Les Amours (1553)/Poème 185


Les amours de P. de Ronsard Vandomois, nouvellement augmentées par lui, & commentées par Marc Antoine de Muret. Plus quelques odes de l'auteur, non encor imprimées
chez la veuve Maurice de la Porte (p. 215).

Bien que les chams, les fleuves, & les lieus,
Les monts, les bois, que j’ai laissé derriere,
Me tiennent loin de ma douce guerriere,
Astre fatal d’ou s’ecoule mon mieus:

Quelque Demon par le congé des cieus,
Qui presidoient a mon ardeur premiere,
Conduit toujours d’une aele coutumiere
Sa belle image au sejour de mes yeus.

Toutes les nuits, impatient de hâte
Entre mes bras je rembrasse & retâte
Son ondoiant en cent formes trompeur:

Mais quand il voit que content je sommeille,
Moquant mes bras il s’enfuit, & m’esveille,
Me laissant plein de vergogne & de peur.