Les Îles de la Madeleine et les Madelinots/31

Imprimerie Générale de Rimouski (p. 236-239).

APPENDICE VII

ARCHIVES PUBLIQUES DU CANADA.
RÉGISTRES DES COLONIAUX.

À Son Excellence Sir James Kempt, K. G. B. Capitaine
Général et Gouverneur en Chef pour la province
du Bas-Canada, etc., etc., etc.
La pétition des soussignés, habitants des Îles de la
Madeleine, dans le golfe Saint-Laurent, dans
ladite province.

Soumet humblement :

Que vos pétitionnaires et leurs prédécesseurs s’établirent dans lesdites Îles pour y faire la pêche, vers l’année 1773 ; que les Îles étaient alors complètement inoccupées par des pêcheurs sédentaires, quoique plusieurs les avaient déjà fréquentées, particulièrement trois familles dont deux firent partie des huit premières familles qui s’y fixèrent définitivement et ont continué d’y vivre avec d’autres et leurs descendants ; qu’en 1797, la population des Îles était d’à peu près cinq cents âmes qui depuis sont devenues mille dont les deux tiers sont nés ici ; qu’ils sont tous occupés à la pêche et possèdent environ trente goélettes de vingt à trente tonnes chacune et une centaine de barges de pêche, ce qui leur permet de gagner une maigre subsistance et de vivre sans faire de mal à personne et paisiblement entre eux, sans être aucunement à charge au gouvernement, recevant leur instruction morale et religieuse d’un missionnaire qui, aussi bien que leurs deux églises où le culte religieux a été pratiqué depuis le premier établissement, est entièrement supporté par vos pétitionnaires.

Qu’ainsi, uniquement par la protection du nom britannique, ils ont joui de la paix, le premier des biens terrestres, et, quoique vivant dans une grande pauvreté et dans les misères inévitables à la situation où le sort les a jetés, ils ont souvent eu le bonheur de secourir ceux qui étaient jetés sur leurs côtes désolées par les naufrages et les aléas d’une mer dangereuse qui les entoure à une distance de plus de cinquante milles de toute autre terre et les enveloppe de glace pendant près de la moitié de l’année.

Qu’à l’époque où les premiers colons s’établirent dans lesdites Îles, les Îles de la Madeleine étaient annexées par une proclamation royale du mois d’octobre 1763 au gouvernement de Terre-Neuve et par les lois de la Grande Bretagne, lors en force dans ces contrées-ci, particulièrement l’Acte 10 et 11 Wm. III, chap. 25 « pour encourager le commerce à Terre-Neuve » il était stipulé dans la section VII : « Que toutes personnes qui depuis le vingt-cinquième jour de mars mil six cent quatre-vingt-cinq ont bâti coupé ou fait, ou en tout temps par après bâtiront, couperont ou feront des maisons, cabanes, huileries ou toutes autres commodités pour y faire la pêche, qui n’ont pas appartenu aux bâtiments pêcheurs depuis ladite année, en jouiront paisiblement et librement et s’en serviront sans qu’aucune personne ne puisse les en empêcher. »

Que, par l’Acte 15, Geo. III, chap. 31. sec. II, ceux qui les avaient habitées sans cesse était maintenus dans leurs droits.

Que lesdites Îles furent cependant annexées à la province de Québec par l’acte 14, Geo. III, chap. 83, et que vos pétitionnaires et leurs prédécesseurs ont continué d’y vivre sans molestation, quoique les vaisseaux de Sa Majesté les visitassent chaque année, jusqu’à un peu après l’année 1798, alors qu’ils furent traités avec violence par et de la part de Isaac Coffin, écuyer, commandant un navire dans la marine de Sa Majesté et maintenant l’amiral Sir Isaac Coffin, afin que les habitants prennent des titres de lui, sujets aux redevances et conditions qu’il lui plairait d’imposer.

Que vos pétitionnaires ont appris que ledit Isaac Coffin obtint la concession desdites Îles en franc-alleu du gouvernement du Bas-Canada en l’année mil huit cent quatre-vingt-dix-huit…

Que ladite concession fut obtenue à l’insu desdits occupants qui étaient alors au nombre d’environ cinq cents âmes et y vivaient paisiblement depuis un quart de siècle, commencé sous la sanction d’un acte du parlement et continué sous la protection et au su et vu de Sa Majesté.

Que depuis, sous le couvert de ladite concession, vos pétitionnaires ont été fréquemment inquiétés dans leur occupation de la part dudit concessionnaire et menacés, en son nom, avec beaucoup de violence par le navire de guerre de Sa Majesté.

Que finalement, ledit concessionnaire a intenté des procès contre lesdits occupants, vos humbles pétitionnaires, à la cour du Banc du Roi à Québec, une copie d’une déclaration dans un de ces procès étant ici annexée, dans lesquels procès ledit concessionnaire fait des demandes ruineuses pour un de vos pétitionnaires qui fut obligé à l’âge de soixante-douze ans de se rendre à Québec, une distance de plusieurs centaines de milles, sous peine de se voir condamné par défaut à la ruine quasi totale de sa famille, quel que soit le résultat dudit procès.

Que vos pétitionnaires sont tous exposés au même mal, à moins qu’ils ne se soumettent aux exigences arbitraires du concessionnaire lesquelles, quelques petites qu’elles paraissent, sont encore plus qu’ils ne peuvent épargner de leurs moyens de subsistance et du pénible soutien de leurs familles.

Que si les procédés dudit concessionnaire contre vos pétitionnaires continuent, il ne reste pas d’autre alternative, pour un millier d’âmes vivant paisiblement depuis longtemps sous une loi de la Grande Bretagne et sous la protection de Sa Majesté, que d’abandonner. dans un état d’extrême pauvreté, (helplesness) les demeures qu’ils ont bâties, les établissements qu’il ont formés, le lieu de leur naissance, les tombes de leurs parents et de se jeter au milieu d’un monde étranger.

Vos pétitionnaires implorent humblement votre Excellence de leur accorder votre protection, ainsi qu’à leurs vieillards, leurs infirmes, leurs enfants, leurs orphelins, et d’avoir la bonté de recommander leur cas à la considération de leur Gracieux Souverain et de son gouvernement ou autrement de faire en ceci ce que la sagesse de votre Excellence croira préférable.

Et vos pétitionnaires ne cesseront de prier.

Québec 1828.