Les éducatrices : Jacqueline Pascal ; analyse d’un article de Mlle Marie Châteauminois

Les éducatrices : Jacqueline Pascal ; analyse d’un article de Mlle Marie Châteauminois
Revue pédagogique, premier semestre 1883 (p. 261-262).

Les éducatrices : Jacqueline Pascal, par Mlle Marie Châteauminois de la Forge (Revue politique et littéraire, no du 3 février 1883). — Mlle Châteauminois, qui analysait, il y a quelques mois, dans la Revue politique et littéraire, les parties pédagogiques du Grand Cyrus, continue ses études sur les « éducatrices », et nous donne maintenant un portrait de Jacqueline Pascal. Tout a été dit, ce semble, sûr la directrice des petites écoles féminines de Port-Royal, par Sainte-Beuve, par Cousin, par M. Compayré et, tout récemment, par M. Gréard. Mlle Châteauminois n’a pas la prétention de refaire ce qui avait été déjà fait, et plusieurs fois, de main de maître : mais elle a des mots heureux pour caractériser l’œuvre de l’austère janséniste qui « transformait l’école en purgatoire, afin d’ouvrir plus sûrement à ses élèves les portes du paradis ». Maîtresse femme, d’ailleurs, âme haute et passionnée, avec des échappées à la Pascal. Est-ce lui ou elle qui a écrit, sous la menace des persécutions : « Que craignons-nous ? le bannissement pour les écoliers, la dispersion pour les religieuses, la saisie du temporel, la prison et la mort, si vous voulez ; mais n’est-ce pas notre gloire, et ne doit-ce pas être notre joie ? » Et encore ce cri de révolte : « Puisque les évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d’évêques. Si ce n’est pas à nous à défendre la vérité, c’est à nous à mourir pour la vérité. » Avec de pareils sentiments, on comprend qu’en effet on meure de douleur, à trente-six ans, pour avoir, par obéissance, mais contre toute conviction, signé le formulaire. Mais on comprend aussi que quelque chose d’humain ait manqué à cette « âpre vertu ». Ce n’est pas que comme malgré elle la tendresse ne la prenne pour ses « petites colombes ». Il n’en est pas moins impossible de ne pas condamner une éducation qui ne tend rien moins qu’à l’anéantissement de la volonté et de l’intelligence. C’est sous le bénéfice de cette réserve que nous nous joindrons aux regrets de Mlle Châteauminois : « Quelle institutrice incomparable, dit-elle, eût été Jacqueline Pascal si l’exaltation religieuse n’avait altéré ses grandes qualités ! Elle possédait la finesse du jugement, l’ingéniosité des moyens et la persévérance ardente qui triomphent des natures les plus rebelles. À travers son voile un peu trop sombre, elle demeure pour nous l’incarnation la plus pure, la plus loyale, du devoir austère accompli avec joie. On est sans force pour lui reprocher sa sévérité quand on considère qu’elle fut toujours plus sévère pour elle-même que pour autrui. Elle poursuivait un but qui lui paraissait unique et important entre tous : arracher des âmes à l’enfer pour les donner au ciel… Les éducatrices modernes, ajoute avec beaucoup de raison Mlle Châteauminois, ont une mission plus modeste et plus réalisable : elles doivent préparer les jeunes filles aux devoirs et aux noblesses de la vie humaine. »