Librairie de L. Hachette et Cie (p. 41-46).

XI

LES APÔTRES EN PRISON, DÉLIVRÉS PAR UN ANGE.



Grand’mère. Anne, le Prince des prêtres, et ceux qui étaient avec lui, furent remplis de colère en apprenant ces nouvelles. Et faisant saisir les Apôtres, ils les firent jeter en prison.

Mais un Ange du Seigneur apparut la nuit dans la prison, brisa et fit tomber leurs chaînes…

Valentine. Comment a-t-il pu les briser sans faire de bruit, pour ne pas éveiller les gardiens ?

Grand’mère. L’Ange a fait tomber les chaînes par le simple effet de la toute-puissance de Dieu. Il était envoyé par Notre Seigneur pour délivrer les Apôtres. Il voulut qu’ils fussent libres, ils l’ont été ; il a voulu que les gardes dormissent d’un profond sommeil, et ils ont si bien dormi qu’ils n’ont rien entendu.

L’Ange, ayant donc brisé les chaînes des Apôtres, marcha droit devant eux ; les grilles et les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes et les Apôtres se trouvèrent libres dans la rue. L’Ange leur dit :

« Allez, montez au Temple, annoncez au peuple les paroles de vie. »

Jeanne. Quelles paroles ? Comment des paroles peuvent-elles faire vivre ?

Grand’mère. Les paroles ne peuvent pas donner la vie au corps, mais elles font vivre l’âme, c’est-à-dire qu’elles nourrissent l’âme de vérités saintes et de bons sentiments qui la mènent à la vie éternelle.

Les Apôtres, écoutant les paroles de l’Ange, entrèrent de grand matin dans le Temple, et ils y enseignaient.

Marie-Thérèse. Comment ? ils enseignaient dans le Temple ? Mais c’était très-dangereux pour eux !

Grand’mère. Chère enfant, les Apôtres ne redoutaient plus aucun danger, depuis qu’ils avaient reçu le Saint-Esprit. Ils se tinrent courageusement comme d’habitude dans le portique ou le vestibule du Temple.

Pendant ce temps, Anne, Prince des prêtres et quelques-uns du conseil s’étant assemblés, ils convoquèrent tout le conseil et les anciens ; et ils envoyèrent à la prison pour qu’on amenât les Apôtres.

Les gardes étant venus, ils entrèrent dans la prison et, n’ayant plus trouvé les Apôtres, ils revinrent l’annoncer, disant :

« Nous avons trouvé la prison fermée avec beaucoup de soin, et les gardes étaient debout, en dehors, gardant la porte. Mais ayant ouvert, nous n’avons trouvé personne dedans. »

Après avoir entendu ces paroles, le chef des gardes du Temple et les Princes des prêtres ne surent plus ce qu’ils devaient faire.

Pendant qu’ils se consultaient entre eux, quelqu’un accourut et leur dit :

« Voilà que les hommes que vous aviez mis hier en prison sont dans le Temple, enseignant et convertissant. »

Alors le chef des gardes y alla et les emmena sans violence, car il avait peur qu’en les voyant emmenés de force, le peuple ne s’ameutât et ne les lapidât.

Ils firent entrer les Apôtres dans le conseil ; et le Prince des prêtres les interrogea et leur dit :

« Ne vous avions-nous pas défendu sous les peines les plus sévères d’enseigner au nom de ce Jésus ? Et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre doctrine, et que vous voulez rejeter sur nous le sang de cet homme ! »

Saint Pierre et les Apôtres répondirent :

« Il faut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez tué en le suspendant à une croix. Le Dieu Sauveur l’a placé à sa droite, pour donner à Israël, par la pénitence, la rémission des péchés. Nous sommes témoins de ces choses, et nous les attestons ; et le Saint-Esprit les atteste avec nous. Dieu donne son Esprit à fous ceux qui ont un cœur docile. »

Ayant entendu ces paroles, les Juifs du grand conseil frémissaient de rage et ils se consultaient entre eux pour les faire mourir. Mais l’un d’eux, nommé Gamaliel, fort honoré du peuple, se levant dans le conseil, commanda qu’on fît sortir un moment les Apôtres. Et il dit :

« Hommes d’Israël, prenez bien garde à ce que vous ferez à l’égard de ces hommes. Car avant notre temps, il y eut un nommé Théodas qui voulut se faire passer pour un grand esprit, et il eut environ quatre cents disciples ; il fut tué et ses disciples se dispersèrent ; on n’entendit plus parler de lui.

« Plus tard, se fît connaître un autre homme, Judas le Galiléen, il fit de même ; il attira le peuple, il périt et ses amis se dispersèrent.

« Et maintenant je vous dis : ne vous mêlez pas de ces hommes et laissez-les aller. Car si leur œuvre et leur doctrine vient de l’orgueil ou du mensonge, elle tombera d’elle-même ; et si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas la détruire ; peut-être alors est-ce contre Dieu même que vous combattriez. »

Ils trouvèrent que Gamaliel avait raison, et ayant rappelé les Apôtres, ils les firent fouetter…

Jacques. Comment ! ces méchants hommes font fouetter les pauvres Apôtres qui n’ont rien fait de mal, et que Gamaliel leur conseille de laisser aller ! Mais c’est injuste, c’est abominable.

Grand’mère. Certainement ; mais Pilate en avait fait autant pour Notre Seigneur, qu’il avait fait flageller cruellement, après avoir publiquement proclamé son innocence. Ici, les Juifs voulaient tout simplement exercer une vengeance contre les amis de Notre-Seigneur, qu’ils haïssaient plus que jamais.

Mais comment Gamaliel les a-t-il laissés faire ?

Grand’mère. D’abord, seul contre tous, il n’aurait pu les en empêcher. Ensuite, cela lui était bien égal qu’on fit souffrir les Apôtres. Le conseil qu’il avait donné était bon, mais il ne l’avait pas donné dans l’intérêt des Apôtres ni de la doctrine de Notre-Seigneur, mais dans son propre intérêt et dans celui de ses méchants amis, parce que la mort des Apôtres aurait exaspéré le peuple, qui se serait révolté et aurait peut-être massacré tous les membres du conseil.

Lorsque les Apôtres eurent été fouettés, on les renvoya, leur défendant de parler au nom de Jésus.

Ils sortirent du conseil plein de joie d’avoir été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus.

Louis. Est-ce qu’on les avait fouettés fort ? Leur a-t-on fait du mal ?

Grand’mère. Certainement ; d’abord parce que les fouets des Juifs étaient faits en lanières ou bandes de cuir tressées, ce qui emporte la peau à chaque coup ; ensuite parce que la haine des juges et des bourreaux contre Jésus-Christ leur faisait exécuter ce supplice avec un redoublement de cruauté.

Jeanne. Pauvres Apôtres ! Ils faisaient pourtant une belle action eu désobéissant aux méchants Juifs !

Grand’mère. Oui ; eux les premiers ont montré le courage que pouvait donner la foi ; et bien loin de se plaindre du supplice qu’ils avaient souffert, ils ont été joyeux et heureux de verser leur sang pour le Divin Maître qui avait répandu tout le sien pour leur salut. C’est ainsi qu’ont fait et que font encore tous les Martyrs.

Les douze Apôtres continuèrent donc à enseigner tous les jours dans le Temple et dans les maisons particulières pour faire connaître de plus en plus Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa Divine religion.