XXII.

Voyons, il s’agit de s’entendre. Qui êtes-vous ? On ne vous connaît guère. Ceux d’entre vous qui, hier encore, n’étaient pas absolument ignorés ne jouissent pas suffisamment de la confiance générale pour inspirer toute sécurité à l’égard des autres. Pour vous juger, nous attendons vos actes. Défiez-vous de donner prise à la défiance ! Vous avez fait des décrets qui, certes, peuvent être critiqués, mais qui ne sont pas absolument condamnables, car ils ont pour objet de défendre les intérêts de cette partie de la population que vous représentez particulièrement et de qui vous tenez votre mission. On vous passerait les décrets, si vous ne faisiez rien de plus grave. Hier, 30 mars, dans la nuit — pourquoi dans la nuit ? — un personnage décoré d’une écharpe rouge, et suivi d’hommes armés, s’est présenté à la compagnie d’assurances l’Union. Le garçon de service dans les bureaux n’ayant pas voulu donner les clefs de la caisse, on a enfoncé la porte à coups de crosse, apposé les scellés sur le coffre-fort, et arrêté l’employé qui n’avait fait que son devoir. Que signifie ceci ? Avez-vous été élus pour enfoncer des caisses et mettre des scellés sur des coffres-forts ? La même nuit, à la même heure à peu près, un de mes amis, en regagnant son domicile qui se trouve de l’autre côté de l’eau, a vu les fenêtres de l’Hôtel de Ville brillamment éclairées. « Oh ! oh ! s’est-il dit, un bal, déjà ? » Il s’est informé. Ce n’était pas un bal, c’était mieux que cela. Trois ou quatre cents gardes nationaux de Belleville avaient envahi les salons de l’Hôtel et s’y étaient fait servir à souper. Ils avaient auprès d’eux leurs compagnes, légitimes ou non. On buvait, on riait, on chantait. Qu’entendez-vous par là, messieurs de la Commune ? Avez-vous été élus pour tenir table, et vous disposez-vous à faire écrire sur la façade de l’édifice municipal : « Salons pour noces et festins » au dessous de Liberté, Égalité, Fraternité ?