Les écoles de la Bastide-de-Sérou (Ariège) avant la Révolution (1619-1793)

Les écoles de la Bastide-de-Sérou (Ariège) avant la Révolution (1619-1793)
Revue pédagogique, second semestre 1882n. s. 1 (p. 358-367).

LES ÉCOLES DE LA BASTIDE-DE-SEROU (ARIÈGE)
AVANT LA RÉVOLUTION (1619-1793)


Les documents authentiques trouvés aux archives de la mairie font remonter l’histoire de l’enseignement à la Bastide-de-Sérou jusqu’aux premières années du xviie siècle. Les registres des délibérations municipales, qui nous out fourni les éléments de cette notice, ne commencent qu’en 1619. Cependant l’existence des écoles de la ville est antérieure à cette époque ; la question scolaire ne se présente pas alors comme nouvelle, puisque nous voyons l’enseignement déjà régulièrement organisé. Mais qu’étaient ces écoles ?

Les textes font défaut pour établir l’époque où elles ont été fondées et pour en faire connaître le régime. La charte des coutumes, accordée le 24 juin 1252, ne contient aucune clause relative à l’enseignement. Elle entre dans de nombreux détails d’administration ; mais, comme les documents contemporains du même genre, elle ne se préoccupe pas de l’instruction populaire.

Ce n’est qu’à partir de Louis XIII que nous pouvons suivre pas à pas les efforts tentés par l’administration consulaire pour entretenir, à la Bastide-de-Sérou, un foyer d’instruction ; c’était là une des principales préoccupations des magistrats municipaux. Le choix des maîtres était une des prérogatives qui leur tenait le plus au cœur. Plus d’une fois ils firent preuve d’une véritable indépendance envers l’autorité supérieure qui, en quelques circonstances, se vit obligée de rabattre de ses prétentions, Bien plus souvent aussi, dans ces luttes de pouvoir à pouvoir, le dernier mot ne restait pas aux consuls, dont les droits étaient méconnus. Nous avons dépouillé, en suivant l’ordre chronologique, les cahiers des délibérations municipales : après avoir relevé tous les passages qui ont trait à l’enseignement, nous avons groupé les faits se rapportant à un même ordre d’idées, de manière à donner un tableau aussi exact que possible de l’organisation scolaire dans notre ville natale, pendant les deux derniers siècles (1619-1793).

Tous les ans, on renouvelait avec le maître ou régent le traité qui s’appelait bail des escolles. C’était un marché à forfait qui s’établissait entre le maître et l’administration consulaire. On ne craignait pas d’entrer dans les détails les plus minutieux.

Remarquons aussi que l’école était ouverte à toutes les classes de la société, et que la jeunesse de la ville était sans distinction appelée à bénéficier des avantages de l’enseignement. Le maître était en outre « tenu de recevoir aux escolles tous les enfants de la juridiction » (1746).

Nous allons passer successivement en revue les différentes parties de l’organisation scolaire, telle que nous la font connaître les documents que nous avons consultés.

I. — Les maîtres : premier régent, second ; choix, conditions exigées, traitement.

Les titres que portaient les maîtres varièrent souvent, On les voit exercer leurs fonctions sous les diverses dénominations de prebstre-régent, clerc tonsuré, escollier, escollier en philosoffie, diacre évangeliste, second baichelier en sçainte théologie, acolite, recteur, étudiant, maître écrivain. Néanmoins, prêtres ou laïques, les maîtres étaient confondus sous le nom générique de régent.

Comme garantie de savoir, plusieurs d’entre eux se recommandaient particulièrement par les grades universitaires de docteur en droit (1632), docteur avocat (1654, 1754).

La communauté, voulant s’assurer de l’aptitude des régents, exigeait quelquefois d’eux un examen préalable qu’ils passaient devant une commission nommée ad hoc. « Baillent les escolles au susdit escollicer qui a subi l’examen de sa capacité devant Guilhaume Amardheil, recteur ; Francois Doment, prebstre ; Villa, docteur en droict… ce matin, et bien doctement respondu à toutes les questions » (1653).

À côté du titulaire se trouvait le plus souvent un aide, ce qui prouve qu’un seul maître ne pouvait suffire aux exigences du service. Le nombre des élèves devait donc être relativement considérable.

Le choix des maîtres appartenait aux consuls. Ils le soumettaient ensuite au conseil politique, qui fixait en séance les conditions auxquelles les régents devaient strictement se conformer. Celles qui leur étaient imposées présentent quelques changements dans les termes servant à désigner le même objet. Ainsi répétées sous diverses formes, elles donnent la mesure exacte de la façon dont l’administration consulaire comprenait la nécessité d’instruire les enfants du peuple. Si, comme on le verra plus loin, le programme était peu étendu, du moins chaque maître prenait l’engagement d’honneur de le suivre « avec toute fidélité, soing et dilligence » (1632), et faisait la promesse formelle « de s’acquitter le plus dignement possible de l’instruction et éducation de laditte jeunesse » (1653, 1658).

Les honoraires ou gages des régents étaient peu élevés. Le maître acceptait la régence « moyennant les gages accoustumés de cinquante escutz d’or, revenant à cent cinquante livres » (1620, 1624, 1651) ; 40 écus étaient attribués au premier régent et 10 au second, que l’on payait « à trois pactes égaux, sçavoir : le premier, le jour de la Toussaint ; le secund, le jour de la Chandelleur, et le troisième, le jour de l’Ascension » (1620, 1624, 1632, 1665).

Lorsque la part du second n’était pas indiquée dans le bail, le premier régent la fixait à son gré : « cinquante escutz d’or sur lesquels il était tenu de prendre les honoraires du second » (1650) ; — cent cinquante livres (1666) ; — « aux gages de cent quatre-vingt livres, laquelle somme a été accordée audit Rouède, sous le bon plaisir de monseigneur l’intendant, par rapport à la cherté des vivres » (1746, 1748).

D’autres fois, et le plus communément, les honoraires de chaque maître étaient déterminés à l’avance ; mais le traitement pouvait varier d’une année à l’autre ; il augmentait ou diminuait, sans doute, suivant le zèle ou la valeur des maîtres qui acceptaient la charge.

« .. Et ce moyennant la somme de cent cinquante livres que les sieurs Consuls et Scindic seront tenus de payer, scavoir : au premier régent, la somme de huitante livres ; au second régent, la somme de septante livres » (1667).

En 1706, nous voyons que 110 livres sont attribuées au premier et 40 au second régent ; en 1763, 140 au premier, 60 au second. En 1770, les gages sont « portés à 250 livres, vu la cherté des vivres, » et le second reçoit 80 livres. C’était bien peu sans doute, puisqu’à ces honoraires ne s’ajoutait aucune rétribution scolaire payée par les élèves. L’enseignement était donc gratuit ; et, à cette époque, à La Bastide du moins, la question n’était même pas discutée.

Parfois, l’intendant avait la prétention de diminuer les honoraires du régent. Le conseil les rétablissait intégralement, « veu son assiduité et qu’il n’est pas de moindre estoffe que les autres » (1666).

La modicité des gages motivait probablement le changement fréquent des maîtres, plus encore peut-être que l’obligation dans laquelle se trouvait la communauté de procéder tous les ans au renouvellement des contrats passés avec les personnes chargées à divers titres d’un service public.

II. — Bail : autorité compétente pour le rédiger, formalités, autorisation.

Quand le régent avait fait ses preuves et avait été agréé, il se présentait devant le conseil politique de la commune, que présidaient les consuls assistés du syndic. C’est alors que l’on passait avec lui le traité connu sous le nom de bail de la régence des escolles. En général, cet acte, passé le 24 juin, produisait son effet à partir du 4er juillet suivant ; c’était de règle, mais il n’est pas rare d’en trouver à des dates postérieures. La délibération qui en tenait lieu se rédigeait séance tenante : « … A La Bustide-de-Sérou, au pays de Foix et dans la maison commune de ladite ville par devant moi secrétaire soussigné (1620), — et tesmoins bas nommés (4622), — constitués en personne (1624), — de leur bon gré, pure et franche volonté (1632), — suivant le pouvoir à eux donné par la dellibération du conseil général tenu en laditte ville au mois de juin dernier (1632, 1650), — aux pactes et conditions suivantes (1653, 1656). »

On appelait parfois un notaire pour passer le bail des écoles : « … À La Bastide-de-Sérou, maison commune d’icelle, au pays de Foix, régnant notre très chrétien prince Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, par devant moy notaire royal et soubsigné, et témoins bas nommés… en personne constituée » (1663, 1654, 1655).

Les baux n’étaient passés que « x pour le temps et espace d’une année » ; mais ils étaient susceptibles de renouvellement avec le même titulaire, qui devait se soumettre aux mêmes formalités avant de recevoir une nouvelle investiture. Cet instrument n’était valable qu’après avoir été soumis à l’assentiment de l’évêque ; et, dans la plupart des cas, celui-ci ne faisait que ratifier le choix du candidat présenté par le conseil. Alors seulement pouvait avoir lieu l’installation officielle. Jusque-là la nomination était provisoire.

Nous remarquons que le curé ou recteur de la ville assistait à la plupart des séances du conseil, et notamment à celles où l’on s’occupait des régents. La signature du recteur précède celles des consuls, et sa présence semble devoir assurer l’acceptation des propositions faites à l’évêque ou à ses vicaires généraux, chargés au besoin de représenter leur supérieur (1646).

Si le postulant ne convient pas à l’autorité diocésaine, l’autorisation n’est pas accordée. Alors on voit des protestations du conseil se produire sans retard. Il ne peut pas ’admettre la prétention du prélat « qui veut s’approprier la nomination des régents ». La communauté, étant seule à fournir le traitement, prétend aussi avoir le choix du titulaire (1644) ; c’était un droit dont elle ne voulait point se dessaisir.

Pour maintenir le candidat présenté, les raisons ne manquent pas : « Il a subi l’examen de sa capacité, — il est de bonnes vie et mœurs, — il jouit de la confiance des familles, — les écoles demeureront fermées, — attendu qu’il est de qualité requise » (1668). Néanmoins, dans ses protestations, le conseil se montre toujours plein de déférence pour l’autorité épiscopale ; il n’a recours qu’aux formules de respect et de soumission.

En 1710 se produisent des difficultés au sujet du sieur Jean Gailhard, clerc tonsuré, qui dirige la régence depuis deux ans, mais qui à déplu, parait-il. Il a pourtant, dit le conseil, « faict sa fonction en homme de bien et d’honneur, tant par ses examples que esducation, a lesgard de la jeunesse. » Mais « veu la confusion et le désordre quy se trouve a l’esgard de la regence », le conseil prie l’évêque d’envoyer « tel subjet qui lui conviendra », en spécifiant qu’il se réserve toujours le droit de nomination. Pendant ce temps, les enfants n’avaient pas de maître ; aussi, après une vaine résistance, le conseil dut-il céder afin de ne pas nuire aux intérêts des écoles qui, à cette époque (1711), « vaquèrent quatre mois et demi, faute d’y avoir pourvu de bonne heure ».

Dans une autre circonstance, mécontent de voir que la municipalité tenait à sa proposition, un membre du conseil donna sa démission ; mais l’évêque, d’accord peut-être avec ce dernier, ayant maintenu sa décision, le conseil fut obligé de s’incliner, et dut présenter trois mois après un autre candidat (1764, 1305).

Cette suprématie de l’évêque exista longtemps et demeura inébranlable. On comprend aisément que, par ce temps de prosélytisme religieux, l’évêque tint à sur veiller de très près l’enseignement et les maîtres chargés de le donner. Ne fallait-il pas s’assurer s’ils étaient orthodoxes ? Mais on sent que les efforts de nos édiles tendent à s’affranchir de ce contrôle qui les gêne dans leur administration : l'on voit enfin qu’en maintes circonstances ils ne craignent pas de revendiquer pour eux la responsabilité de leurs actes, et ils la veulent entière. À La Bastide, comme ailleurs, un souffle précurseur de 89 passe déjà dans les esprits.

Enfin, en hommes bien avisés qu’ils étaient, et pour assurer l’exécution du contrat dans toutes ses parties, les consuls n’avaient sarde d’oublier d’insérer cette clause finale à chaque renouvellement de bail : « ... Et pour ce dessus garder et observer, les dicts consuls et syndics ont obligé les biens de la communauté, et lesdicts sieurs… les leurs exprès qu’ont soubmis à toutes rigueurs de justice et ainsi Vont juré » (4620, 1624, 1650).

III. — Programme.

En lisant attentivement les contrats, on voit que rien n’était laissé au hasard ; on réglait tout à l’avance : aucun détail n’échappait à la vigilance des consuls.

Pour la majorité des écoliers, les matières étaient extrêmement restreintes, et, par suite, les résultats obtenus bien médiocres, car c’était seulement un petit nombre d’élèves qui avaient la facilité de poursuivre les études classiques et d’arriver à la connaissance du latin, du grec et des autres sciences qui en forment le complément indispensable. Cependant l’enfant intelligent pouvait arriver ; car plusieurs, sortis des rangs du peuple, parvinrent à acquérir des grades universitaires. Ceux des écoliers qui étaient assez heureux pour sortir de l’ornière avaient l’immense avantage de n’avoir pas à quitter le foyer domestique, et par conséquent de n’occasionner aucune dépense à leurs parents, pour suivre les cours d’enseignement secondaire que les maîtres étaient en état de donner sur place, C’est ce qui a fait dire à M. Villemain « qu’aujourd’hui il est plus difficile qu’avant la Révolution à un jeune homme capable, mais pauvre, de surgir individuellement ». Tout récemment, M. Jules Simon disait à son tour : « En somme, il y avait en France, avant la Révolution, une élite très cultivée, une masse très ignorante[1]. »

Voici, au sujet du caractère de l’enseignement, quelques citations relevées textuellement dans plusieurs délibérations. Après s’être pourvu d’un second offrant toutes les garanties de savoir et de moralité, « le pieux Doment s’engage à instruire la jeunesse d’icelle tant en la grammaire que escripre et lire » (10620, 1624, 1651).

« … Ont baillé et baillent les escolles… à M, Simphorian Blanchet docteur en droict et Jean Blanchet, son fils et son second, pour apprendre la jeunesse à lire, escrire, à la grammaire » (1632).

« … Baïllent (les consuls) par la teneur du présent acte, à M. Baron, les escolles pour y aprandre et enseigner les escolliers d’icelle, à lire et escripre que (sic) de la grammaire à ceux qui en auront la capasité et intention den aprendre » (160).

« … Messire Jacques Sans, escollier en philosophie, sera tenu, et ainsi l’a promis, d’enseigner la gramère aux plus prinripaux et autres qui estudient à icelle, ensamble d’enscisner le reste des autres escollicrs à lire, escrire l’A-B-C » (1653).

« … Ledict M. Dangeyroux sera tenu, et ainsi le promet, de bien et fidèlement instruire et enseigner tous les enfants escolliers… capables d’entrer en classe, et ce, suivant leur capasité et suffizence, et les pousser aux lettres le mieux qu’il lui sera possible, tant aux grammairiens que à ceux qui ne voudront qu’apprendre à lire et escrire que aux alphebets et abécédaires » (1653). — « … Instruire les abessederes et ceux qui liront en latin » (1656). — « … Enseigner et endoctriner les enfants escolliers » (16681. — « Enseigner tant le latin que le grec et français que A-B-C, de la même façon que ses prédécesseurs en ont huzé » (1666).

Les sieurs Alciat et Gailhard devaient enseigner « le latin et escripre aux enfants de cette ville et consulat dicelle » (1706). — « … Larithmatique » (1710). — « … La lecture, lire le françois, lire le latin, écrire et l’alphabet » (1746).

On arriva ainsi jusqu’à la Révolution sans modifier le programme. Nous terminons enfin cette longue énumération, qu’il ne nous paraît pas hors de propos de résumer par une citation caractéristique de 14793. On devait alors enseigner aux enfants « l’arithmétique, la lecture, l’écriture, les droits de l’homme, la constitution, les actes héroïques et toutes les connaissances absolument nécessaires pour former le bon citoyen ».

IV. — Enseignement religieux, morale, discipline.

L’instruction religieuse tenait une grande place dans le programme. Le maître devait habituer ses élèves aux exercices de piété et mener de front l’enseignement du catéchisme et celui des autres matières. Nous l’avons déjà vu, l’action de la municipalité était quelquefois entravée par le clergé qui avait la haute main sur les écoles de tout ordre. Mais, s’il y avait parfois dissentiment entre les deux pouvoirs, c’était plutôt à cause des personnes qu’à propos des choses de l’école. On était parfaitement d’accord sur le fond et la forme à donner à l’enseignement ; c’est pourquoi il avait un caractère essentiellement religieux et catholique.

D’ailleurs quelques citations édifieront mieux sur les intentions des administrateurs en confiant l’école à un régent :

« .. Il (le maître) apprendra aussi à prier Dieu aux petits enfants, comme aussi le Pater, l’’Ave Maria et la Croyance » (1620) ; — « le Credo[2] et autres oraisons » (1624).

« .. Ont promis lesdits Blanchet dadmener les escolliers et les conduire chascun jour de la sepmaine à prier Dieu dans leglize et autres jours de festes pour le divin office, avec toute modestie » (1632). — « … Les eslever a bonne doctrine et principalement en la crainte de Dieu… et aux capables, leur faire dire par cœur la doctrine chrestienne » (1653 ;. — « … De plus (le maître) conduira les escolliers, tous les matins sortant de classe, à l’esglise paroissiale pour icelui les faire prier Dieu durant un quart d’heure, et après, les congédiera, ce que semblablement faira aux vespres des samedis et dimanches, aux grandes messes, comme aussi aux festes choumables. Les faira tenir à l’endroict quy est destiné pour le régent et escolliers… sans mener aulcun bruit ny caquet » (1653, 1656, 1659).

« … Les conduire à lesglise pour rendre aclion de grasse » (4656) ; — « comme aussi a ranc » (1658, 1659). — « … Sortant du college, les mener dans lesglise pour y prier Dieu » (1668)… « et aux processions » (1706, 1710). — « .. Les dicts Alciat et Gaïlhard enseigneront les principes de nostre foy » (1706). —— « .. Tous les jours ouvrables les escolliers iront à la messe deux fois la semaine... fairont la prière en entrant et en sortant... fairont dire le catéchisme » (1744, 1748). — «.. Le maître enseignera la religion. »

L’éducation morale donnée à la jeunesse est caractérisée tout entière dans les passages suivants des baux de 1620, 1651 et 1668. Les maîtres avaient pour mission expresse de « faire corriger et réprimer de toutes sortes de visceset desbauches »/1620).. « ct à cet eflet d’y apporter tout ce qui sera de leur pouvoir pour l’édification du public et instruction de la jeunesse » (1626-1651). — « Enseigner la vertu... leur administrer des corrections salutaires cet profitables à tous » (1668).

On voit qu’à cette époque la férule était non seulement permise, mais recommandée aux maîtres. Ce moyen disciplinaire paraît avoir été le seul reconnu capable de réprimer les écarts des écoliers dont la conduite laissait à désirer. Les maîtres devaient les faire « tenir en la crainte de Dieu et dans le devoir descoliers, et les civiliser et generalement faire tout ce que regents sont obligés de faire selon leur pouvoir et leur capacité » (1656). —.« ... Ledict Bonzom.. fera tenir iceulx escolliers en respect et en estat » (1667). « ... Avec la modestie et dessence requize » (1668, 1706).

V. — Durée des classes, surveillance, contrôle, vacances.

Pour rendre l’école accessible à tous, et le travail moins fastidieux, on eut l’idée d’établir trois classes par jour et d’éviter ainsi les longues séances. La première classe était suivie d’une pause de trois heures, la seconde d’une pause d’une heure et demie.

Il est assez curieux de voir soulever alors une question qui ne paraît pas être définitivement résolue puisque, récemment encore, les instituteurs ont eu à la traiter dans leurs conférences. Les maîtres promettent « de faire trois lessons le jour pendant la saison que le temps est long, qui sera depuis la feste de la Saint-Jean, jusques au 15 de novembre ; et depuis ce temps deux lessons jusques à Ja moitié du mois de février, sçavoir : au temps long, entreront le malin à six heures et demie et sortiront à neuf ; laprès disnée, entreront à midi et sortiront à une heure et demie ; et sur le soir, entreront à trois et sortiront à cinq ; et pour le temps court, entreront à sept heures le matin etsortiront à dix ; et laprès disnée, entreront à une heure et sortiront à quatre... fors les jeudi et samedy quils nentreront que le matin à cause des vespres du samedy » (1620,1624).

Il convient de remarquer que ce moyen d’attirer les élèves dans les classes ne fut pas longtemps mis en pratique ; les résultats ne répondirent peut-être pas à l’espoir que l’on en avait conçu ; on diminua même Je nombre d’heures de classe consacrées aux études.

Nous voyons, en effet, un peu plus lard, que le régent « sera tenu de faire deux lessons tous les jours. La première entrera à sept heures et sortira à neuf ; et laprès disnée, entrera à deux et sortira à quatre, fors jeudy et samedy quy ny aura quune lesson le matin ; et les jours de festes, ny en aura point, sinon quil sera tenu de se tenir au colliege ou ses dicts escolliers se randront pour les conduire à leglise » (1650, 1651). « Entrera sur les deux heures du soir ; en sortira à quatre heures frappées » (1653). « … Les escolliers y resteront davanage s’il est besoin pour l’instruction de la jeunesse » (1661). — « … Sont tenus (les maîtres) leur dire la lesson deux fois le jour et entrer au college, excepté les jours quy ne sont de coutume » (1667). — « Et le jeudi pour remplacer les jours de feste… continueront la classe jusqua Notre-Dame de septembre » (1766).

Après que les conditions de moralité et de capacité étaient reconnues satisfaisantes, on exigeait encore des maîtres une grande ponctualité dans l’exercice de leur charge, qu’ils devaient avoir le soin de remplir « quand même il ny auroit quun escollier » (1774).

Le premier régent devait en outre exercer une surveillance active sur le maître appelé à le seconder dans la direction de l’école ; il devait faire dire « deux fois la semaine la leçon aux escolliers de la seconde escolle » (1744).

La municipalité entendait d’ailleurs contrôler de son côté l’exactitude et le travail des maîtres : « Se réservant la communauté », est-il dit dans le bail, « de faire la visite des escolles toutes les fois qu’ils (les consuls) le jugeront convenable » (1744).

Les vacances se réglaient comme l’indiquent les citations suivantes : « … Comme aussy ne pourront donner vacassion que durant huit jours, sçavoir : aux vendanges, a la Nouël, a Pâques » (1651). — « … Ne pourra donner vacance que aux vendanges et a la fin de laditte année » (1659). — « … Et ne pourront leur donner vacassion que trois fois dans l’année… cinq jours chaque fois » (1668). — « Les jours de vigile, jeudi et samedi, les escolliers nentreront qu’une fois » (1662).

VI. — Le local.

Par les nombreux détails que nous avons essayé de mettre en relief dans notre étude, nos lecteurs ont pu apprécier comment l’enseignement était donné dans l’école de la Bastide-de-Sérou pendant les siècles qui ont précédé la Révolution. Il nous reste à parler du local.

Il ne nous est pas possible de dire si la commune a toujours logé ses régents, qui prirent en 1765 « le logement aux casernes » : c’est la seule notice que nous ayons pu recueillir à ce sujet. En 1668, on avait déjà abandonné la grande salle de l’hospital, réservée jusque-là aux écoles, pour faire place à une caserne.

Nous trouvons, dans une délibération du 17 prairial an IV de la République, que les classes avaient été transférées dans l’ancien presbytère. Ce local était le seul dans la ville en ce moment qui pût servir à leur usage ; et, en vertu de la loi du 23 brumaire, article 5, le conseil demandait de ne pas le comprendre dans la vente des biens nationaux. On s’adressa donc à l’administration départementale afin d’obtenir que cette habitation fût réservée et affectée à l’école primaire.

Dans ses considérants, le conseil n’oublie pas de faire remarquer que dans le canton il n’existe qu’une seule école pour une population supérieure à 5000 âmes. Si l’on ne peut conserver ce local à sa destination actuelle, « l’instituteur de la ville se retirera et l’ignorance la plus crasse se perpétuera dans le canton, où il est très peu d’individus qui sachent lire et écrire, et où l’on ne trouve déjà presque personne capable de faire les fonctions d’officier public et de recevoir les actes de naissance, mariage, décès. »

Tels sont les résultats obtenus après une période de 172 ans.

Cette situation n’avait pas sensiblement changé en 1829 ; car, d’après certains documents trouvés aux archives, relatifs aux choses de l’enseignement, la plupart des communes du canton n’avaient ni maîtres, ni écoles.

VII. — Enseignement des filles.

La création de l’école des filles remonte à peine à l’année 1758 ; du moins, rien ne révèle l’existence antérieure de cet enseignement à La Bastide. Voici d’ailleurs dans quelles conditions il fut créé : Messire Jean de Morteaux, abbé de Combelongue, par son testament de 1741, légua 200 livres aux Dames hospitalières de Foix, laissant en outre les deux tiers de ses biens aux pauvres de La Bastide et l’autre tiers à ceux de Montagagne. Les 200 livres durent être payées aussitôt après l’établissement de ces dames dans la ville, à la charge par elles de « donner aux filles toute l’éducation dont elles sont capables, à lire, à écrire et soigner les malades » (28 septembre 1758). Après qu’on eut obtenu l’assentiment préalable de l’évêque de Couserans, l’installation put se faire ; et depuis lors nous n’avons pu découvrir que le nom de deux maîtresses. L’une apparaît en 1765, et l’autre en l’an III de la République. Grâce à la libéralité de l’abbé de Combelongue, l’école demeura gratuite, mais les prescriptions du testateur ne furent pas toujours observées. Vers 1821, la direction de l’école passa aux mains des dames de Nevers, qui l’ont conservée depuis.

R. Rumeau,
Directeur de l’école laïque de Grenade
(Haute-Garonne).

  1. Académie des sciences morales et politiques, séance du 21 janvier 1882.
  2. Credo ou croyance, c’est la même chose.