LES
ETATS DE BRETAGNE

III.
LES ETATS SOUS HENRI IV ET SOUS LOUIS XIII.

Les guerres civiles eurent en Bretagne un effet qui ne leur est point habituel, car elles y profitèrent à la liberté. Les passions du pays, venant se refléter au sein des états, rendirent durant la ligue à ces assemblées, dont le rôle avait été assez terne depuis l’édit de réunion, toute l’importance qu’avaient eue sous les ducs les grandes assises du peuple breton.

La constitution des nations chrétiennes jetées dans le monde féodal s’était développée suivant des lois à peu près générales. La péninsule armoricaine avait accompli le même travail que la monarchie française, sans qu’il y ait à signaler dans ce mouvement simultané la moindre trace d’imitation ou d’influence. Dans les deux pays, les conseillers naturels du prince avaient été ses grands vassaux. À ces pairs laïques étaient venus se joindre les pairs ecclésiastiques, que leur caractère religieux et leur puissance territoriale revêtaient d’une double autorité. Dans le duché de Bretagne comme dans le royaume de France, il avait été admis en principe, sans prescription écrite d’ailleurs, que toute décision majeure pour la guerre comme pour la paix exigeait l’adhésion des conseillers nés de la couronne. Le même motif explique l’intervention des évêques, seigneurs de leur cité épiscopale, des délégués des chapitres et des propriétaires d’abbayes rattachés par la loi des fiefs à la hiérarchie territoriale, et telle fut la composition primordiale de l’assemblée nationale, qui, d’une part, assistait les ducs comme conseil d’état, qui, de l’autre, jugeait à titre de cour souveraine les appels de toutes les juridictions seigneuriales. Plus tard, les princes, partout placés dans l’impossibilité de suffire aux dépenses publiques avec les seuls revenus du domaine, furent conduits, afin de se procurer des ressources, à réunir au grand conseil national les représentans des communautés urbaines. Pour la Bretagne comme pour la France, cette importante adjonction commença dans les premières années du XIVe siècle, et dès l’année 1398 les ducs avaient reconnu le droit de représentation à une trentaine de villes. Ces grandes communautés déléguaient donc à chaque tenue d’états un, deux ou trois députés. Cette fixation numérique, originairement déterminée par l’importance respective des diverses localités, se trouva par la suite abandonnée à l’arbitraire du pouvoir royal, qui, selon ses convenances, conféra en Bretagne le droit de représentation dans l’ordre du tiers tantôt à des délégués spéciaux des communautés, tantôt aux sénéchaux des juridictions royales, le plus souvent aux maires nommés par le roi.

Neuf évêques, neuf députés des chapitres, quarante abbés commendataires, composaient donc l’ordre de l’église. L’ordre du tiers était formé par les représentans des quarante-deux communautés qui avaient obtenu droit de séance aux états, et qui, depuis la confiscation des franchises municipales par la couronne, ne trouvaient guère que dans leur caractère personnel les conditions de leur indépendance. Une pareille composition fait comprendre l’influence constante exercée par la cour sur les représentans du clergé comme sur ceux de la bourgeoisie. En adhérant aux volontés du roi, les évêques et les abbés payaient une dette de reconnaissance ; en les accueillant avec une soumission respectueuse, l’ordre du tiers avait le double avantage de marcher dans des voies presque toujours différentes de celles que suivait la noblesse, et de s’appuyer, pour résister à celle-ci, sur la royauté, dont il demeura avec l’église l’appui le plus constant. Ces vieilles traditions conservèrent leur empire aux états de Bretagne jusqu’à ce que, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le souffle des temps nouveaux vint transformer l’esprit de la bourgeoisie française.

La véritable importance de ces états consista donc dans la physionomie toute particulière que leur imprimait la noblesse, qui, grâce à la constitution singulière de cette assemblée, y domina constamment malgré l’accord habituel de l’église et du tiers avec la cour. Si en Languedoc la bourgeoisie, possédant un nombre de députés égal à celui des deux autres ordres réunis, put donner à la représentation de cette province un caractère plus spécialement municipal, cette classe dut à peu près s’effacer en Bretagne à cause de sa faiblesse numérique au sein d’une assemblée envahie par le flot toujours croissant des gentilshommes, demeurés les dominateurs incontestés des états.

La représentation de la noblesse avait souvent varié avant d’aboutir à une sorte de suffrage universel attribué à tous les notables. Sous les ducs, on avait réuni aux neuf grands barons de la province[1] les anciens chevaliers bannerets qui relevaient directement des comtes avant que les divers comtés se fussent fondus dans l’unité ducale. À cette première catégorie de l’aristocratie féodale étaient venus s’adjoindre les gentilshommes investis de fonctions importantes soit à la cour, soit dans le gouvernement des ducs, ceux-ci recevant directement du prince une invitation personnelle afin de siéger aux états. Après la réunion à la monarchie, les gouverneurs, se considérant comme substitués aux anciens ducs en leur qualité de représentans du souverain, continuèrent d’adresser au nom du roi des lettres spéciales de convocation à un certain nombre de gentilshommes. Ce nombre était assez restreint, comme on peut s’en assurer en dépouillant les listes de présence aux registres des états de 1567 à 1584 ; il va même diminuant d’une tenue à l’autre, ce qui semble témoigner sous les derniers Valois d’une sorte d’indifférence pour l’exercice de droits politiques singulièrement réduits en effet depuis la réunion, puisque toutes les questions diplomatiques et militaires échappaient forcément à l’appréciation de ces assemblées ; mais la situation changea complètement durant les guerres de la ligue. Deux centres de gouvernement s’étant établis en Bretagne, chacun attacha du prix à se couvrir du grand nom des états. Le prince de Dombes convoqua ceux-ci à Rennes depuis 1589 jusqu’en 1597, tandis que durant la même période Mercœur les réunissait à Nantes. On se montra d’ailleurs fort peu difficile de part et d’autre sur la régularité des convocations et sur les titres de ceux qui se présentaient pour faire partie de l’une ou de l’autre assemblée, l’essentiel pour les deux chefs de parti étant que ces assemblées fussent nombreuses afin de frapper l’opinion. Le prince de Dombes désigna pour représenter les villes engagées dans l’union catholique quelques magistrats royalistes réfugiés à Rennes. Quant à l’ordre du clergé, il ne brilla guère que par son absence jusqu’à l’abjuration du roi. Le prince de Dombes, qui représentait Henri IV, ouvrit d’ailleurs à deux battans les portes de la chambre de la noblesse à tous les gentilshommes disposés à y entrer, et Mercœur agit de même aux états de la ligue. Sorti d’un calcul politique, ce semblant de suffrage universel devint bientôt un droit acquis malgré ses abus et ses périls. Au XVIIe siècle, la liste de présence des membres de la noblesse alla grossissant d’année en année. Après avoir atteint sous Louis XIV le chiffre de plusieurs centaines, cette liste comprit un millier de noms dans quelques tenues du règne suivant, et cette tumultueuse multitude de gentilshommes, pour la plupart étrangers aux affaires, ne tarda pas à imprimer aux états de Bretagne quelque chose des allures et du génie d’une diète polonaise.

L’agitation de la ligue ne provoqua pas seulement l’extension du personnel de la représentation nationale ; elle en changea l’esprit et en agrandit l’horizon. Les deux assemblées rivales étendirent simultanément leurs attributions. Cela fut surtout sensible aux états royalistes de Rennes, obligés de compter davantage avec l’esprit ombrageux d’une population alarmée pour l’intégrité de sa foi. La grandeur de la crise, l’étendue des sacrifices qu’elle impose, les conduisent à s’occuper des questions les plus délicates. L’assemblée envoie des agens à l’étranger ; elle délibère sur leur correspondance, en même temps que, par l’établissement d’un comité permanent désigné sous le nom de commission intermédiaire, elle assure sa participation à la gestion administrative dans l’intervalle des sessions. Isolé au sein d’une province insurgée presque tout entière, le prince de Dombes ne peut rien contester à l’assemblée qui seule prête à son gouvernement quelque force morale. Que refuser d’ailleurs à des catholiques bretons qui, trois années avant la conversion du roi et avec la certitude d’assumer une impopularité universelle, ont le courage de tenir à Henri IV le langage que nous allons entendre ?

« Les gens des trois états, vos très humbles et très fidèles sujets de votre pays de Bretagne, sire, reconnaissent à leur grand regret l’orage de la rébellion sous le nom de ligue tombé sur notre province, en laquelle l’Espagnol, ancien ennemi du royaume, vient de prendre pied, y étant appelé par le duc de Mercœur, ennemi déclaré de votre majesté, de l’état et couronne de France. Pour opposer les pernicieux desseins de vos ennemis jà trop avancés, vos fidèles et obéissans sujets jurent et protestent avoir une ferme volonté et intention d’employer et leur vie et leurs biens pour votre service, et au maintien de votre état audit pays et duché de Bretagne inséparablement uni et incorporé à la couronne, à la libération et conservation de leur patrie en laquelle ils sont nés et auprès de laquelle ils savent rien ne se pouvoir estimer plus digne, suppliant très humblement votre majesté, sire, par votre bonté paternelle, par la compassion que vous avez de leurs misères et oppressions, et par l’heur et valeur qui accompagnent vos actions et entreprises, les vouloir secourir et assister d’une partie de vos forces et crédit de concert avec les rois, princes, potentats et républiques alliées et confédérées de la couronne de France, et comme votre majesté leur a fait paraître ci-devant la bonne volonté et sollicitude qu’elle a à leur conservation et liberté, nous pensons, sire, que, vos armées étant employées au milieu de la France où s’est nourrie et épandue la félonie, le plus prompt secours pour combattre en cette province l’insolente ambition de l’Espagnol est l’aide du royaume d’Angleterre, car le mal croît et gagne de jour en jour, et a jà occupé toute votre dite province, ne restant pas de villes de retraite à vos fidèles sujets que Rennes, Ploërmel, Vitré et Malestroit, offrent les gens des trois états assemblés sous votre autorité et permission, leur pays étant remis en liberté, payer et rembourser les frais et dépenses des armées qui seront employées en leur dite libération des Espagnols par les moyens les plus propres que nous pourrons aviser, instituent le sieur de La Bouchetière leur trésorier avec tout pouvoir d’en passer et consentir toute assurance et promesse au nom desdits états[2]. »

Il fallait que l’arrivée des Espagnols en Bretagne et les prétentions qu’affichait Philippe II sur cette province y eussent provoqué une bien vive émotion pour amener les états à souhaiter le secours toujours suspect de l’Angleterre. Ils n’hésitèrent pas cependant, et leur session était à peine terminée que leur trésorier se rendait à Londres avec plein pouvoir de traiter et s’engager au nom des états de Bretagne pour la dépense nécessaire à un armement.

Après s’être concerté avec Beauvais Lanocle, ambassadeur de Henri IV près la reine Elisabeth, La Bouchetière signait le 4 avril 1591 un arrangement avec les ministres de cette princesse, et trois mille Anglais venaient débarquer à Paimpol, pendant que cinq mille Espagnols se fortifiaient à Blavet dans l’espérance de prendre pied sur un littoral qu’ils entendaient bien ne plus quitter. A l’heure des grandes crises, on compromet souvent l’avenir pour échapper aux difficultés présentes. Les deux partis en Bretagne en firent la triste expérience. Tandis que les Espagnols, en s’appuyant sur le duc de Mercœur, travaillaient à s’assurer dans la péninsule des positions inexpugnables, les Anglais faisaient un semblable calcul, et aspiraient à tirer d’une dispendieuse expédition un profit plus sérieux que les indemnités fort incertaines promises à la reine Elisabeth par les états. L’espérance d’occuper Brest leur fit oublier un moment la perte de Calais, et lorsqu’ils eurent rencontré des obstacles insurmontables à ce dessein, ils se rejetèrent sur un établissement à Morlaix. Dans un jour de découragement, ils avaient obtenu de Henri IV une sorte de demi-promesse à laquelle le monarque fut heureux de pouvoir opposer auprès de sa bonne sœur d’Angleterre l’indomptable résistance de ses sujets bretons. Si les projets du cabinet britannique ne tardèrent pas à inquiéter le patriotisme armoricain, les procédés des soldats du général Norris exaspérèrent plus vite encore un peuple honnête, outragé chaque jour dans ses croyances par des bandes d’iconoclastes. Une année s’était à peine écoulée que l’assemblée qui avait négocié par ses agens particuliers l’envoi de ces périlleux auxiliaires adressait à Henri IV des plaintes qui, si elles touchèrent son cœur, ne durent rien révéler à sa prévoyance.

« Sire, disaient les trois états en terminant la session de 1592, les gens de guerre étrangers qui ont entrée en ce pays sous votre autorité ont profané, pillé et brûlé les églises, rançonné et massacré les prêtres, répandu le sang jusque sur l’autel, foulé le saint-sacrement aux pieds. Plaise à votre majesté ordonner à messieurs ses lieutenans-généraux audit pays de maintenir et faire garder inviolablement les droits, franchises et libertés de l’église catholique, conforter les ministres d’icelle, et présentent vos sujets dudit pays très humble requête à Dieu qu’il lui plaise, sire, vous inspirer tellement par l’infusion de sa sainte grâce que vous embrassiez bientôt la religion catholique, apostolique et romaine.

« La licence des gens de guerre est telle et si déréglée sur votre pauvre peuple qu’ils n’ont omis ni épargné aucune espèce de violence pour l’épuiser, et ont exercé toutes les cruautés que le fer, la corde et le feu leur ont pu administrer. Après avoir misérablement tourmenté et géhenné les paysans en leur personne, ont pillé et brûlé les maisons et meubles, pris le bétail ou icelui rançonné par tête, ont violé femmes et filles sans aucune considération de l’âge, ont contraint les maris de racheter leurs femmes et réduit votre peuple à telle extrémité qu’il a été contraint d’abandonner maisons et familles et chercher l’espoir de sa sûreté aux forêts entre les plus cruelles bêtes, aimant mieux habiter avec les animaux sauvages que de devenir prisonniers aux mains des gens de guerre par faute de moyens de se racheter[3]. »

Mais, tandis que le parti royaliste traçait un tableau si sombre des violences particulièrement imputables aux auxiliaires étrangers, il se trouvait conduit par l’imminence du péril à tenter les derniers efforts pour retenir ceux-ci sur le sol qu’ils ravageaient si cruellement, et la même contradiction se produisait presque au même moment à Nantes, où les états de la ligue, de plus en plus alarmés des projets de l’Espagne, suppliaient pourtant don Juan d’Aquila d’obtenir de sa majesté catholique une augmentation de l’effectif entretenu par elle en Bretagne. Les états de Rennes envoyèrent une députation en Angleterre pour y solliciter des secours plus considérables, et leurs agens reçurent l’ordre de passer ensuite en Hollande, afin d’intéresser les états-généraux au triste sort de la Bretagne. Cette double négociation échoua. La seule trace qu’on en rencontre aux registres des états est une lettre du 11 avril 1594. Cette pièce constate que tous les efforts tentés à Londres ont été inutiles. L’un de ces députés, le sieur de Montmartin, nous apprend dans ses Mémoires qu’ayant été présenté à la reine Elisabeth par Beauvais Lanocle, « ladite reine lui fit entendre quelques petites plaintes, mais sans déclarer toutefois qu’elle voulait abandonner son bon frère, ajoutant qu’avant de faire réponse elle désirait être éclaircie de quelques ouvertures qu’elle lui avait faites[4]. »

Ces ouvertures tendaient à obtenir du roi l’abandon de Brest aux Anglais ou à leur laisser au moins la possession de Morlaix, que le maréchal d’Aumont venait de reprendre avec leur assistance, et qui pouvait devenir, moyennant quelques travaux, une position formidable pour dominer l’entrée de la Manche. Avertis de ce projet, Montmartin et ses collègues déclarèrent que la province se soulèverait tout entière pour en empêcher l’accomplissement. D’un autre côté, la reine fut informée par un agent secret envoyé vers le marquis de Sourdéac, sur lequel le cabinet anglais avait cru pouvoir compter, que le gouverneur de Brest, digne du sang de Rieux qui coulait dans ses veines, résisterait jusqu’à la mort aux ordres même du roi, s’il en recevait jamais celui de livrer cette place aux Anglais. Cette princesse ne put enfin ignorer, d’après l’attitude des députés bretons, que les états ne ratifieraient point la cession de Morlaix, en admettant que Henri IV parvînt à s’y résigner. Découragée dès lors d’une entreprise qui restait inutile à la grandeur de son pays sans pouvoir, depuis la conversion du roi, profiter à la cause protestante, Elisabeth prit bientôt après la résolution de rappeler ses troupes, et l’évacuation de la Bretagne par les Anglais ne tarda point à commencer. Cette province n’eut pas aussi bon marché de l’obstination castillane ; ce fut seulement en 1598, au moment de disparaître de cette scène qu’il avait agitée si longtemps, que Philippe II put se résoudre à abandonner le coin de terre auquel l’attachaient les derniers rêves de son ambition toujours trompée.

Ce qui honore à jamais ces états de Rennes délibérant au milieu de l’insurrection qui les bloque, c’est la fermeté avec laquelle ils maintiennent les droits de la province en face d’une royauté dont ils sont les serviteurs ardemment dévoués. Quoique issu de cette maison de Bourbon dont ils défendent si courageusement le droit à la couronne, le prince de Dombes n’a pas de censeurs plus sévères et parfois plus moroses que messieurs des états et du parlement. Les magistrats surtout se montrent impitoyables pour ses légèretés, et n’hésitent pas à reprocher avec éclat au jeune gouverneur de faire la cour aux dames de Rennes lorsqu’il faudrait être tout entier à ses devoirs. Deux députations sont successivement envoyées pour dénoncer ces faiblesses amoureuses à un monarque beaucoup plus indulgent pour ces torts-là que les graves magistrats, qui avaient peut-être de jolies femmes. En butte aux inimitiés du parlement, aux suspicions des membres de la commission intermédiaire, le prince de Dombes s’empresse de quitter Rennes sitôt qu’il le peut faire avec honneur. Les pouvoirs du gouverneur passent aux mains du lieutenant-général pour le roi, d’Épinay Saint-Luc, qui dirige les opérations militaires sous les ordres supérieurs du maréchal d’Aumont ; mais encore que M. de Saint-Luc soit un homme d’un caractère ferme et résolu, la commission intermédiaire ne se laisse aucunement intimider par ses menaces, et sitôt que les états sont rassemblés, le lieutenant-général, placé sur la sellette, se voit arracher chaque jour par leur attitude comminatoire quelque concession nouvelle.

Aux états de 1595, la noblesse et le tiers élèvent par exemple la prétention de constituer un conseil de finances permanent pour assister le gouverneur, conseil sans l’approbation préalable duquel celui-ci ne pourrait faire ordonnancer aucune dépense. M. de Saint-Luc, repoussant cette prétention au nom du roi, par les raisons même que nous pourrions donner aujourd’hui, fait remarquer aux commissaires que ce serait placer le gouvernement tout entier entre les mains des états, et qu’il manquerait à ses devoirs, s’il se prêtait, au préjudice de l’intérêt public, à une aussi dangereuse usurpation. Cependant, après des discussions très vives, le lieutenant-général, pénétré de la nécessité de marcher d’accord avec l’assemblée, accepte la nomination par les trois ordres d’un contrôleur des finances, lequel assistera le gouverneur ou son lieutenant, mais avec une autorité purement consultative.

La situation de la province, écrasée par les garnisons royales autant que par les troupes ennemies, provoque des discussions violentes et fournit matière à des reproches auxquels Saint-Luc répond avec autant de sang-froid que de sagacité. Les états exigent préalablement à tout vote financier la promesse que les quatorze régimens existant nominalement en Bretagne seront ramenés à neuf, toujours maintenus au grand complet de leur effectif, et qu’une liste sera dressée concurremment avec leurs commissaires de toutes les places fortes véritablement utiles à la sûreté de la province, les autres devant être démolies dans le plus bref délai. L’assemblée somme enfin le lieutenant-général de lui présenter un état complet des dépenses militaires pour l’année 1596. Deux jours après, Saint-Luc l’adresse aux états ; les trois ordres, délibérant d’abord chacun dans sa chambre, le discutent avec sévérité, et finissent par le rejeter en assemblée générale comme contenant certaines garnisons inutiles. Saint-Luc consent alors à présenter un autre projet plus conforme aux vues de messieurs des états, en réservant cependant l’approbation du roi et en réitérant au nom de Henri IV la promesse de venir bientôt lui-même en Bretagne pour terminer la guerre par un grand coup.

Aucune assemblée n’a discuté de nos jours un budget avec une plus rigoureuse sollicitude que ces états de 1595. La commission des voies et moyens, comme on l’appellerait aujourd’hui, terminait par de graves paroles l’exposé la situation des finances. « Les états tirent avec une extrême compassion la dernière goutte de sang du peuple misérable qui ne respire plus que par espérance d’une prochaine paix ou du secours d’une puissante armée entretenue et conduite par sa majesté. Ils accordent qu’il soit levé extraordinairement pour chacun feu de fouage 3 écus, faisant 100,000 écus et plus, à la condition que le prix de la garde de M. le maréchal sera pris sur cette somme, et qu’il ne puisse se faire aucune autre levée extraordinaire sans leur consentement, sous quelque forme que ce soit. Les états entendent d’ailleurs que le bail à ferme des impôts et billots et autres deniers levés par leur consentement sera fait en leur générale assemblée par MM. les commissaires du roi, comme étant de leurs droits et privilèges, espérant que les enchères s’y feront avec une entière liberté, et sous cette condition entendent consentir lesdites levées[5]. » M. de Saint-Luc résista, paraît-il, très vivement à l’obligation de faire passer l’adjudication des fermes en la salle même des états. Dans la séance du 12 décembre, cette difficulté se reproduit sur l’observation d’une commissaire du roi ; mais l’assemblée, persistant dans son vote, se borne à ordonner de communiquer au lieutenant-général les procès-verbaux d’adjudications antérieures passées en pleins états à Vannes et à Dinan, sous le gouvernement du duc de Montpensier, sans aucune observation des représentans de sa majesté. Dans la même séance, elle désigne trois membres, dont elle notifie le choix à M. de Saint-Luc, pour assister le gouverneur ou son représentant au conseil des finances. Dans leurs cahiers, les états renouvelèrent enfin avec un redoublement d’énergie la plupart de leurs remontrances précédentes. Ils réclament l’abolition de la traite foraine, l’attribution exclusive des bénéfices ecclésiastiques de la province aux sujets bretons, la suppression des charges françaises au parlement, « afin que les originaires ne soient plus taxés ni d’insuffisance ni d’infidélité, » et avant tout l’abolition des offices nouveaux créés moyennant finances ; il insistent pour une prompte démolition des fortifications des châteaux, repaires de bandits redoutables aux populations ; ils demandent que le roi fasse élever dans la religion catholique MM. de Rohan et de Laval, alors mineurs, « destinés à être les deux principales lumières de son autorité dans la province, en les pourvoyant de docteurs éclairés et suffisans ; » ils finissent en exprimant la confiance que leur inviolable fidélité sera le gage de celle « avec laquelle sa majesté, en sa grande bonté et justice, maintiendra toujours les libertés et privilèges jurés par les rois ses prédécesseurs. »

Quelquefois les états, malgré leur ardent royalisme, contestaient à la couronne des attributions qui lui sont aujourd’hui universellement reconnues dans toutes les monarchies constitutionnelles. La session de 1596 en fournit un exemple éclatant. Les habitans de Saint-Malo, constitués, comme on l’a vu, en une sorte de république indépendante depuis 1589, avaient refusé durant plusieurs années de se faire représenter aux états de Nantes comme à ceux de Rennes. Au duc de Mercœur, qui les sommait de comparaître, ils avaient répondu avec une suprême impudence que les chemins étaient trop mauvais pour que leurs députés pussent se mettre en route[6]. Pourtant, l’abjuration de Henri IV et le progrès de ses armes ayant amené les Malouins à reconnaître le gouvernement royal, ils se décidèrent à envoyer des députés à Rennes en 1596 ; mais leurs délégués parurent aux états tenant à la main la capitulation ratifiée par le monarque qui les avait exemptés de tout impôt durant six années. Cette prétention, que la ville de Dinan produisit de son côté en alléguant un titre semblable, suscita au sein de l’assemblée le plus violent orage. Les trois ordres déclarèrent d’une voix unanime qu’aucun membre de la communauté sociale n’avait ni le droit de s’en séparer ni celui de se dérober aux charges publiques, et qu’un acte où pareille prétention se trouvait énoncée était réputé nul de plein droit aux yeux des états, qui n’y avaient point participé. Les députés de Saint-Malo durent se contenter de prendre des réserves, et le roi, devenu assez fort pour n’avoir plus à ménager ses ennemis, ne parut guère s’inquiéter de défendre la plénitude de son droit au préjudice des recettes de son trésor. Cette assemblée, dont l’attitude était si fière devant le lieutenant-général du roi et devant le monarque lui-même, éprouvait cependant pour ce prince la plus respectueuse admiration. La conviction que Henri IV pouvait seul terminer la guerre civile par sa présence, le besoin de le voir au milieu de cette province désolée, alors en proie à toutes les misères humaines depuis la guerre jusqu’à la famine et à la peste, étaient devenus pour tous les députés une sorte d’obsession. L’expression en est consignée à toutes les pages des délibérations. Déjà exprimé au procès-verbal de 1695, ce vœu se retrouve dans celui de 1596. Il est reproduit l’année suivante sous de formes quasi menaçantes. L’abandon où le roi semble tenir la Bretagne, accablée de tant de maux, paraît pour les députés de cette province justifier une résolution suprême. Sur l’assurance qui leur est donnée par les commissaires du roi que sa majesté est résolue à partir sous quelques semaines, ils se décident à rester en permanence jusqu’à son arrivée, en suspendant tout vote de subsides « tant que le roi n’aura pas assisté ses fidèles sujets par le secours si désiré de sa présence. »

Le maréchal de Brissac venait de succéder au maréchal d’Aumont, mortellement blessé au siège d’une bicoque, entrepris, s’il faut en croire la chronique, pour des motifs peu dignes de lui. La résolution des états causa le plus grand trouble au nouveau gouverneur, moins assuré qu’il ne le disait lui-même du prochain voyage du roi. Pour faire rapporter cette délibération, M. de Brissac parut dans l’assemblée accompagné de M. de Montbarot, gouverneur de la ville, et du fidèle sénéchal Le Meneust de Bréquighy, qui avait conservé Rennes à Henri IV. L’allocution fort originale du comte de Brissac aux trois ordres est résumée par le greffier des états dans les termes que voici : « M. le maréchal a dit que la province ressemble à un malade fort affligé auquel est besoin de pourvoir de prompts remèdes. Ceux qui l’assistent, ayant les drogues pour le médiciner, n’osent pourtant les appliquer sans la présence du médecin, en attendant lequel, si on diffère de nourrir le malade et le pourvoir des choses nécessaires pour le soutenir, il sera certainement décédé. Il dit que la province, c’est le malade et le roi le médecin, attendant la venue duquel est besoin pourvoir à l’entretien de l’armée sans le secours de laquelle ce pays ne peut subsister et demeurerait en proie aux ennemis, et que mieux vaut pays gâté que pays perdu. À cette fin, M. le maréchal a supplié messieurs des états d’aviser au moins un fonds pour l’entretien de l’armée[7]. »

Trois refus successifs ne découragent pas le maréchal. Il revient à la charge, se disant assuré de la très prochaine arrivée du roi, qui prendrait certainement pour une injure une persistance de nature à changer la résolution la plus arrêtée. Vaincus par l’insistance de M. de Brissac, les états finissent par autoriser leur trésorier à traiter avec le sieur Zamet pour 150,000 écus, dont ce banquier fera l’avance sous promesse que cet emprunt sera couvert par eux à leur session prochaine.

Si Henri IV tarda trop à désarmer une insurrection qui n’avait plus de racines, c’est que ce prince tenait le duc de Mercœur pour bien plus puissant qu’il ne l’était en effet, et s’il se résolut tout à-coup, dans les premiers mois de 1698, à pénétrer en Bretagne, il y fut probablement amené par la délibération des états, qui lui fit de ce voyage un devoir impérieux. Convoitée par les Espagnols, ravagée par les bandits, épuisée par la famine, la Bretagne n’avait en 1598 ni la volonté ni le pouvoir d’opposer aucun obstacle à un roi victorieux réconcilié avec l’église. Ce fut très gratuitement que le roi paya à Emmanuel de Lorraine, pour prix d’une soumission que celui-ci ne pouvait plus refuser, 4,295,000 livres qui feraient environ 14 millions de notre monnaie. Dans l’état d’abandon où se trouvaient alors M. et Mme de Mercœur, Henri IV aurait pu couvrir à moins de frais le premier scandale éclatant que sa maison ait donné à la France. Quoi qu’il en soit, un bâtard de quatre ans devint l’époux d’une princesse de six, issue des plus grandes races de l’Europe ; cet enfant, légitimé, créé duc de Vendôme, pair de France et gouverneur de Bretagne, entra solennellement à Nantes sur les genoux de Gabrielle d’Estrées, duchesse de Beaufort, sa mère, et celle-ci reçut les mêmes honneurs que ceux qui avaient été rendus à Madame, sœur de Henri IV.

Le roi, devenu maître de Nantes à prix d’argent, ne s’y montra pas d’humeur joyeuse. Il y pénétra entouré de ses hommes d’armes et presque en conquérant. Henri refusa la pompe de l’entrée royale, en retenant toutefois pour payer son armée les 23,000 écus d’or votés par la municipalité afin d’en acquitter les frais. A peine installé dans le château des ducs de Bretagne, ce prince renouvela le personnel de la mairie et de la garde civique, sans tenir aucun compte des privilèges attribués à la ville de Nantes par les lettres patentes de Henri II. Il confia la mairie à Charles Harrouis de l’Épinay, qui l’occupait en 1589, et auquel sa fidélité avait valu un long et cruel emprisonnement. La situation politique justifiait une telle mesure ; mais nous verrons bientôt que ce prince ne devait pas s’arrêter là. Henri IV donna le gouvernement de la ville et du comté de Nantes au duc de Rohan-Montbazon, et laissa dans cette ville Gabrielle d’Estrées, qui y donna le jour au chevalier de Vendôme. M. de Montbazon reçut pour instruction de consulter la duchesse de Beaufort sur toutes les difficultés qui pourraient survenir ; puis, après avoir signé l’acte mémorable qui couronnait son règne[8], le roi s’empressa de quitter une ville où sa verve gasconne ne trouvait guère à s’épancher.

Ce prince ne pouvait visiter la Bretagne sans paraître dans la cité qui lui avait donné, au milieu d’une défection générale, des marques d’une persévérante fidélité. Il se rendit donc à Rennes à travers des campagnes ruinées, à l’aspect desquelles il s’écria, dit-on : « Où ces pauvres Bretons prendront-ils tout l’argent qu’ils m’ont promis ? » On lui avait promis beaucoup d’argent en effet, car, avant de se séparer, les derniers états s’étaient engagés à voter en dehors des dépenses ordinaires un fonds spécial de 200,000 écus pour la bienvenue du roi, s’il accomplissait enfin le voyage depuis si longtemps demandé. Un ordre royal venait de convoquer à Rennes ces états affamés de voir le roi. Le clergé, la noblesse, les députés des communautés, affluèrent de tous les points de la province, les membres des trois ordres, avec MM. du parlement en robes rouges, entouraient sa majesté, quand le 9 mai, par un beau soleil de printemps, elle entra dans sa bonne ville, jonchée de fleurs, le front joyeux, le sourire aux lèvres, le geste paternel et fier. Lorsqu’à la porte Toussaints le sénéchal lui présenta deux magnifiques clés d’or : « Je les accepte, mais je préfère les clés de vos cœurs, s’écria le roi, aussi prodigue à Rennes de mots charmans pour ses amis éprouvés qu’il l’avait été de millions à Nantes pour ses anciens adversaires. Les bons bourgeois royalistes, les magistrats et les nombreux suppôts du palais étaient devant Henri IV dans des transports d’admiration continue ; l’un d’entre eux nous a laissé de ce prince une photographie saisissante. « C’est un fort agréable prince, fort familier à tout le monde, mêlé à toutes choses sans grande longueur de discours et adonné à toute sorte d’exercices ; de moyenne taille, la barbe toute blanche, le poil blond commençant à grisonner, et l’œil plaisant et agréable, peut avoir l’âge de quarante-six à quarante-sept ans ; néanmoins sa barbe le rend plus vieil qu’il n’est[9]. »

Durant la semaine que Henri IV leur consacra, les habitans l’accablèrent de fêtes et de plaisirs. Ce fut une suite impitoyable de collations, de bals, de parties de bagues et de chasse dont le notaire Pichart s’est constitué le Dangeau. Entre mille anecdotes moins piquantes, il nous apprend que « comme le sieur roi sortait de Saint-Pierre, un appelé Gravelle, mente captus, s’adressa à sa majesté, lui disant qu’il le faisait son prisonnier et qu’il était le duc de Bretagne. Sur ce qu’il lui fut empêché d’approcher du roi, le dit fol prit M. de Montbarot aux jambes et s’y opiniâtra tellement qu’il fut fort difficile de l’en ôter. » Henri se tira moins heureusement d’une autre rencontre qui lui fit prolonger de vingt-quatre heures son séjour à Rennes. « En fut cause une demoiselle qu’il voulut voir de plus près. C’était la femme d’un capitaine appelé Desfossés, auquel le roi a fait depuis beaucoup d’avantages, et l’a envoyé pour aller à Calais, dont il est sergent. »

En quittant Rennes, le roi y laissa M. de Rosny pour débattre avec les états toutes les questions financières. Le comte de Molac, qui avait eu le premier jour la présidence de la noblesse, dut la céder au baron d’Avaugour, comte de Vertus, survenu le lendemain, lequel la prit probablement comme seigneur issu du sang de Bretagne. L’évêque de Cornouaille présida pour le clergé, et le sénéchal de Rennes pour le tiers. Une déclaration du roi, communiquée à l’ouverture de l’assemblée, lui annonçait que ses vœux avaient été accueillis sur plusieurs questions fort importantes. Dans les instructions données par le roi à ses six commissaires, on remarquait en effet les points suivans : remise des arrérages de toute nature dus au trésor royal par la province ; déclaration que les fouages et impôts seront continués en la manière accoutumée avec promesse de n’augmenter les levées de deniers que du consentement préalable des états ; retrait de toutes les impositions établies par le duc de Mercœur qui ne seraient pas sanctionnées par eux ; promesse de soumettre à une vérification rigoureuse l’état des garnisons, de faire démolir dans le plus bref délai toutes les fortifications reconnues inutiles, et d’interdire aux seigneurs toute levée d’hommes ou d’argent sous peine de confiscation ; engagement de donner les devoirs à ferme d’après le mode d’adjudication publique recommandé par les états, et d’en déposer les deniers aux mains de leur trésorier[10].

C’étaient là des concessions très considérables, et l’on pouvait croire qu’elles suffiraient pour désarmer toute opposition. Cependant il n’en fut pas ainsi, les états ayant cru remarquer une sorte de lacune dans la déclaration royale. Sa majesté n’avait ni juré, ni promis, à l’exemple de tous les princes ses prédécesseurs, de garder inviolablement les libertés et privilèges de la province. Le roi semblait donc retenir en principe les droits que sa bonté lui faisait abandonner dans certains détails. C’était sur ce point délicat qu’on souhaitait une explication. En se plaçant sur un pareil terrain, les états et les commissaires du roi ne tardèrent pas à se brouiller. M. de Rosny parut indigné que des sujets osassent rappeler leurs droits à un souverain au moment où celui-ci s’occupait de leurs intérêts avec une sollicitude si paternelle. Les sieurs Roger, Harpin et Turcant, maîtres des requêtes, furent donc envoyés pour les admonester, mission dont ces fonctionnaires s’acquittèrent avec une raideur tout administrative. « Messieurs des états n’ont pas à entrer en forme de traité avec le roi, mais à délibérer sur ce qu’il leur fait proposer. On ne peut s’arrêter à la demande de confirmation de leurs privilèges, puisqu’il y a bientôt neuf ans que le roi est roi comme aujourd’hui. »

Cette communication provoqua l’envoi d’une députation des trois ordres aux commissaires afin de leur demander déclaration particulière des promesses du roi mentionnées par eux ; mais l’abbé de Sainte-Croix, l’un des députés, ne tarda pas à venir annoncer à l’assemblée que lui et ses collègues « ont très peu profité en leur députation, laquelle a été tenue par MM. les commissaires pour une marque d’irrévérence plutôt que de bonne affection au service du roi, ceux-ci leur déniant en outre la déclaration qu’ils demandaient comme chose qui ne dépend d’eux, mais de sa majesté seule à laquelle il serait fort malséant d’en faire la demande[11]. »

La question se trouvant posée dans de pareils termes par les représentans du monarque, les états agirent peut-être prudemment en n’engageant pas une lutte inopportune. Ils votèrent sans discussion toutes les sommes demandées au nom du roi, en ajoutant au produit des impositions ordinaires les 200,000 écus promis pour le voyage du monarque. L’auteur des Œconomies royales quitta la Bretagne aussi éclairé sur ses besoins et ses ressources que sur les moyens de les mettre en œuvre. Le surintendant, dont la fille épousa l’héritier de la maison de Rohan, fut au conseil du roi le protecteur assidu des intérêts bretons, et c’était toujours à lui que s’adressaient les députés des états chargés de porter à la cour le cahier des remontrances.

Ce gouvernement réparateur cicatrisa promptement les plaies de la malheureuse Bretagne. Au bout de quelques années, elle commença de se repeupler, la corde et la roue ayant fait justice des scélérats qui l’avaient opprimée ; mais ce règne si admiré et sous tant de rapports si admirable profita moins, aux institutions de la France qu’à ses richesses, et sitôt que le grand roi descendit dans la tombe, la royauté se retrouva plus faible qu’elle ne l’avait jamais été. Trop modéré pour aimer le despotisme, Henri avait pourtant la religion du droit monarchique dont son épée avait assuré le triomphe. C’est le premier roi de droit divin qu’ait eu la France, car il ne se croyait comptable à personne du pouvoir, qu’il tenait « de Dieu et de son épée. » Nullement défavorable aux états provinciaux quand ceux-ci lui transmettaient des avis constamment recherchés par sa bonne foi, il s’irritait à la pensée qu’ils pouvaient songer à faire prévaloir leur volonté contre la sienne en plaçant un autre droit à côté du sien. Lorsqu’aux états de Bretagne ses commissaires tinrent le langage que nous venons de rappeler, ils exprimaient la pensée la plus persistante d’un souverain aussi porté aux concessions individuelles qu’inflexible sur les principes. Si la plénitude de son pouvoir semblait en question, ce prince perdait cette liberté d’esprit qui faisait le charme de sa personne et le succès de sa politique. La Bretagne l’éprouva plus d’une fois. Avant de quitter Nantes par exemple, Henri IV avait décidé qu’au lieu de nommer annuellement leur maire les électeurs de cette ville formeraient désormais une triple liste sur laquelle il choisirait ce magistrat. Le même système devait être appliqué à la nomination du sous-maire et du capitaine des compagnies bourgeoises ; mais quand Charles Harrouis sortit de charge, le roi, créant le système des candidatures agréables, appelé depuis à une si brillante fortune écrivit à la communauté pour l’inviter à placer au nombre des trois candidats le sieur de La Bouchetière, trésorier des états, « ce qui nous sera fort agréable, pour avoir donné beaucoup et de bonnes preuves de sa fidélité au bien de nos affaires et à celui de nos sujets[12]. »

Soit impopularité personnelle, soit vieux levain d’opposition, le sujet ainsi recommandé ne réunit pas la majorité des suffrages. Cette résistance à sa volonté fit perdre au roi le sang-froid qui l’abandonnait rarement, et il écrivit ab irato aux habitans de Nantes la curieuse lettre qui suit : « Je trouve fort étrange de ce que au préjudice de ce que je vous ai ci-devant écrit pour élire maire de ma ville de Nantes pour la présente année le sieur de La Bouchetière, lequel j’ai toujours reconnu pour mon très fidèle serviteur, il y en ait eu quelques-uns d’entre vous si hardis que de s’y opposer et d’en nommer d’autres ; c’est pourquoi je vous fais ce mot de ma main par lequel vous saurez que ma volonté est que le sieur de La Bouchetière soit élu et nommé, qu’il n’y ait aucune faute, et que je sois obéi en cela ; autrement j’aurai occasion de chercher les moyens de me faire obéir, à quoi je suis résolu, et de vous témoigner l’envie que j’ai de faire pour vous lorsque vous m’en donnerez sujet[13]. » Le roi n’attendit pas d’ailleurs le résultat d’un nouveau scrutin. Il nomma proprio motu le sieur de La Bouchetière, maire de Nantes, et lui fît connaître sa nomination par une lettre affectueuse où les Nantais étaient assez malmenés et qui se terminait ainsi : « S’il n’est par eux entièrement satisfait à mes ordres, vous nous en tiendrez avertis afin d’y pourvoir selon le besoin qui en sera, car tel est notre plaisir[14]. » Le sieur de La Bouchetière fut donc maire de par le roi. Lorsqu’un an après le moment fut venu de renouveler la mairie, les bourgeois adressèrent au roi une sorte de supplique dans laquelle, après avoir rendu hommage à la bonne administration du fonctionnaire nommé par sa majesté, ils demandaient qu’elle daignât leur rendre le droit de désigner pour l’année 1601 trois candidats, selon qu’elle l’avait réglé elle-même ; mais Henri IV feignit de ne pas comprendre le sens de cette requête, et leur répondit, en vrai Gascon, que, puisqu’ils se tenaient pour satisfaits des services du maire actuel, il déférait avec plaisir a leur vœu en consentant à le maintenir en sa charge.

En matière de libertés municipales, Henri IV ne se gênait pas plus avec les vieux royalistes qu’avec les vieux ligueurs. Vers la même époque, il attribuait au gouverneur de Rennes la mairie perpétuelle de cette fidèle cité, et transformait le régime de sa communauté élective en se réservant la nomination des échevins. Ce prince, plus habile que prévoyant, fit au système municipal une guerre sourde, mais persistante, en souvenir de la puissance qu’il avait exercée durant les troubles, sacrifiant ainsi aux intérêts de ses rancunes ceux d’une bonne politique.

Après la paix de Vervins, qui lui permit de rétablir son commerce avec l’Espagne, stimulant principal de sa faible industrie, la Bretagne ne songea plus qu’à remettre ses friches en culture et à faire démolir les repaires d’où d’exécrables brigands s’étaient abattus sur ses campagnes. Coëtfret, Corlay, Douarnenez, lieux de sinistre mémoire, tombèrent d’autorité royale sous les malédictions publiques. Rien ne vint troubler l’harmonie qui s’établit sous le gouvernement nominal du jeune duc de Vendôme, suppléé par le duc de Rohan-Montbazon et le maréchal de Brissac, entre la royauté et la représentation provinciale. Le fils naturel de Henri IV fit son entrée solennelle à Rennes en 1608, à l’âge de quatorze ans, y ranimant au sein d’une population royaliste quelques restes du vieil enthousiasme que ce prince était si peu capable d’entretenir. Le bon ordre introduit dans les finances et la prospérité chaque jour croissante du royaume permirent à Sully d’accorder aux portions les plus malheureuses du pays des remises d’impôts et de longues surséances. Reconnaissans de cette bonne administration, sans se montrer pourtant fort expansifs, les états ne disputaient plus guère sur le chiffre des demandes adressées par le monarque que pour constater et conserver leur droit. Ils ne retrouvaient leur énergie que lorsque les privilèges de la province semblaient mis en question. Alors s’évanouissaient toutes les considérations de prudence, et ces fiers gentilshommes, presque tous vieux soldats de Mercœur, étaient prêts à remettre la main sur la garde de leur épée. Les états de Vannes en 1600 s’étaient passés dans une entente parfaite entre les trois ordres et les commissaires. Il arriva, pendant cette tenue une lettre de cachet du roi qui prescrivait à l’assemblée d’avoir à choisir un autre procureur-syndic, « sa majesté ayant été informée par voie sûre que le sieur Biet du Coudray, syndic actuel des états, n’était pas noble d’ancienne extraction, qualité indispensable pour exercer de telles fonctions. » A ces mots, un orage éclata dans la salle, la noblesse tout entière s’écriant qu’elle était insultée dans son honneur, lorsque d’autres affectaient de se montrer sur cet article-là plus susceptibles qu’elle-même. Les trois ordres, adoptant sans débat une résolution commune déclarèrent que la lettre lue par le maréchal de Brissac serait considérée comme non avenue, et le sieur du Coudray maintenu envers et contre tous dans des fonctions dont il n’était pas moins digne par lui-même que par le choix de l’assemblée seule compétente pour les conférer. Brissac, en homme prudent, ne donna pas suite à cette mauvaise querelle, et les choses en restèrent là.

Dans une autre occasion, les états furent un moment en proie à une émotion plus violente encore. Ils apprirent que M. de La Jallière, un de leurs membres, avait été arrêté la veille par le grand-prévôt sous l’inculpation d’un délit privé. C’était une violation du privilège d’inviolabilité qui leur avait été départi de temps immémorial pendant la durée de la tenue et dix-huit jours après sa clôture. A l’instant toutes les opérations furent suspendues, et une députation de six membres reçut charge d’aller délivrer le membre incarcéré, qui reprit sa place dans l’assemblée, les commissaires du roi s’empressant d’ailleurs de confirmer, par leurs paroles le droit reconnu aux états[15]. Mais la justesse d’appréciation que cette noblesse possédait à un degré si élevé dans les questions d’honneur lui faisait malheureusement défaut dans les questions d’affaires ; intrépide pour défendre ses droits, elle était sans expérience et sans initiative pour en user. La suite de ce travail en fournira beaucoup d’exemples. J’en rapporte ici un seul, emprunté au règne qui nous occupe. Durant la session de 1608, l’assemblée reçut la lettre suivante que je copie en entier d’après le registre des états : « Messieurs, je vous avais écrit pendant votre dernière assemblée que, si vous vouliez faire fonds d’une notable somme de deniers pour employer aux réparations des ponts, pavés, chaussées et mauvais passages de votre province, sa majesté en destinerait pareille somme pour parvenir plus promptement à la réfection desdits ouvrages, auxquels vous commettriez tels députés que vous aviseriez pour assister mes deux lieutenans en la voyrie sur la distribution desdits deniers, et feriez commencer les travaux ès endroits que vous jugeriez nécessaires. Sur quoi votre réponse n’a point satisfait à ce que sa majesté attendait de vous, car, ayant été d’avis d’en rejeter les frais sur les particuliers qui ont des fiefs ou des fonds joignant lesdits points et mauvais passages, vous avez ôté par ce moyen toute espérance d’y pourvoir, n’y ayant point de doute que les particuliers ne quittent plutôt leurs héritages que d’entrer en cette dépense, qui doit être supportée par le public, puisqu’il en reçoit la première commodité. C’est pourquoi je vous conseille d’apporter tout ce qui vous sera possible pour faire résoudre le pays à faire un fonds suffisant pour lesdites réparations, desquelles il ne doit pas appréhender la dépense, puisqu’il en recevra l’utilité. Assurez-vous que, de mon côté, je ferai en sorte que sa majesté y contribuera pour pareille somme, et tenez-moi toujours, messieurs, votre plus affectionné serviteur. Écrit à Fontainebleau le 8 de septembre de l’an 1608. Maximilien de Bethune. » Si avantageuse que fût une pareille proposition, les états, par un aveuglement inexplicable, refusèrent de l’accueillir en se fondant sur la misère de la province, quoique cette misère même fût un motif déterminant pour la faire accepter. Nous trouverons bientôt le cardinal de Richelieu en présence de difficultés semblables.

Sous Henri IV comme sous Louis XIII, les états n’eurent qu’une pensée, donner le moins d’argent possible au roi en demeurant étrangers aux intrigues qui divisaient la cour. Ils avaient l’instinct confus des périls auxquels serait exposée la monarchie le jour où disparaîtrait le prince qui avait amorti les factions sans consolider le pouvoir royal. L’opinion inclinait donc en Bretagne avec une force irrésistible vers la politique d’abstention qui avait prévalu si heureusement pour la province durant la première période des guerres de religion. Une pareille disposition était naturelle dans une contrée dont la noblesse restait encore étrangère à la cour et même à l’armée. La justesse en fut révélée sitôt que le poignard de Ravaillac eut frappé le prince qui avait fait la royauté française si forte devant l’Europe, en la laissant si faible contre ses ennemis intérieurs. Condé, Soissons, Longueville, Vendôme, Bouillon, d’Épernon et leurs complices, ne rencontrant aucun pouvoir avec lequel ils eussent à compter, purent commencer à jouer, tantôt entre eux, tantôt contre une femme vulgaire entourée d’avides étrangers, une partie dans laquelle le pays ne s’intéressait à personne, ces joueurs éhontés étant de tout point dignes l’un de l’autre. Rarement d’aussi médiocres personnages suscitèrent d’aussi grands maux, et le honteux spectacle de cette première régence peut seul expliquer la faveur témoignée par la postérité à la seconde, aussi égoïste dans ses poursuites, aussi frivole dans ses projets, mais où du moins les vices étaient brillans et l’ambition excusée par la gloire.

La Bretagne parvint à demeurer étrangère à ces luttes durant lesquelles un roi, menacé par les défenseurs naturels de sa personne et de son trône, ne pouvait quitter sa capitale sans se faire accompagner par une armée. Les populations, les communautés et les états de la province refusèrent tout concours à une rébellion dont les fauteurs se croyaient fondés à compter sur eux. Au plus profond du sol armoricain était en effet implantée cette grande maison de Rohan dont les aspirations avaient dépassé depuis un siècle les horizons de sa vieille patrie, et qui durant la jeunesse de Louis XIII fut engagée presque tout entière dans les intrigues seigneuriales. Alors grandissait au château de Blain, sous l’aile de la célèbre Catherine de Parthenay, sa mère, l’enfant qui allait donner au parti calviniste un chef héroïque, et, comme pour ajouter la séduction à la puissance, on voyait briller dans les deux branches de cette famille des femmes charmantes dont, au dire d’un contemporain, l’esprit avait été trié entre les délices du ciel[16].

Au prestige de la maison de Rohan venait se joindre, pour compromettre la tranquillité de la Bretagne, l’autorité du gouverneur de la province. Le fils de Henri IV n’avait hérité ni du charme, ni de la valeur de son père ; c’était un esprit stérile et agité, incapable du repos plus encore que du succès, et très digne de trouver sa place dans le groupe d’eunuques politiques qui empêchaient le pouvoir de s’établir en se montrant eux-mêmes impuissans pour l’exercer ; mais le titre de gouverneur de Bretagne ne lui maintenait pas moins une autorité considérable, autorité rehaussée pour l’époux de Françoise de Lorraine par les immenses possessions de la maison de Penthièvre.

César de Vendôme espéra pouvoir faire de la Bretagne un quartier-général pour l’insurrection des princes. Dans cette pensée, il tenta plusieurs fois d’armer la ville de Nantes, ou plutôt de déterminer cette ville à s’armer elle-même en appliquant à cet usage les importantes ressources financières de la communauté ; mais ces efforts tournèrent contre lui. Aucun succès n’était en effet possible pour le parti des mécontens sans l’active coopération des huguenots, fort nombreux dans le Poitou, et qu’il s’agissait d’introduire en Bretagne au moyen des intelligences qu’y possédaient MM. de Rohan. Or l’attitude menaçante des calvinistes sur les marches de la province était précisément pour la bourgeoisie nantaise l’objet du plus constant effroi. Ce fut dans la pensée de résister aux religionnaires et nullement pour prendre vis-à-vis du gouvernement de Marie de Médicis une position comminatoire que les compagnies bourgeoises se constituèrent au grand complet. Ce fut afin de seconder le duc de Montbazon, demeuré fidèle au roi, qu’elles reprirent en 1614 le pénible service des jours orageux, que la ville renouvela tout le matériel de son artillerie et remit en parfait état de défense les fronts démantelés de ses longues fortifications. Ce que voulait le gouverneur était donc tout le contraire de ce que voulaient les Nantais. Traitant avec les protestans pendant qu’il adressait au roi son frère des assurances réitérées de fidélité, Vendôme flottait entre la rébellion et l’obéissance ; mais plus il inclinait vers les mécontens et les calvinistes, dont l’intérêt était alors inséparable, plus les Bretons se montraient fervens catholiques et royalistes dévoués. Ce fut ainsi que la Bretagne, malgré les efforts des princes mis à sa tête par l’imprudente tendresse de Henri IV, demeura la moins agitée de toutes les provinces du royaume sous le gouvernement de Marie de Médicis et de ses conseillers florentins. Elle accueillit le nouveau règne avec d’autant plus de faveur que la régente, alarmée des bruits qui arrivaient à la cour sur les dispositions de l’ouest, avait accordé à la Bretagne la chose à laquelle cette province tenait le plus, une ample et générale confirmation de tous ses droits, privilèges et libertés.

Au moment où s’ouvraient à Rennes les états de 1611, l’assemblée recevait en effet avec les lettres confirmatives qu’avait refusées Henri IV une déclaration par laquelle Louis XIII révoquait divers édits contenant création de nouveaux offices. Avant la clôture de la session, conformément à cette royale promesse, elle entendit la lecture d’une ordonnance de sa majesté portant révocation de cinquante-neuf édits en vertu desquels avaient été créés des offices dont les cahiers de remontrances avaient constaté l’inutilité et demandé la suppression. Cette ordonnance ajoutait une amnistie pleine et entière pour toutes les condamnations prononcées en matière d’impôt, donnait les assurances les plus formelles relativement à la franchise du sel, et promettait la punition des archers qui s’étaient livrés sur les marchés de la province à des voies de fait et vexations sous prétexte de punir les faux-sauniers ; elle contenait enfin la déclaration précise qu’aucune taxe ne serait levée en Bretagne sans le consentement préalable des états. De longues acclamations accueillirent ce don de joyeux avènement, et les états ne discutèrent sur aucune des demandes financières qui leur furent soumises par les commissaires du roi.

Il fallait l’impéritie de César de Vendôme pour attendre de la part d’une province satisfaite et tranquille une participation quelconque à des machinations politiques. Ce prince continua cependant de faire fortifier plusieurs places de ses domaines particuliers, et le duc de Retz lui amena en 1613 quelques troupes dans Ancenis au moment où les protestans paraissaient à la veille de se soulever dans le Poitou. La régente prit alors une résolution dont l’effet décisif laissa pressentir ce que serait, au sein de cette monarchie mise au pillage par une aristocratie sans pudeur, la force de l’autorité royale, lorsque celle-ci s’exercerait par un grand ministre en attendant le jour de s’incarner dans un grand roi. Elle conduisit Louis XIII à Nantes, et toutes les velléités de résistance s’évanouirent. A la vue du jeune monarque venant se confier à sa loyauté, la Bretagne fut prise d’un accès d’enthousiasme indescriptible. Les états, réunis en présence de leurs majestés, les corporations municipales, qui se ruinèrent pour leur faire fête, les populations émues, rivalisèrent d’ardeur, au point que l’assemblée des états parut animée d’un véritable esprit de réaction contre les vieux vaincus de la ligue, si longtemps populaires.

Le 16 août 1614, les canons du château de Nantes et les cloches de la cathédrale ébranlèrent au loin les airs. Le roi, la reine-mère et leur suite assistaient à la grande fête nautique qui devait précéder leur entrée dans l’antique cité ducale, fête somptueuse dont les riches archives de Nantes ont conservé le programme avec les nombreuses quittances à l’appui. Ce fut un simulacre de combat naval suivi de l’attaque d’un château par sept galions armés en guerre. Après la prise de la forteresse, le cortège se forma pour entrer à Nantes. En tête marchaient dix compagnies de milice bourgeoise en belle ordonnance. Les six premières portaient les couleurs du roi, incarnat blanc et bleu ; trois étaient aux couleurs de la reine, pensée et gris-blanc ; une portait celles de la ville, noir et blanc. Venaient ensuite sous deux dais de velours aux armes royales Marie de Médicis et le jeune roi, qui maniait avec grâce un joli petit cheval bai aux acclamations d’un peuple immense. Il était nuit close avant que leurs majestés pussent obtenir le droit de se reposer des plaisirs de la journée, car il fallut, à chaque station, subir des surprises et des magnificences nouvelles. Parmi celles dont le souvenir a été gardé par la chronique locale, on cite l’exhibition de transparens ingénieusement éclaires qui représentaient Henri IV et Louis XIII vêtus en Hercules, foulant aux pieds le dragon du jardin des Hespérides. Ces enseignes avaient été brossées par un peintre qui parcourait en touriste les bords de la Loire, dont quelques paysages se font reconnaître encore dans ses pages immortelles. Cet artiste inconnu s’appelait Nicolas Poussin. Toutes ces belles représentations terminées, le roi dut essuyer encore une longue harangue de M. Charette de La Collinière, sénéchal et maire de Nantes, entouré des échevins et des notables en robes de cérémonie. Ce magistrat présenta au jeune prince trois clés de vermeil « si riches qu’on n’en avait pas encore offert de semblables à quelque majesté que ce fût en pareille cérémonie, ce dont le roi fut grandement ravi, et témoigna son contentement par le serein de son visage. »

Messieurs du corps de ville, peu au courant des usages de la cour, croyaient avoir fait grandement les choses en envoyant à chacun des seigneurs de la suite de leurs majestés quelques pipes d’excellent vin, et en y joignant pour les dames des caisses de confitures exquises. Aussi furent-ils un peu surpris le lendemain en voyant les écuyers, les archers des gardes et jusqu’aux aumôniers du palais, s’emparer, en vertu du droit de leur charge, de tous les meubles, ustensiles, tapisseries et ornemens qui avaient servi à la solennité de la veille. Tout y passa, ou dut être racheté à beaux deniers comptans, depuis les grands Hercules jusqu’aux beaux carreaux de velours à crépines d’or sur lesquels s’étaient agenouillées leurs majestés ; mais on était tellement heureux que ces exigences furent à peine remarquées, et l’argent ne coula pas moins abondamment que le vin. Huit jours se passèrent dans des fêtes tellement somptueuses que la dernière parole de la reine-mère, en prenant congé de messieurs les échevins, fut une tardive recommandation à la ville de Nantes pour qu’elle eût à se montrer plus économe à l’avenir.

Durant son séjour, Louis XIII ouvrit les états, ayant à ses côtés la reine sa mère, entouré de sa cour et de ses secrétaires d’état. Le vaste cloître des cordeliers, lieu ordinaire de ces réunions, avait été décoré avec une richesse merveilleuse. Partout brillaient les armes mi-partie de France et de Bretagne, et les trois ordres au grand complet donnaient à cette cérémonie un éclat jusqu’alors sans exemple. Cette tenue se résuma dans un long cri d’enthousiasme et une protestation d’inaltérable fidélité. Le seul mécontentement sérieux que témoignèrent les états fut provoqué par l’indulgence avec laquelle le roi traita son frère naturel. Pleinement rassurée désormais sur les dispositions de la Bretagne, la régente, toujours en ménagement avec les seigneurs mécontens, venait de rendre au duc de Vendôme le titre de gouverneur de cette province, sans susciter d’ailleurs en lui ni le sentiment de la reconnaissance ni celui de son profond isolement. Les états supplièrent le roi d’ordonner des poursuites contre les agens et « capitaines de Mgr de Vendosme, qui depuis six mois avaient fait des levées de deniers tant sur la paroisse que sur les particuliers, révoquant en ce qui les concernait le consentement obtenu par surprise, et qu’ils avaient donné en la tenue précédente pour l’entretenement dudit duc de Vendosme, les états suppliant leurs majestés ordonner qu’à l’avenir il n’y aura aucune garde dans la province, et qu’il ne se pourra ci-après faire semblable proposition en l’assemblée à peine d’être les proposans et consentans déclarés ennemis du roi et du pays[17]. »

Les états reproduisirent avec une nouvelle insistance toutes leurs réclamations antérieures pour la démolition des fortifications des villes, châteaux et donjons ayant résisté à l’autorité royale durant les troubles ; ils allèrent même jusqu’à demander que tous les officiers qui avaient appartenu au ci-devant parti de la ligue fussent révoqués de leurs gouvernemens et autres fonctions publiques. Quand de pareils sentimens dominaient au sein de l’assemblée, le maréchal de Brissac pouvait solliciter sans crainte ce que nous nommerions aujourd’hui un bill d’indemnité pour avoir, l’année précédente, en prévision des troubles qui menaçaient la province, suspendu la convocation des états, augmenté l’effectif de quelques garnisons et dépensé pour l’entretien de celles-ci une centaine de mille livres sans autorisation ni vote préalables. Les trois ordres déclarèrent trouver ses raisons bonnes et prendre sur eux cette charge, « quoiqu’ils ne soient pas tenus à tel remboursement ; mais en considération du mérite du sieur comte de Brissac et de la diligence qu’il a apportée dans la conservation de la province en l’obéissance du roi. »

D’importantes questions furent réglées dans cette tenue, qui se prolongea plusieurs semaines après le départ de la cour. Les dépenses des villes pour les travaux d’utilité communale étaient, sous le gouvernement des ducs comme de nos jours, acquittées au moyen des droits supportés par certains objets de consommation usuelle. Ces droits et tarifs d’octrois étaient de temps immémorial concédés aux villes sur leurs demandes par l’assemblée des états ; mais depuis la réunion plusieurs villes les avaient obtenus directement de l’autorité royale. Il fut arrêté que la demande, d’abord soumise aux états, serait, après l’approbation de ceux-ci, adressée au prince, qui la revêtirait d’une sanction définitive. C’était de la bonne administration, car ce mode conservait à la fois le droit d’appréciation de l’assemblée représentative et le droit de promulgation de la couronne. ; toutefois cet arrangement si sensé ne dura guère. Louis XIV ne prit pas seulement sur lui de concéder directement aux communautés les octrois qu’elles réclamaient pour leurs besoins, il tira un profit considérable de ces concessions, de telle sorte que les villes durent commencer par acheter du roi la faculté de s’imposer elles-mêmes. Après avoir mis en bon ordre les affaires de la province, les états, pour déférer à l’invitation qui leur fut adressée au nom du roi, désignèrent dix-huit députés, dont six de chaque ordre, pour représenter la Bretagne aux états-généraux de 1614, convoqués d’abord à Sens, puis à Paris. La nomination fut faite d’après le mode antérieurement pratiqué pour les états de Blois. Les députés de la noblesse furent choisis par l’église et le tiers, ceux de l’église par le tiers et par la noblesse, et ceux du tiers par la noblesse et par l’église.

Fermant ses plaies, contemplant avec bonheur la chute de ces forteresses dont le démantellement était ardemment poursuivi par la commission intermédiaire, la Bretagne goûtait une tranquillité profonde pendant qu’au-delà de ses frontières les réformés et les mécontens organisaient leurs prises d’armes. Ses institutions particulières fonctionnaient d’ailleurs avec une entière liberté, et jamais la couronne n’avait moins songé à lui disputer ses franchises. Les derniers états de Vitré et ceux de Saint-Brieuc n’avaient provoqué aucune contestation ; mais il n’en fut pas ainsi de ceux qui s’ouvrirent à Rennes en 1621. Un désaccord profond se révéla dès l’origine entre les commissaires du roi et les trois ordres. Ce désaccord s’aggrava par les formes blessantes qu’apporta dans cette discussion le conseiller d’état d’Aligre, devenu plus tard chancelier. La commission dite des contraventions fit son rapport, selon l’usage, à l’ouverture de la session, et l’on peut en dégager les griefs suivans : plaintes contre une levée de francs-archers faite par les sénéchaux des juridictions royales en vertu d’ordres dont le syndic des états n’a pas reçu communication ; plaintes plus vives encore sur ce qu’on aurait fait vivre les gens de guerre par étapes, « à la charge et oppression du peuple ; » insistances près du duc de Vendôme, gouverneur, et du maréchal de Brissac, lieutenant-général, afin qu’ils obtiennent de sa majesté la sortie de plusieurs régimens inutiles à la défense de la province, les états promettant d’accorder quelques légers secours à ces garnisons, mais seulement après qu’elles auront quitté le territoire breton ; demande instante d’une protection efficace contre les pirates et rebelles de La Rochelle, qui ont déjà causé pour près d’un million de dommages aux habitans de Nantes, Saint-Malo et Saint-Brieuc.

Les réponses des commissaires à ces diverses réclamations n’eurent pas toute la précision qu’auraient souhaitée les états. Aussi, lorsque M. d’Aligre eut soumis au nom du roi la demande d’un don de 600,000 livres, on lui posa avec une certaine vivacité la question de savoir si ce chiffre était définitif, et si avant la levée des états il ne surviendrait pas d’autres demandes sous d’autres appellations. Enfin l’assemblée voulut savoir s’il était vrai qu’il y eût alors sous presse plusieurs édits relatifs à des créations de charges nouvelles, « édits dont la cour prétendait poursuivre l’enregistrement sitôt qu’elle serait désemparée. » D’Aligre répondit d’une manière à la fois évasive et offensante, déclarant n’avoir à rendre compte à personne de ses instructions et vouloir conserver pour le gouverneur et pour lui-même la plus entière liberté dans le cours de la mission que lui et ses collègues avaient reçue du roi, « n’entendant pas être traité plus mal que ceux qui l’avaient précédé. » Les états commencèrent, sous l’impression de ces paroles, par voter une somme de 350,000 livres, somme que les commissaires du roi déclarèrent dérisoire. A la séance suivante, l’offre fut élevée de 50,000 livres sans que ceux-ci consentissent à la discuter. À ce point du débat se produisit entre les représentans du pays et ceux de la couronne un incident ainsi exposé au procès-verbal de la séance : « Sur ce que M. le sénéchal de Rennes s’est plaint que messieurs les commissaires auraient prétendu qu’un particulier du tiers aurait dit, en délibérant sur la proposition de M. d’Aligre, qu’on lui baille 500,000 livres et qu’il aille au diable, les états protestent contre cette atroce calomnie. » Quoi qu’il en soit, les 500,000 livres furent en effet proposées, mais les commissaires déclarèrent cette offre ridicule « en présence des grands besoins d’argent qu’avait sa majesté, contrainte de faire face à la fois à ses ennemis du dehors et du dedans. » Enfin, après quinze jours de débats orageux, les états en étaient arrivés à « prier messieurs les commissaires du roi d’accorder purement et simplement les conditions que l’assemblée leur avait proposées, sinon à ne pas trouver mauvais qu’elle ne contractât pas avec eux[18]. » Toutefois dans la séance du 27 il intervint un arrangement dont les motifs comme les détails nous échappent, mais duquel il semble résulter que les états votèrent la somme réclamée sous la condition formelle de ne la payer qu’après qu’ils auraient pu réaliser leurs ressources et dans la mesure de cette réalisation.

Le don gratuit ne provoqua pas des débats moins animés dans les tenues qui eurent lieu en 1622 et 1623 à Nantes, en 1624 à Ploërmel, en 1625 à Guérande. Il demeura fixé jusqu’en 1629 à 600,000 livres. Dans ce chiffre n’était pas compris le fonds fait par les états pour les garnisons de certaines villes de guerre indiquées dans les contrats annuels, pour le service de la maréchaussée et pour celui des milices locales, ce qui en doublait à peu près l’importance. À cette somme attribuée au roi venaient se joindre le revenu d’environ 400,000 livres que représentait l’ancien domaine ducal, le produit des fouages et celui des fermes. L’impôt produit par la plus considérable, celle des devoirs sur les boissons, appartenait en propre à la province, qui possédait en outre certains revenus particuliers, sur la masse desquels étaient prélevés le don gratuit, les gages du gouverneur, des officiers des états et du parlement, les dépenses des routes et des travaux publics. L’ensemble de ces recettes réunies par l’état et par la province montait à la fin du règne de Louis XIV à une somme d’environ 7,800,000 livres[19]. Si ce budget, calculé au cours de notre monnaie actuelle, était fort inférieur à celui qu’acquittent aujourd hui les cinq départemens réunis de l’ancienne Bretagne, il pesait d’un poids beaucoup plus accablant sur la population rurale. Cette classe malheureuse était en effet écrasée par le chiffre des fouages, parce que le nombre des anoblissemens et des exemptions accordés aux terres et aux personnes rendait chaque jour le fardeau plus lourd en réduisant la quantité des contribuables appelés à le supporter.

Les édits portant création de charges nouvelles, sur lesquels M. d’Aligre avait gardé un silence prudent en présence des états, parurent après la séparation de l’assemblée, ainsi que celle-ci l’avait prévu. La commission intermédiaire s’étant vainement opposée à l’enregistrement de ces édits, l’affaire se présenta à la tenue suivante sous une forme des plus vives. En voyant la royauté manquer vis-à-vis d’eux à des engagemens réitérés, les trois ordres se tinrent pour blessés dans leur honneur, et sur cet article ils ne transigeaient jamais.

Leur premier soin fut d’envoyer à la cour une députation extraordinaire pour protester contre ces déplorables créations. Les états décidèrent qu’ils ne délibéreraient sur le don gratuit qu’après qu’il aurait été répondu à leurs députés. L’adresse dont ceux-ci étaient porteurs reproduisait toutes les objections auxquelles avaient donné lieu depuis le règne de Henri II ces innombrables inventions du génie fiscal. Elle établissait qu’en obligeant les Bretons à recourir pour les actes les plus simples de leur vie au ministère onéreux d’agens scandaleusement inutiles, l’état les frappait de véritables impôts non consentis ; elle contenait enfin contre l’établissement du bureau des trésoriers de France en Bretagne des objections toutes spéciales. L’adresse se terminait ainsi : « Sire, c’est avec un extrême regret que les gens des trois états apportent par cette députation extraordinaire leurs très humbles supplications aux pieds de votre majesté ; mais ayant plusieurs fois recherché le remède à leur mal vers Mgr le duc de Vendosme et autres commissaires de votre majesté, et ne l’ayant jamais trouvé, ils ont cru qu’elle aurait agréable qu’ils eussent recours à sa souveraine main, n’étant aucune occasion plus importante pour son service et pour le bien public. La foi si solennellement promise fait espérer aux gens desdits états que votre majesté agréera leurs supplications, et leur accordera lettres portant suppression et révocation du bureau des trésoriers de France en votre dite province. Cependant ils se tiennent assemblés pour recevoir l’honneur de vos commandemens, toujours respectés en cette province très pauvre en effet, mais plus affectionnée que nulle autre au service de son roi[20]. »

Cette noble lettre fut remise à un conseil que dirigeait déjà Richelieu. Elle obtint trois semaines après la réponse suivante : « Très chers et bien amés, nous avons pris en bonne part ce qui nous a été représenté par vos députés, et après les avoir entendus et fait ouïr par notre conseil, sur les propositions et demandes qu’ils avaient charge de nous faire, nous en sommes demeurés contens. Aussi en cette considération, et moyennant les offres spontanées d’une somme de 500,000 livres de votre part, nous avons eu agréable de leur accorder la révocation de l’édit de création des offices de trésoriers de France en notre pays de Bretagne. »

Les états gagnèrent donc leur cause moyennant la promesse d’un gros subside, mais pour quelques années seulement. Quoi qu’il en soit, ils venaient de faire une double expérience qui leur avait réussi. La première, ce fut d’offrir de l’argent comptant pour le retrait de certains édits impopulaires, la seconde, de suspendre le vote du surplus jusqu’à ce qu’il fût fait droit à leurs réclamations. L’année suivante, ils mirent en pratique ce second moyen aux états de Guérande. Ayant subordonné l’octroi du don gratuit à l’accueil qui serait fait à quelques observations consignées dans leurs remontrances, les trois ordres prirent l’engagement d’honneur de s’assembler plus tard au lieu et à la date qu’il plairait au gouverneur d’indiquer, afin d’y reprendre leurs opérations suspendues, ce qui eut lieu en effet à Nantes le 29 avril suivant.

Leur ferme attitude en face du pouvoir recommande certainement à la postérité la mémoire de ces obscurs patriotes, pour lesquels l’histoire n’a pas même une mention ; mais le soin jaloux avec lequel ils défendaient les droits de leur vieille patrie ne profitait point à leur expérience administrative. Nous les avons vus sous le règne de Henri IV refusant de seconder le duc de Sully dans ses efforts pour ouvrir des routes en Bretagne et pour féconder un sol aride et dévasté ; nous les voyons sous Louis XIII repousser le concours qui leur est demandé au nom du roi par le contrôleur-général des postes afin d’établir des relais sur les routes principales de la province, puis accueillir les fondations commerciales et maritimes de Richelieu avec une méfiance que l’éclat du bienfait parvint pourtant à dissiper.

La mission de la Bretagne, c’était de donner une marine à la France : c’est dans cette œuvre qu’elle allait trouver sa richesse et sa grandeur ; mais, avant de le comprendre, il fallait qu’elle pénétrât la pensée profonde de l’homme qui s’était emparé de haute lutte de la surintendance du commerce et de la navigation ; il fallait que la grande province et le grand ministre fussent entrés dans un commerce étroit et continu. Ce pays touchait au moment où allait s’ouvrir cette phase nouvelle de son histoire, car le cardinal de Richelieu était venu visiter à la suite de Louis XIII la terre à l’extrémité de laquelle il devait fonder bientôt l’un des plus durables monumens de son génie.

Douze années s’étaient écoulées depuis les états de 1614, qui avaient laissé dans la ville de Nantes d’ineffaçables souvenirs. En 1626, Louis XIII avait repris sur les protestans toutes les provinces méridionales, et malgré les secours de l’Angleterre MM. de Rohan et de Soubise avaient dû s’incliner sous ses armes victorieuses. Un esprit nouveau commençait à pénétrer ce gouvernement d’étrangers et de favoris qu’on avait pu croire atteint par la précoce sénilité du prince. L’évêque de Luçon s’appelait déjà le cardinal de Richelieu. Revêtu de la pourpre en 1622, entre en 1624 dans le cabinet où l’avait introduit sa souplesse et qu’il domina bientôt par sa fierté, assez fort pour n’avoir plus à ménager les instrumens de sa fortune et résolu à rompre tout ce qui hésiterait à plier, Richelieu avait trouvé un appui sûr pour sa politique dans le monarque méfiant auquel l’indulgence avait trop mal réussi en sa jeunesse pour qu’il n’éprouvât pas la tentation d’essayer la sévérité.

Par la pente irrésistible d’une nature vicieuse, le duc de Vendôme était retombé dans l’ingratitude et la rébellion. Isolé autant qu’incorrigible, ce prince comprit qu’il était perdu en voyant le roi, son frère, marcher vers la Bretagne, où l’héritier des Penthièvre n’avait su se ménager aucun point d’appui. César vint à Blois, où se trouvait déjà la cour, avec le grand-prieur de Malte, son frère. Arrêtés immédiatement, les deux Vendôme furent conduits à Vincennes aux applaudissemens de la Bretagne tout entière. Le roi, traînant à sa suite Gaston, son frère, se dirigea d’Amboise sur Nantes. En venant s’établir pour deux mois dans cette ville, il songeait moins à maintenir par sa présence une population dont le dévouement lui était bien connu qu’à s’assurer une plus entière liberté pour une œuvre de haute justice. Au mois d’août 1626, la France vit s’accomplir simultanément deux actes que Richelieu considérait comme nécessaires à la consolidation de l’autorité royale et à sa sécurité personnelle au milieu de tant d’ennemis. Ce ministre résolut de marier de force l’héritier du trône, qui, dans la prévision alors généralement admise de la mort prochaine du roi, avait osé porter sur Anne d’Autriche des regards audacieux, et de frapper un jeune imprudent qui avait prétendu passer du rôle d’espion à celui de conspirateur. Le duc d’Orléans dut donc épouser à Nantes Mlle de Montpensier, parce que les ennemis du cardinal combattaient ce mariage et qu’il fallait les convaincre d’impuissance ; Chalais dut mourir, si peu dangereux qu’il fût, parce qu’il fallait montrer la hache du bourreau à ces brillans étourdis qui n’avaient pas encore vu couler le sang de par le roi.

Six semaines avant l’exécution du comte de Chalais, quinze jours avant le royal hyménée, au milieu de l’émotion entretenue par l’attente de ces événemens, Louis XIII ouvrit les états de Bretagne entouré d’une cour nombreuse. Il avait à ses côtés Marie de Médicis et la jeune reine, alors en butte aux soupçons de l’époux comme à ceux du monarque. Quand un immense cri de vive le roi vint ébranler le cloître du vieux couvent où se tenait l’assemblée, Anne d’Autriche, pâle et tremblante, crut voir dans cette éclatante manifestation une sorte d’accusation élevée contre elle. À cette acclamation, le front de Louis s’éclaircit un moment, et d’une voix lente il prononça quelques phrases dont le sens était qu’il venait dans cette province pour écarter par sa présence les grands maux dont elle était menacée. Le garde des sceaux de Marillac fut beaucoup plus prolixe sans être beaucoup plus clair. Il disserta longuement sur la manière dont la malveillance ourdit ses complots et trompe quelquefois jusqu’aux plus fidèles. Il traça un sombre tableau de l’abîme au fond duquel tomberaient les peuples, si les grands maux n’étaient détournés par l’œil du roi, « qui est hors de son sceptre, voit et découvre plus loin, sa vigilance l’engageant à des remèdes prompts et puissans proportionnés au mal qu’il sait prévenir et à l’affection qu’il porte au repos public. » Sans affirmer la culpabilité du duc de Vendôme, le ministre déclara au nom du roi que son frère légitimé ne reprendrait jamais le gouvernement de la Bretagne, « quelque issue que puissent avoir ses affaires, » et termina sa harangue en prononçant ces paroles accueillies par d’unanimes applaudissemens : « Le roi veut que vous lui fassiez librement toutes les plaintes sur les moindres choses qui vous blesseront, et si les années précédentes il s’est passé quelque chose qui blesse vos libertés, franchises et privilèges, il entendra volontiers vos remontrances là-dessus, car il les veut maintenir entièrement et ne souffrir qu’elles soient entamées en quelque sorte que ce soit[21].

Si le garde des sceaux avait paru ménager l’ancien gouverneur de Bretagne, une déclaration antérieure de quelques jours à la réunion des états ne pouvait laisser aucun doute sur la mesure que le roi se proposait de prendre contre son frère. Cette déclaration fermait en effet les portes de l’assemblée à tous les serviteurs, domestiques ou pensionnaires de M. de Vendôme, « pouvant, selon l’occurrence, s’y traiter des affaires qui concernent et touchent notre frère naturel, à quoi il n’est pas raisonnable d’engager ceux qui lui seraient obligés d’affection ou d’intérêt, quoique nous ne doutions pas de leur fidélité envers nous. »

Quelque atteinte que cet acte pût porter au droit des états, il n’y provoqua aucune observation tant l’exaspération était vive contre MM. de Vendôme, tant on était résolu à ne pas se laisser engager pour d’égoïstes intérêts dans des agitations nouvelles. L’assemblée avait accueilli avec joie la nomination du maréchal de Thémines au gouvernement de la Bretagne, parce que l’homme qui devait sa fortune à l’arrestation du prince de Condé donnait toute garantie à la province contre le seul péril dont elle se montrât alors préoccupée. Une députation spéciale fut chargée d’aller remercier sa majesté en exprimant aussi le vœu formel « qu’elle ordonnât par lettres patentes que ni M. ni Mme de Vendosme, ni aucun de leurs enfans ou descendant, ne pussent être à l’avenir pourvus dudit gouvernement. » Enfin, quelques jours plus tard M. Aubery, l’un des commissaires du roi, venait annoncer aux états que sa majesté avait donné des ordres pour que toutes villes et châteaux possédées par le duc de Vendôme en Bretagne fussent immédiatement démolis, et l’assemblée, rompant avec les derniers souvenirs du passé, applaudissait à cette communication.

Nantes ne pratiqua point en 1626 la leçon d’économie que lui avait faite Marie de Médicis en 1614. L’hospitalité donnée à la cour durant deux mois fut d’un éclat incomparable. Déployant cette braverie signalée par Mme de Sévigné comme un des traits de leur caractère, messieurs des états abattirent leurs dernières futaies, ressource unique d’une noblesse pauvre, pour tenir tête aux courtisans à table, à la chasse et au jeu, jusqu’au jour où un voile sanglant tomba sur ces splendeurs évanouies. Après le départ du roi, la Bretagne reprit le cours de sa vie modeste et tranquille. Toutefois il fut bientôt interrompu par le contre-coup, inévitable sur un grand littoral, de l’expédition de La Rochelle et de la guerre contre l’Angleterre. Obligées de se défendre avec leurs seules ressources contre des menaces presque incessantes de débarquement, les villes résistaient énergiquement chaque fois qu’un commissaire des guerres se présentait avec une commission royale pour prendre leurs canons ou leurs munitions. De 1626 à 1634 ; les registres des communautés bretonnes sont remplis de semblables réclamations ; elles se produisirent à Rennes, à Saint-Malo et à Nantes sous les formes les plus animées. Nantes surtout ne céda qu’en présence de lettres de jussion conçues en termes menaçans[22], et ses magistrats déclarèrent, en protestant contre la violence qui leur était faite, « qu’ils restaient sans moyens de défendre leur ville, si elle était attaquée par les ennemis du roi. »

Aux états qui se tinrent en 1629 à Vannes et en 1630 à Ancenis, les réclamations se reproduisent, et la fréquence de ces débats où le gouvernement se voyait disputer l’exercice de droits indispensables à la sûreté générale, constate combien avant la création des intendances l’action administrative était faible et la compétence des divers pouvoirs mal définie. Ces deux tenues d’états furent signalées par un incident qui aurait singulièrement ému la noblesse bretonne si l’ardent royalisme qu’elle professait depuis l’avènement de Louis XIII ne l’avait en ce moment désintéressée de ses plus vieux souvenirs. Le prince de Condé vint y prendre la présidence à titre de duc de Rohan, tous les biens confisqués pour cause de rébellion sur le chef de cette maison ayant été attribues par le roi à ce prince, naguère insurgé lui-même. Froidement accueilli, Condé se concilia la faveur de l’assemblée en s’y montrant gardien jaloux des droits de la province. Il fut applaudi lorsqu’il déclara ne prétendre à aucun autre rang que celui de comte de Léon, et plus encore quand il désavoua les expressions ambiguës des lettres patentes, lesquelles prescrivaient « de le recevoir et de l’honorer non-seulement comme duc de Rohan, mais à cause de sa naissance et du commandement reçu du roi pour ce sujet. » La présence d’un prince de la maison de Bourbon surexcita le dévouement déjà si chaud de la noblesse. Cette cause n’est peut-être pas étrangère à l’élévation du don gratuit. Ce chiffre fut porté aux états de Vannes à 700,000 livres, aux états d’Ancenis il s’éleva à 900,000, plus une somme de 100,000, offerte par les états au cardinal de Richelieu en témoignage de leur reconnaissance pour les grands services rendus par lui à la Bretagne. Si le parlement de Rennes continuait contre les grandes créations du ministre l’opposition procédurière dans laquelle il persista jusqu’à la mort du cardinal, les états commençaient en effet à ouvrir les yeux. Ils avaient compris quel vaste horizon préparait pour la Bretagne la fondation de cette marine militaire dont Henri IV avait si souvent déploré l’absence. Les cadets, vivant dans une pénible dépendance au fond du manoir paternel, les chefs de nom et d’armes, prévoyant pour leurs nombreux juveigneurs une situation voisine de l’indigence, entrevirent dans la création dont leur province fournirait la plupart des élémens une noble carrière pour leurs fils, une importance toute nouvelle pour cette chère Armorique dont le véritable génie allait enfin se révéler. En réunissant à Brest les ressources éparses jusqu’alors de l’ancienne marine du ponant, en y ordonnant de vastes constructions, Richelieu fit de cette ville la capitale maritime de la France. Ce port merveilleux, creusé par la nature avec des conditions de sûreté que l’art ne saurait jamais atteindre, n’avait reçu jusqu’alors que le quart de la subvention allouée aux ports de Brouage et du Havre-de-Grâce, réputés les principaux chantiers de construction. Richelieu attribua quatre fois autant à Brest qu’à chacun des deux autres, et ce grand port devint le quartier-général de la marine française sur l’Océan par suite de l’application d’un règlement admirable, œuvre personnelle du cardinal[23]. L’effet de ces mesures fut si prompt que trois ans après l’escadre de Bretagne, construite tout entière à Brest, fournissait à l’armée navale un contingent de seize magnifiques vaisseaux[24].

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si les états d’Ancenis supplièrent en 1630 sa majesté de donner pour gouverneur à la Bretagne Mgr le cardinal, « qui a choisi cette province pour y former des compagnies, et ses havres pour y mettre les vaisseaux du roi. » Ne disputant jamais à son ministre aucun des pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de ses vastes desseins, Louis XIII déféra sans hésiter à ce vœu, et Richelieu reçut les provisions de gouverneur de Bretagne[25]. Ainsi furent terminées les difficultés, insolubles jusqu’alors, élevées à l’occasion des droits de l’amirauté du royaume, droits que les états n’entendaient reconnaître qu’autant qu’ils seraient exercés directement dans la province par le représentant direct de l’autorité royale[26]. L’année suivante, le cardinal s’excusait près des états de ne pouvoir résider dans la province, et faisait nommer Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, son neveu, son lieutenant-général au gouvernement de Bretagne. Quelques mois après, ce jeune seigneur, héritier des volontés altières de son oncle sans l’être de son génie, venait s’établir à Nantes, et ses violences, jointes aux caprices de Mme de La Meilleraye, ne tardèrent pas à y susciter à son administration les plus sérieux embarras.

S’il arriva plus d’une fois aux états de résister aux demandes de la couronne, ce fut presque toujours parce que les formes provoquantes de M. de La Meilleraye avaient ajouté aux difficultés financières des difficultés d’amour-propre. Celles-ci faillirent provoquer en 1636 une crise véritable. L’autorité conquise dans la province par le cardinal vint heureusement tempérer l’effet des procédés de son neveu. À cette époque, le pouvoir, pressé d’argent, comme le sont tous les gouvernemens qui font la guerre, lors même qu’elle est heureuse, imagina la plus déplorable des opérations. Sans l’assentiment préalable des états de Bretagne, qui l’auraient certainement refusée, il aliéna la jouissance temporaire des impôts et billots à des traitans, et rédima à prix d’argent de l’impôt des fouages un certain nombre de feux par paroisses, en dévorant ainsi pour un prix dérisoire son plus solide capital. Violentés d’abord par M. de La Meilleraye, mais bientôt après ménagés avec souplesse par des agens directs du cardinal, les états finirent, à la suite des débats les plus animés, par consentir une transaction qui restreignit dans les plus étroites limites la mesure générale décrétée d’abord, et se donnèrent la satisfaction de laisser comprendre à leur illustre gouverneur qu’ils accordaient à l’oncle ce qu’ils auraient refusé au neveu. Richelieu n’avait le goût ni des luttes ni des rigueurs inutiles ; il ménageait les forces qu’il ne croyait pas dangereuses ; s’il frappa les états du Languedoc, c’est qu’ils avaient préparé depuis longtemps par leur attitude et qu’en 1632 ils secondèrent par leur concours l’insurrection du duc de Montmorency. Sitôt que la tête de ce seigneur fut tombée, le cardinal n’hésita point à restituer à la province la plupart de ses privilèges, se montrant aussi facile envers les populations qu’il avait été impitoyable envers les derniers représentans de la puissance féodale. Richelieu pratiqua la même politique dans ses relations avec le parlement de Rennes ; enfin, lorsqu’en 1636 il eût nommé le maître des requêtes d’Étampes de Valançay intendant de police, justice et finances en Bretagne, cette innovation fut si vivement combattue au sein des états et surtout du parlement, que le ministre estima prudent de l’ajourner, quoique son système administratif vînt se résumer tout entier dans l’établissement des intendances.

Les institutions particulières de la Bretagne fonctionnèrent donc sous le règne de Louis XIII avec une efficacité constatée par leurs résultats. C’est le moment où la constitution de cette province, encore peu entamée par l’arbitraire ministériel, se présente dans sa plus complète vérité. Cette constitution, il faut le reconnaître, était purement aristocratique. Les évêchés et les abbayes qui donnaient accès dans le premier ordre étaient pour la plupart aux mains de la noblesse. La représentation des communautés urbaines appartenait aux sénéchaux et aux maires choisis par le roi ou propriétaires de leurs charges à titre héréditaire ; ces magistrats d’ailleurs tenaient assez souvent à la noblesse soit par la nature de fonctions qui la conféraient, soit par la possession de terres nobles, et l’on peut remarquer en lisant les procès-verbaux des états que les députés du tiers ne manquaient jamais en pareil cas de faire précéder leur nom de la qualification de noble homme.

Cependant, si exclusive qu’en fût la composition, ce grand corps était puissant par son union intime avec la population comme par les importantes prérogatives qu’il sut défendre avec une courageuse persévérance. Il avait le droit absolu de voter tous les subsides, qu’ils s’appliquassent aux dépenses de la province ou aux dépenses du royaume, ce qui entraînait la faculté de discuter toutes les questions administratives. À cette prérogative venait se joindre le droit moins nettement reconnu, mais toujours revendiqué par les états de vérifier avant leur enregistrement parlementaire tous les édits intéressant la province, même lorsqu’ils étaient rendus « pour le général du royaume ; » enfin l’usage s’était établi de dresser un cahier de remontrances, remis après chaque tenue par les députés en cour aux mains du monarque, cahier dont la rédaction conserva, même sous Louis XIV, une liberté de langage dont on s’étonne aujourd’hui.

Jusqu’en 1630, les états étaient réunis régulièrement chaque année dans une session d’une durée habituelle de six semaines ou deux mois. Après 1630, les réunions ordinaires n’eurent lieu que tous les deux ans, changement qui eut probablement moins d’importance aux yeux des contemporains qu’aux nôtres, car il ne provoqua aucune sorte de réclamations aux tenues suivantes. L’on peut inférer de ce silence qu’il fut le résultat d’un accord tacite fondé sur les dépenses provoquées par la solennité de ces réunions, où se ruinait la noblesse, et dans lesquelles l’usage commençait à s’introduire de voter des gratifications fort considérables aux présidons des trois ordres, au gouverneur de la province et à tous les officiers des états. Ce changement dans la périodicité des sessions ne modifia pas d’ailleurs les attributions et les travaux de l’assemblée, qui votait l’état des dépenses et des recettes pour deux ans, en doublant le chiffre du don gratuit, payable par moitié sur chacun des deux exercices.

Toutes les opérations étaient préparées par des commissions composées de membres des trois ordres[27]. Après la séparation des états, une représentation permanente exerça par délégation, à partir de 1734, une partie de leurs pouvoirs. Cette commission, dont j’aurai à exposer plus tard le mode de constitution définitive, suivait près du gouverneur et du parlement toutes les affaires courantes. Elle arrêtait la répartition des diverses impositions entre les neuf diocèses. Dans chacun de ceux-ci, une sous-commission diocésaine de neuf membres opérait la répartition par paroisse, y surveillait la gestion des receveurs et statuait sur toutes les réclamations en matière d’impôt. Enfin cette sous-commission transmettait à la commission centrale siégeant à Rennes tous les renseignemens propres à éclairer ses travaux comme à préparer ceux des prochains états. Ajoutons qu’avant l’établissement des intendans et des subdélégués la royauté n’avait à opposer aux nombreux agens choisis par l’assemblée provinciale et répandus sur tous les points du territoire que les gouverneurs de ville, munis de pouvoirs plutôt militaires que civils, et les sénéchaux, dont la compétence était moins administrative que judiciaire. Si ce n’était pas là la liberté politique, cette organisation constituait du moins une intervention constante et le plus souvent décisive dans les affaires du pays. Les états de Bretagne auraient donc été une admirable école pour la vie publique, si l’ordre privilégié avait ouvert ses rangs au lieu de les fermer, et cette noblesse se fût trouvée très heureusement préparée pour la crise de 1789, si sa trop grande prépondérance au sein des états n’avait fini par revêtir à ses yeux le caractère d’un droit inviolable.


L. DE CARNE.

  1. Les neuf grandes baronnies dont la possession conférait la présidence de la noblesse aux états étaient Léon, Vitré, Ancenis, Fougères, Chateaubriant, La Roche-Bernard, Quintin, Retz et Pont-Château.
  2. Registre des états. Bibliothèque impériale, fonds Blancs-Manteaux, 75,2, séance du 30 décembre 1590.
  3. Registre des états de Rennes. Remontrances au roi, 5 janvier 1593.
  4. Mémoires de Montmartin, CCXCIX.
  5. Registre des états, 2 décembre 1595.
  6. Dom Taillandier, Histoire de Bretagne, t. II, liv. XIX.
  7. Registre des états, séance du 17 décembre 1597.
  8. Edit de Nantes du 13 avril 1598.
  9. Journal du notaire Pichart. — Preuves de l’histoire de Bretagne, t. III, c. 1757.
  10. Registre des états. Règlement arrêté à Rennes en conseil, le roi présent, 14 mai 1598.
  11. Registre des états, 22 mai 1599.
  12. Lettre datée de Fontainebleau, 22 avril 1599, aux maires, échevins, manans et habitans de la bonne ville de Nantes.
  13. 8 mai 1599.
  14. Lettre écrite à Fontainebleau, le 13 mai 1599, signée Henri et plus bas Potier, à notre cher et bien amez le sieur Hux de La Bouchetière, trésorier des états de notre province et duché de Bretagne, maire en notre ville de Nantes.
  15. Registre des états, séance du 17 juin 1632.
  16. D’Aubigné.
  17. Registres des états de Nantes, séance du 24 août 1614.
  18. Registres des états, séances des 13, 17, 21 et 24 juillet 1621.
  19. Voyez aux archives de l’empire les comptes de 1703 et de 1709 fouriwsparMM. Chamillart et Desmaretz, nouveau fonds du contrôle général.
  20. Registres des états de Nantes, séance du 8 décembre 1623.
  21. Registre des états, 11 juillet 1626. — Mercure de 1626, p. 341. — La Commune de Nantes, t. IV, p. 146 et suiv. — Histoire civile et politique de Nantes, t. III, p. 259.
  22. Lettres du roi au corps de ville, 6 octobre 1627.
  23. Règlement de la marine, promulgué le 29 mars 1631.
  24. Histoire de la ville et du port de Brest, par M. Levot, t. Ier, p. 119.
  25. Ces lettres de provision sont datées de Compiègne le 16 septembre 1631. Elles réitèrent l’exclusion perpétuelle donnée pour le gouvernement à quiconque se prétendrait issu du sang de Bretagne, et font un magnifique éloge des services et de la personne du cardinal.
  26. Les plus graves de ces difficultés étaient suscitées par l’exercice de ce droit de bris et naufrage qui fournissait en quelque sorte un revenu régulier aux seigneurs riverains des côtes de la Manche et de l’Océan. Ce droit sauvage n’était pas encore ébranlé dans l’opinion même parmi les membres du clergé. Aux procès-verbaux des états de 1629, je trouve dénonciation suivante : « Il a été représenté que les ecclésiastiques et les gentilshommes qui ont le droit de bris y sont troublés par les officiers de Mgr le cardinal de Richelieu. Les états ont chargé leurs députés à la cour de supplier Mgr le cardinal, surintendant de la navigation, de laisser jouir lesdits ecclésiastiques et gentilshommes des droits de bris et autres qu’ils justifieront leur appartenir. »
  27. Ces commissions étaient au nombre de six et portaient les qualifications suivantes : finances et impositions, — baux et adjudications, — commerce et ouvrages publics, — étapes et casernemens, — domaines et contrôles, — contraventions. — Voyez Droit public de la province de Bretagne, p. 99, in-12, Rennes 1787.