Les Amours (1553)/Poème 106


Les amours de P. de Ronsard Vandomois, nouvellement augmentées par lui, & commentées par Marc Antoine de Muret. Plus quelques odes de l'auteur, non encor imprimées
chez la veuve Maurice de la Porte (p. 119).

Amour archer d'une tirade ront
Cent traits sur moi, & si ne me conforte
D'un seul regard, celle pour qui je porte
Le cœur aux yeus, les pensers sur le front.

D'un Soleil part la glace qui me fond,
Et m'esbaïs que ma froideur n'est morte
Au feu d'un œil, qui d'une flame acorte
Me fait au cœur un ulcère profond.

En tel estat je voi languir ma vie,
Qu'aus plus chetifs ma langueur porte enuie
Tant le mal croît & le cœur me défaut:

Mais la douleur qui plus comble mon ame
De desespoir, c'est qu'Amour & Madame
Savent mon mal, & si ne leur en chaut.