Les Œuvres de Mesdames Des Roches/Epistre aux dames

EPISTRE AVX
dames


SI le marbre bien taillé, ou les couleurs du pinceau employé d’vne docte main, nous ont fait congnoiſtre, non la ſeule beauté du corps, mais encores les mœurs & complexions de ceux qu’ils ont repreſentez : i’ay penſé que la parolle, vraye image de l’ame, & la voix fuyante arreſtee par la plume ſur le papier, dõnoit vn certain indice, non ſeullement de la richeſſe de l’eſprit & de ſes ſens acquis ou naturel, mais de l’integrité naïfue de ceux qui parlent ou eſcriuent. Pour ceſte cauſe, i’ay voulu en ce petit tableau où ie me ſuis depeinte, arreſter ma parolle, pour vous aſſeurer de l’amitié entiere que i’ay touſiours portee à vous (Meſdames) ſi aucunes de vous daignez lire mes humbles vers. Et ſi, m’eſtant plus charitables, vous m’aduiſez, que le ſilence ornement de la femme peut couurir les fautes de la langue & de l’entendement : ie reſpondray qu’il peut bien empeſcher la honte, mais non pas accroiſtre l’honneur, auſſi que le parler nous ſepare des animaux ſans raiſon : au fort i’eſpere de voz courtoiſies, que ſi vous ne me iugez digne d’eſtime, vous ne penſerez pas que ie merite grande reprehenſion, pource que ſi c’eſt peu de mes eſcrits pour la valeur, auſſi n’eſt-ce point beaucoup pour la longueur. Ainſi vous me trouuerez aucunement excuſable, mais il vaut mieux que je trouue la fin de mon Epiſtre aſſez pres du commencement, de crainte que vous ennuiant pour ſa longueur, elle contrediſe à moymeſme, & à voſtre deſir, de ſorte qu’il me falluſt chercher excuſe, à mon excuſe, à Dieu mes Dames.