Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices/01
CHAPITRE I.
Récit de Mlle. Bourgoin.
Ayant tout, mesdames, je vous demande la permission de ne point nommer le héros de l’aventure, libre à chacune de vous après d’en faire autant, qu’il vous suffise de savoir que c’est un jeune homme à qui j’ai ouvert la carrière comme auteur dramatique, croit m’avoir beaucoup d’obligation, tandis qu’en le protégeant et en cherchant à me l’attacher, je n’écoutais que la passion que sa jolie figure et sa tournure distinguée m’avaient inspirée, et certes je puis dire, que si je mettais en balance le peu que j’ai fait pour lui et les plaisirs sans égal dont il a rempli mon âme pendant notre courte liaison, je me trouverais être bien en retour envers lui.
À l’époque dont je vais vous entretenir, j’avais pour amant en titre un de nos plus riches agens de change R....... que vous connaissez toutes, je jouissais avec lui de tous les plaisirs que peut donner la fortune. Mais, déjà près de la soixantaine, ce baudet de Plutus ne remplissait pas certain vide que je sentais au cœur, c’est pourquoi je lui avais donné pour adjoint et suppléant M…, (c’est sous cette initiale que je vous désignerai mon jeune auteur) ; celui-ci jouissait gratuitement des faveurs que l’autre payait au plus haut prix.
Ma promenade favorite était le bois de Boulogne et je m’y rendais souvent en compagnie avec mon jeune favori dans un élégant équipage que je tenais de la libéralité de mon entreteneur, une fois à la porte Maillot je renvoyais l’équipage avec ordre de venir me chercher à une certaine heure que je désignais à mon cocher, puis nous nous enfoncions dans les allées du bois, cherchant les sentiers les plus déserts et les moins fréquentés, et quand nous étions parvenus à découvrir quelque endroit où nous puissions nous croire à l’abri de tout regard indiscret, nous nous livrions à toute notre passion et à mille jeux charmans, inventant les postures les plus piquantes, aiguillonnant ainsi nos plaisirs et rendant nos jouissances toujours nouvelles en les variant à l’infini.
Nous commencions par les plus doux préliminaires, et quand je m’étais débarrassé de mon châle et de mon chapeau, attirail si ennuyeux quand on veut jouir en toute liberté des plaisirs de la campagne ; mon jeune amant me soulevait dans ses bras jusqu’à la hauteur de quelque branche d’arbre que je saisissais et à laquelle je me suspendais aussi long-temps que mes forces pouvaient me le permettre, M...... de son côté plaçait sa tête entre mes cuisses et plaçant ainsi mes jambes sur ses épaules et ses deux mains sous mes fesses, il m’aidait à me soutenir, tandis que plaçant sa langue à l’entrée du temple des plaisirs, il me provoquait par les plus douces titillations à répandre la liqueur divine que je sentais fermenter dans mes veines et ce n’est qu’après avoir reçu le nectar sur les lèvres qu’il me redescendait mollement à terre, et qu’il se mettait en position de combler la mesure de nos jouissances dans la situation où j’affectionnais de le voir et qui était pour moi le suprême degré de félicité.
Voici en quoi consistait cette position.
Nous choisissions un endroit qui formait le tertre et se trouvait un peu incliné, alors mon jeune amant s’étendait tout de son long sur le dos, par un tendre badinage, ma main faisait sauter les boutons qui retenaient le pont de son pantalon et j’en voyais s’élancer le serpent qui séduisit notre mère Eve ; dans mon ardeur amoureuse je saisissais ce charmant serpent et le serrant dans ma main, je le carressais et le couvrais de baisers, puis quand sa tête, rougissant de colère de se voir ainsi captif, commençait à se couvrir d’une légère écume blanche, je me mettais à califourchon sur le ventre de mon amant et guidant moi-même le monstre aimable dont la fureur me menaçait, je l’introduisais dans l’endroit ou j’aimais à le sentir darder son venin.
Pl 17. |
Je me mettais à Califourchon sur le ventre de mon amant. |
Oh ! quels ravissemens c’était alors ! Mes yeux à demi fermés par le plaisir que j’éprouvais, distinguaient à peine mon amant qui lui-même se mourait de bonheur ; bientôt ce n’étaient plus entre nous qu’un chorus d’exclamations plus amoureuses les unes que les autres : Attends… ne meurs pas encore… je sens mon â… me… qui s’envo… le, ah ! ah !… je cou… le… et nous arrivions ensemble à la suprême félicité. Ah ! croyez-en mon expérience, Mesdames, dit la lascive Bourgoin en terminant. La posture à califourchon est la plus propice à la véritable jouissance.