LVII

SUITE DE L’APOSTOLAT DE SAINT PIERRE.



Grand’mère. Après avoir fait le Symbole, les Apôtres décidèrent qu’ils se disperseraient par toute la terre pour faire connaître Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est alors que saint Paul alla avec saint Luc en Asie Mineure, que saint Thomas alla dans les Indes. Saint Pierre alla à Borne, d’abord pour convertir les peuples de Rome et de l’Italie, et puis pour tâcher de détruire la puissance de Simon le Magicien dont je vous ai déjà parlé, qui avait eu l’air d’abandonner ses sortilèges et de vouloir suivre saint Pierre. Vous vous rappelez comment saint Pierre le renvoya avec indignation quand Simon lui offrit de l’argent pour qu’il lui vendît le don des miracles. Simon le Magicien était allé à Rome ; il s’était de plus en plus donné au démon qui l’aidait à faire des sortilèges ; il avait séduit les Romains par ses enchantements.

Saint Pierre ne put agir ouvertement contre lui dans les premiers temps de son arrivée à Rome, de peur d’exciter l’Empereur contre les Chrétiens. Il n’y en avait pas encore beaucoup et ils étaient timides dans leur foi ; saint Pierre convertit beaucoup de monde pendant les quatre ou cinq premières années qu’il resta à Rome. Il était descendu chez un sénateur nommé Pudens, qui se convertit à la foi avec toute sa famille. Le palais de Pudens, où demeurait saint Pierre, fut ainsi la première église chrétienne de Rome. On voit encore près de la grande église de Sainte-Marie-Majeure, une partie des ruines de ce palais si sanctifié. On vénère tout particulièrement une partie de l’ancien pavé sur lequel saint Pierre marchait souvent, ainsi qu’une table de bois sur laquelle il offrait souvent le saint sacrifice de la Messe. Le sénateur Pudens avait donné à saint Pierre pour lui servir de siège quand il prêchait, sa Chaise curule de sénateur. Cette chaise de Pudens et de saint Pierre est en ivoire, en ébène et en or. Elle est conservée comme une précieuse relique au fond de la grande Église de Saint-Pierre de Rome.

Saint Pierre fut obligé de quitter Rome pour obéir à l’édit, c’est-à-dire à l’ordre, de l’Empereur Claude qui chassait de Rome tous les Juifs. Ce fut alors qu’il retourna à Jérusalem pour apaiser les querelles qui s’étaient élevées entre les Juifs chrétiens et les Gentils convertis au sujet des cérémonies juives. Vous vous rappelez que saint Paul vint le rejoindre à Jérusalem pour ce même motif, et qu’il reprocha à saint Pierre publiquement d’avoir été trop condescendant en refusant, de manger avec les Gentils pour ménager les susceptibilités des anciens Juifs.

Au reste, cette réprimande de saint Paul, bien loin de diminuer le respect qu’avaient les Chrétiens pour saint Pierre, fit mieux encore ressortir son humilité et sa douceur. Loin de se fâcher et de rappeler qu’il était le Chef de l’Église et qu’on lui devait respect et obéissance, il s’humilia devant saint Paul, se rendant à ses remontrances, se bornant à expliquer modestement et doucement les raisons qui l’avaient fait agir comme le lui reprochait saint Paul.

Camille. Grand’mère, j’ai entendu dire que cette réprimande de saint Paul à saint Pierre prouve que saint Pierre pouvait se tromper, tout Pape qu’il était. Est-ce vrai ?

Grand’mère. Non, chère enfant ; ceux qui le disent oublient d’abord que cette question n’était pas du tout une question de foi, mais une simple affaire de conduite, sans importance au point de vue de la doctrine. Ensuite ils oublient que saint Pierre était infaillible, non-seulement en sa qualité de Chef de l’Église, mais en sa qualité d’Apôtre. Saint Pierre, comme les autres Apôtres et comme les Papes ses successeurs, n’était infaillible que dans ce qui regarde le gouvernement de l’Église et dans l’enseignement de la foi. Il pouvait se tromper comme les autres hommes dans les détails de sa vie privée.

Continuons l’histoire de saint Pierre.