de Charlot et Toinette, 1779 - Fleuron
Les Amours de Charlot et Toinette, 1779 - Fleuron
MDCCLXXIX.

LES
AMOURS
DE
CHARLOT et TOINETTE.

Les Amours de Charlot et Toinette, 1779 - Vignette
Les Amours de Charlot et Toinette, 1779 - Vignette


Une Reine jeune & fringante,
Dont l’Epoux très-Auguſte étoit mauvais fouteur,
Faiſoit, de tems en tems, en femme très-prudente,
Diverſion à ſa douleur,
En mettant à profit la petite induſtrie
D’un Eſprit las d’attendre & d’un Con mal foutu.
Dans une douce rêverie
Son joli petit Corps ramaſſé, nu, tout nu,
Tantôt ſur le duvet d’une molle bergere,
Avec un certain doigt, le Portier de l’Amour,
Se délaſſoit la nuit des contraintes du jour ;
Et brûloit ſon Encens pour le Dieu de Cythere :
Tantôt mourant d’ennui au milieu d’un beau jour,
Elle ſe trémouſſoit toute ſeule en ſa couche :
Ses tétons palpitans, ſes beaux yeux, & ſa bouche
Doucement haletante, entrouverte à demi,
Sembloit d’un fier fouteur inviter le défi.
Dans ſes Lubriques attitudes,
Antoinette auroit bien voulu
N’en pas demeurer aux préludes,
Et que L.... l’eût mieux foutu ;

Mais à cela que peut-on dire ?
On ſait bien que le pauvre Sire,
Trois ou quatre fois condamné
Par la ſalubre faculté,
Pour impuiſſance très-complette,
Ne peut ſatisfaire Antoinette.
De ce malheur bien convaincu,
Attendu que ſon allumette
N’eſt pas plus groſſe qu’un fétu ;
Que toujours molle & toujours croche,
Il n’a de Vit que dans la poche ;
Qu’au lieu de foutre, il eſt foutu
Comme feu le prélat d’Antioche.
D’A..... ſentant un jour la grace triomphante,
Du foutre & du deſir la grace renaiſſante,
Vint aux pieds de la Reine eſpérer & trembler ;
Il perd ſouvent la voix en voulant lui parler,
Preſſe ſes belles mains d’une main careſſante,
Laiſſe par fois briller ſa flamme impatiente,
Il montre un peu de trouble, il en donne à ſon tour ;
Plaire à Toinette enfin fut l’affaire d’un jour :
Les Princes & les Rois vont très-vite en Amour.
Dans une belle alcove artiſtement dorée,
Qui n’étoit point obſcure & point trop éclairée.
Sur un ſopha mollet, de velours revêtus,
De l’Auguſte beauté les charmes ſont reçus.
Le Prince préſente ſon vit à la Déeſſe :
Moment délicieux de foutre & de tendreſſe !
Le Coeur lui bat, l’amour & la pudeur
Peignent cette beauté d’une aimable rougeur ;
Mais la pudeur ſe paſſe, & l’Amour ſeul demeure :
La Reine ſe défend foiblement, elle pleure

Les yeux du fier d’A..... éblouis, enchantés
Animés d’un beau feu, parcourent ces beautés :
Ah ! qui n’en ſeroit pas en effet idolâtre.
Sous un cou bien tourné, qui fait honte à l’albâtre,
Sont deux jolis tétons, ſéparés, faits au tour,
Palpitant doucement, arrondis par l’Amour :
Sur chacun d’eux s’éleve une petite Roſe
Téton, Téton charmant, qui jamais ne repoſe,
Vous ſemblez inviter la main à vous preſſer,
L’œil à vous contempler, la bouche à vous baiſer.
Antoinette eſt divine & tout eſt charme en elle :
La douce volupté dont elle prend ſa part,
Semble encore lui donner une grace nouvelle :
Le plaiſir l’embellit, l’Amour eſt un grand fard.
D’A… la ſait par cœur & par tout il la baiſe,
Son membre eſt un tiſon, ſon Coeur une fournaiſe ;
Il baiſe ſes beaux bras, ſon joli petit Con,
Et tantôt une feſſe & tantôt un téton :
Il claque doucement ſa feſſe rébondie,
Cuiſſe, ventre, nombril, le centre de tout bien ;
Le Prince, baiſe tout dans ſa douce folie ;
Et ſans s’appercevoir qu’il a l’air d’un Vaurien,
Tout tranſporté qu’il eſt dans ſon ardeur extrême,
Il veut tirer tout droit au but de l’Amitié.
Antoinette feignant d’éviter ce qu’elle aime,
Crainte de ſurpriſe, ne ſe prête qu’à moitié :
D’A… ſaiſit l’inſtant, & Toinette vaincue
Sent enfin qu’il eſt doux d’être auſſi bien foutue.
Pendant que tendrement l’amour les entrelace,
Que Charles la ſerrant, lui fait demander grace,
Antoinette palpite, & déja dans ſes yeux
Se peignent les plaiſirs des Dieux ;

Ils touchent au bonheur ; mais le ſort eſt un traitre,
On entend la Sonnette --- un page vigilant
Trop preſſé d’obéir, les dérange en entrant…
Ouvrir & ſe montrer… tout voir & diſparoître,
Fut l’affaire d’un ſeul inſtant.
Stupéfié de ſa diſgrace,
d’A --- avoit quitté la place.
La Belle Reine gémiſſoit,
Baiſſoit les yeux, rougiſſoit,
Sans proférer une parole :
Par un nouveau baiſer le Prince la conſole,
„ Oubliez, chere Reine, oubliez ce malheur,
„ Si cet importun trop alerte
„ A retardé notre bonheur,
„ Souvent l’infortune ſoufferte
„ Donne au plaiſir plus de vigueur.
„ Sus, dit le Beau d’A....., réparons cette perte ”
Chemin faiſant, il eſſayoit
Une plus grande chance,
A quoi la Reine s’oppoſoit
Avec un air de réſiſtance,
Qui rendoit plus piquant leurs Amoureux tranſports,
Et n’étaloit que mieux tous ſes petits tréſors.
Tant & tant, cher Lecteur, nos amans ſe foutirent,
Que les coups de cul les trahirent.
Une ſeconde fois monte encor Sieur Gervais :
„ Que veut Sa Majeſté ?… oh parbleu ! c’eſt exprès,
Dit d’A..... en colere,
Je n’entends rien à ce myſtere,
Voilà de cruels ſurveillans,
A tout moment ici, que veulent donc ces gens ?
La Reine n’entend plus… enfin de leur mépriſe

A peine leur ame eſt remiſe,
Qu’ils fouillent avec un grand ſoin.
Jusques au plus petit recoin,
Pour découvrir qu’elle eſt la cauſe
D’un ſi perfide événement ;
Mais ils ne trouvent rien, l’Amour pleure ſa pauſe :
La Reine ſe déſole, elle pouſſe des ſanglots,
Puis ſe laiſſe tomber comme une lourde maſſe
Sur une pile de carreaux,
Muets témoins de ſa diſgrace.
Le charme ceſſe alors, & ſon joli corps caſſe
L’obſtacle de leurs feux.... C’eſt le maudit ruban
De la Sonnette, dont le gland,
Source maudite, empoiſonnée,
Des accidens de la journée,
Entre deux couſſins étoit pris…
A chaque élan de leur tendreſſe
Des douceurs qu’on goûte à Cypris
Un grand coup de ſonnette ébruitoit l’ivreſſe
Ah ! que de Ribauts ſeroient pris,
Si dans l’accès de leurs goguettes,
Ils rencontroient ainſi des cordons de ſonnettes.
Nos Amans raſſurés fêtent encor l’Amour
Deux ou trois bonnes fois, avant la fin du jour ;
Et plongés tous deux dans le ſein des délices,
Ils ſemblent ſavourer leurs précieux premices.
Chaque jour plus heureux, devenant plus ardens,
Ils offrent à Vénus leurs feux toujours fideles ;
Ils ſe foutent ſouvent ; & l’amour & le tems,
Pour ces heureux amans, ſemblent n’avoir plus d’ailes.
Quant à moi, ſi l’on m’aſſervit
A jouir de grands biens, ſans rire, foutre, & plaire,

Afin de me ſauver d’une telle miſere,
J’aime mieux me couper le vit.
Quand on nous parle de vertu,
C’eſt ſouvent par envie ;
Car enfin ſerions-nous en vie,
Si nos peres n’euſſent foutu.



Les Amours de Charlot et Toinette, 1779 - Vignette
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